Montpellier / Gilets Jaunes : un collectif pointe l’usage excessif du flash-ball

15/01/2019 à 18:12

Un collectif, rassemblant plusieurs associations, syndicats, partis ou mouvements politiques, s’est rassemblé ce mardi matin devant la préfecture de l’Hérault à Montpellier pour « dénoncer la répression policière et judiciaire » survenue lors de la mobilisation des Gilets Jaunes, depuis le 17 novembre.

Devant « un chiffre localement affolant de blessés et de personnes mises en garde à vue », le collectif apporte « son entière solidarité avec les réprimés et les blessés du mouvements social » et demande « l’amnistie pour toutes celles et ceux actuellement embêtés judiciairement sur le simple fait de manifester leur opposition au gouvernement ».

Le bilan dressé par le collectif dans le Languedoc-Roussillon depuis le 17 novembre 2018 est de 11 blessé(e)s graves, la plupart par des tirs de flash-ball, de 140 personnes interpellées dont 12 mises en détention provisoires et 14 condamnations, dont la plus lourde prononcée à Béziers vendredi 4 janvier avec 2 ans de prison ferme.

Le témoignage d’Yvan, victime d’un tir de flash-ball devenu street medic

Ainsi, Yvan, 40 ans, présent à Montpellier pour l’Acte VII (29 décembre) qui témoigne le visage encore marqué : « Sur le parvis de la gare, j’ai pris un tir de flash-ball. À la base, il était destiné à l’oeil et, j’ai eu beaucoup de chance, ma casquette a dévié le tir sur l’arcade ». Conséquence : huit points de suture, un traumatisme crânien et des angoisses qui apparaissent.

Revenant sur l’événement, il raconte « Les policiers nous ont demandé de sortir de la gare donc on est sortis. J’étais de dos, j’avais dû faire 8 ou 10 mètres, et au moment où je me retourne, il y a eu un impact. Je suis tombé au sol. J’étais conscient mais comme dans une bulle, j’entendais tout ce qui se passait. Tout le monde s’est mis autour de moi pour me protéger. Ils ont continué à tirer aux flash-ball et à envoyer des gaz lacrymogènes. J’en ai pris une dans la veste alors que j’étais au sol ».

La suite est d’autant plus traumatisante pour Yvan : « Des personnes sont allées prévenir les policiers qu’il y avait un blessé au sol. Ils ont dit « ok on arrête de tirer ». Quand la personne a eu fini de parler et qu’elle est repartie, les policiers ont envoyé tout ce qu’il leur restait. Une banderole a été placée devant moi pour me protéger ainsi que les street medic. Cela devenait tellement insupportable qu’ils ont dû m’évacuer de force car cela devenait insupportable pour eux ».

Yvan, victime d’un tir de flash-ball durant l’acte VII à Montpellier © CN

Dès le lundi, Yvan était devant le tribunal à Montpellier pour soutenir des Gilets Jaunes passant en comparution immédiate. S’il a continué ses actions, il est désormais passé du côté des street medic dès l’acte VIII : « Je trouve que c’est très important ». Il a porté plainte auprès de la gendarmerie, qui l’a faite remonter au procureur de la République : « J’habite en secteur gendarmerie et je n’ai pas forcément envie de voir la police en ce moment. Cela s’est très bien passé, ils ont pris mon audition et j’ai eu un rendez-vous avec un médecin légiste pour constater les dégâts ».

Crises d’angoisse

Yvan est toujours dans l’attente de son dossier médical et d’un certificat médical du médecin urgentiste. S’il n’a ainsi pas pu avoir d’ITT de l’hôpital, son médecin traitant lui a accordé cinq jours. Après cet événement, il dit ne pas être plus en colère qu’au début de la mobilisation. Reste le traumatisme : « Des crises d’angoisse qui montent juste à la vue des policiers, du mal à dormir, beaucoup de cauchemars, des nuits agitées, des maux de tête récurrents avec une forte douleur qui arrive et repart instantanément, des pressions dans l’oeil… et toutes les questions du pourquoi du comment ».

