EXCLUSIF METROPOLITAIN/ Des épiciers de nuit de Montpellier attaquent au tribunal administratif l’arrêté municipal de fermeture de nuit. Leur avocat, Me Maxime Martinez le juge illégal. Le 3 mai dernier, il a demandé par courrier au maire Michaël Delafosse l’abrogation de l’arrêté de police et un rendez-vous urgent. Selon nos informations, une suite favorable a été donnée et des représentants des commerçants visés par l’arrêté ont été reçus en milieu de semaine au cabinet du maire. Mais, la Ville de Montpellier restant campée sur sa position, ces épiciers de nuit ont saisi le tribunal administratif, leur avocat estimant que, « l’arrêté en date du 13 janvier 2022 portant « règlement des horaires d’ouverture des établissements de type épiceries de nuit et de vente à emporter des boissons alcoolisées » et préjudiciable pour mes clients est singulièrement liberticide ». Il énumère les contraintes à l’ensemble des établissement visés en activité sur le territoire de la commune de Montpellier : il interdit la vente d’alcool entre 22 heures et 6 heures du 1er juin au 30 septembre et sur cette période les jeudis, vendredis, samedis et dimanches les établissements inclus dans l’un des sept périmètres définis à l’arrêté devront fermer leurs grilles à 22 heures. « Ainsi, et pendant les quatre mois d’été, il sera interdit à la plupart des épiceries de nuit d’être… « de nuit », relève t-il dans sa requête judiciaire. Me Martinez pointe une « une information déloyale, les commerçants étaient informés de l’arrêté il y a moins de trois semaines. J’y vois une manœuvre déloyale destinée à les convaincre qu’il était peine perdue d’envisager de protester ou de contester, l’arrêté précisant que les délais de recours contre lui seraient épuisés au terme de deux mois suivant sa signature et déjà lorsqu’il leur était révélé ». Les épiciers de nuit conteste également l’argument des « allées et venues de la clientèle, en découvrant que pour la mairie « les ouvertures nocturnes des établissements de restauration rapide et de vente à emporter, des épiceries de nuit, dont l’activité se traduit par un va et vient incessant, accompagné d’une consommation à proximité du commerce sur la voie publique, entretiennent et favorisent la présence permanente de personnes, qui génèrent nuisances sonores, et portent atteinte à la salubrité et à la tranquillité publique. ».
80 000 étudiants, 2 000 restaurants, 150 bars
Réaction des commerçants inquiets face à l’application de cet arrêté : « La problématique des « émergences » sonores la nuit dans le centre-ville de montpellier est connue. La ville compte près de 80 000 étudiants, plus de 2 000 restaurants (restauration rapide et traditionnelle) et pas loin de 150 bars. La ville se veut et se vit jeune et festive. Pas seulement l’été mais toute l’année (ville la plus ensoleillée de France après Ajaccio, 20° de température annuelle moyenne), la vie sociale d’ici prend place dans les rues et sur les terrasses. Cette occupation du domaine public est largement encouragée, la mairie n’étant pas avare en autorisation de terrasses elle est donc plus que favorable à l’exploitation du domaine public à des fins commerciales. Les commerces traditionnels non visés par l’arrêté (bars, restarurants) achèvent leur activité à 1 heures du matin. Les incivilités (rires, chants, parler haut) sont alors l’expression bruyante et regrettable de la joie d’être ensemble, plus rarement (cris, invectives, bris) celle d’une violence. Or, cet arrêté ne vise aucune violence, mais seulement le bruit inhérent à un passage, une clientèle. Combien d’épicerie de nuit ici pour combien de bars ? Combien de clients d’épicerie de nuit pour combien de clients de bars ? Les uns sont ils plus bruyants que les autres quoique bien moins nombreux, l’alcool des bars rend-il moins joyeux et euphorique que celui qui se vent dans les épiceries de nuits ? On pourrait rajouter à l’équation les « bars de nuits » qui occasionnent des allées et venues très sonores jusqu’au petit matin.
« Chiffre d’affaires de moins 70% »
« La municipalité met tous ces commerçants dans le même panier, sans distinguer ceux qui jouent le jeu (la très grande majorité) de ceux qui ne le joueraient pas. A en croire l’arrêté les épiceries de nuit seraient à elles seules responsables de la majorité des nuisances nocturnes (bruits, incivilités, violences). Au prétexte de lutter contre celles-ci et contre leur cause désignée (l’alcool) la mairie décide de faire mourir des commerçants responsables dont l’activité nourri leur famille et celle de leurs employés. L’année dernière déjà, et sous la période de la Covid-19, les mêmes mesures ont privé ces commerçants de 70% de leur chiffre d’affaires. Nous avons essayé de discuter avec le maire, nous lui avons proposé de nous envisager comme des partenaires – tard dans la nuit il existe encore des portes ouvertes, des commerces qui peuvent être un refuge… demain il n’y en aura plus – nous avons essuyé une silencieuse fin de recevoir », déplorent les épiciers de nuit défendus par Me Maxime Martinez.
Autre point visé par la requête au tribunal administratif : l’’argument de la lutte contre l’alcoolisme et les nuisances qui en découlent. Sur ce point, Me Martinez note la mention dans l’arrêté que « la consommation abusive d’alcool contribue à créer des troubles à la tranquillité publique notamment par des nuisances sonores, nuisibles à la santé publique et des atteintes à la commodité de passage ainsi qu’à l’intégrité de l’espace public. Les nombreux incidents de voie publique constatés par les forces de police tout au long de l’année (appels téléphoniques, courriels, courriers, rixes, émeutes, ivresses publiques et manifestes, entraves à la circulation, dégradations de l’espace public) sont générés par la consommation excessive d’alcool, et plus particulièrement en deuxième partie de semaine, du jeudi soir au dimanche matin ». Et de s’interroger : « combien d’hectolitre sont servis chaque jour sur les terrasses autorisées contre « droits » sonnants et trébuchants ? Combien de baux commerciaux sont consentis par la commune à des établissements exploitant des licence IV ? Les différentes halles municipales, mais semble-t-il aussi les halles Plazza, qui auraient été rendues possibles par un exercice du droit de préemption urbain. L’alcool ici envahi par concession les lieux municipaux de culture : La Panacée a son bar, L’Hôtel des Collections à le sien, les friches culturelles (Halles Tropisme notamment) évidemment aussi. L’alcool ici est même une « culture » à part entière et mérite à ce titre « son évènement » : Les Estivales, kermesse géante des vendredis de juillet et août t à la gloire du vin, avec près de 200 000 visiteurs sur une cinquantaine d’heures d’évènements, a proportion a peine moins que le Salon de l’Agriculture, l’odeur de la campagne en moins. (Ndlr : cet été, les Estivales déménagent dans la pinède du Domaine d’O à Malbosc). Démontrez-vous que l’alcool qui se vend dans les épiceries de nuit est – proportionnellement – à l’origine de plus d’actes de violences que celui qui se vend partout ailleurs, souvent beaucoup moins cher ? ».
Pour l’avocat, « cet arrêté se pare du faux-nez des impératifs de sécurité et de salubrité publique. Même le plus distrait des observateurs ne peut s’expliquer la violence de votre arrêté que par une volonté de gentrification du centre-ville : faire de Montpellier au plus fort de l’été une sorte de village Potemkine inversé ou les commerces – plutôt pauvres – des quartiers sont obligés de fermer, pour que puisse mieux briller les terrasses peuplées des établissements autorisés ». C’est pour ces motifs que des épiciers de nuit ont demandé à Me Martinez d’introduire un référé liberté attaquant l’arrêté municipal de janvier dernier.
> Sollicité par Métropolitain ce vendredi après-midi par courriel et par sms, le cabinet du maire n’avait pas encore livré sa position sur cette affaire sensible.