« L’usage des flash-ball par la police montre un manque de discernement. Je ne sais pas s’ils se rendent compte » lance Yvan dans l’attente de savoir s’il doit se faire opérer de l’oeil droit, « Si on est là c’est qu’on ne lâchera pas. On a aujourd’hui un pouvoir, celui de dialoguer. On l’a encore un tout petit peu alors on en profite, on parle, on dit ce qu’il se passe dans les manifestations. Les sommations ne sont pas forcément faites tout le temps. À la moindre vue des Gilets Jaunes, les lacrymogènes partent instantanément. Il n’y a plus de discussions possibles. C’est un Gilet Jaune contre un gilet bleu. C’est malheureusement dans les deux sens que cela commence à devenir énervant. Chacun à peur de l’autre ».

La Ligue des Droits de l’Homme s’inquiète

« Au regard des témoignages et vidéos, la police n’était pas en légitime défense et les tirs étaient en haut du corps, ce qui est proscrit. On n’est pas sur des casseurs qui étaient en train d’agresser la police. Mais des manifestants qui se sont faits tirer dessus en dehors de toutes les normes et qui vont rester mutilés à vie », argumente La Ligue des Droits de l’Homme Montpellier, qui prépare actuellement une saisie du Défenseur des Droits.

Le collectif constitué en solidarité avec les victimes de la répression policière et judiciaire © CN

La LDH Montpellier tient à saluer l’action des street medic et de la Legal Team lors des manifestations : « Ce sont des citoyens qui se sont auto-organisés pour faire des premiers secours face aux violences qui se produisaient ». Selon plusieurs témoignages, les street medic ont été « pris pour cible par des tirs de flash-ball de la part des forces de l’ordre notamment quand ils interviennent sur une personne blessée au sol. Ce n’est pas admissible car ils sont en train de porter les premiers secours ». Quant à la Legal Team, « nous avons des intervenants qui étaient floqués Ligue des Droits de l’Homme avec des gilets clairement identifiables qui ont fait l’objet de mesures de contrôle pour les empêcher dans leurs interventions. Ce sont des pratiques que l’on ne peut pas tolérer car se sont des remparts aux observations des bonnes pratiques ».

Rendez-vous souhaité avec le préfet

Illustration de son inquiétude, la LDH Montpellier pointe un rapport de la cour des comptes sur l’équipement en matériel des forces de l’ordre (gendarmerie et police nationale) faisant état d’une augmentation du budget en équipements de 181 % entre 2012 et 2017 passant de 132,4 millions d’euros à 172,1 millions d’euros, les munitions de 12,1 millions d’euros à 40,4 millions d’euros, l’habillement de 52,8 millions d’euros à 72,2 millions d’euros et la protection de 2,2 millions d’euros à 82,7 millions d’euros. Elle alerte également, s’appuyant sur un article du Monde diplomatique : « Les grenades à la TNT (ndlr : une grenade lacrymogène et assourdissante contient une charge explosive de TNT) seraient épuisées et il n’y aurait plus de production de ce type de grenades. On est manifestement en train de finir le stock, la question est : qu’y aura t-il derrière ? La Ligue des Droits de l’Homme tient à interpeller sur ce point ».

Le collectif souhaite prendre rendez-vous avec le préfet de l’Hérault  : « Les dégâts humains sont dramatiques. Les victimes de flash-balls sont défigurés et, au-delà, ont des troubles psychologiques importants ».

(1) AFPS 34, Alternative Libertaire Montpellier, Arrêt du nucléaire 34, Association Projet citoyen 34, Campagne BDS France Montpellier, Collectif Migrant-e-s- Bienvenue 34, CNT ESS, EELV Languedoc Roussillon, Ensemble Hérault, FERC CGT 34, Groupe Un autre futur de la Coordination des Groupes Anarchistes, Groupes d’action de la France Insoumise Montpellier, Groupe d’action FI Luttes Sociales, Les Jeunes Insoumis.es Montpellier, Ligue des Droits de l’Homme Montpellier, Nouveau Parti anticapitaliste 34, Parti de la Gauche 34, PCF 34, Solidaires 34, Solidaires Étudiants 34, Sud Éducation Hérault, SUD PTT 34.


Cédric Nithard