On l’a connu à Montpellier en 2020 voulant être le plus jeune candidat aux élections municipales avant l’âge légal. Même tentative un an plus tard à la Présidentielle. En 2022, les 18 ans enfin atteints, Flavio Dalmau a enfin pu se jeter dans le grand bain de la politique en se présentant aux Législatives. Une expérience compliquée durant laquelle le jeune homme aura essuyé moqueries, critiques et revers, notamment de la part de La République en marche auprès de qui il avait demandé l’investiture, en gardant toujours sa volonté chevillée au corps. Une volonté de faire de la politique qu’il n’a pas perdu et même affinée un an plus tard. De retour avec un (court) essai, Falvio Dalmau, rejetant Emmanuel Macron au profit de René Dumont, porte aujourd’hui la voix d’une écologie politique pragmatique face à EELV et les dérives de l’extrême écologie. Avec un nouveau parti, Les Jeunes ECQO, l’objectif est de rassembler ceux qui portent la même aspiration pour construire une liste commune aux Européennes.
Avant d’aborder l’essai, en septembre vous lanciez La Ruche Montpelliéraine. Où en êtes-vous ?
J’ai quitté La Ruche car désormais j’habite à Castelnau-le-Lez mais je discute toujours avec les autres personnes qui continuent à la structurer.
Vous avez récemment été nommé directeur de l’Institut de la Refondation de l’Écologie Politique. Quel est cet institut ?
C’est un lobby créé il y a un an qui agissait auprès des partis politiques durant les élections législatives dans l’objectif, notamment auprès d’EELV de se dissocier de la NUPES et de la France Insoumise. Cela a échoué. Nous essayons aujourd’hui de démocratiser l’Institut pour l’ouvrir à tous afin d’apporter une réflexion sur comment refonder l’écologie politique. Par le biais de l’Institut, nous cherchons une voie philosophique, de l’ordre de la pensée.
Vous venez de sortir un essai dont le point de départ est la phrase d’Emmanuel Macron « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » dans lequel vous évoquez une guerre et une croisade. Le ton est donné.
On part en guerre mais ce n’est pas une guerre intergénérationnelle comme on le pense souvent. On va tous subir le réchauffement climatique quelque soit notre âge. Les personnes âgées souffrent durant les épisodes de sécheresse comme on a encore pu le voir l’été dernier. Plus tard, nous aussi nous allons subir, d’une autre façon et peut-être de manière plus violente, la crise climatique. Je pense que c’est une guerre qui nous oppose à nos dirigeants actuels dans le sens où l’écologie est devenu un enjeu électoral et non plus un enjeu politique dans le sens noble du terme. C’est donc à nous de partir en croisade pour que cet enjeu électoral redevienne un enjeu politique et de civilisation.
C’est donc un plaidoyer pour la Génération Z avec deux défis : rassembler et convaincre. Comment y parvenir ?
C’est une vaste question à laquelle je n’ai pas toutes les réponses. Ce que la jeunesse est en train de faire est déjà une bonne piste avec les mobilisations pour le climat ou sur d’autres sujets. Je pense qu’il faut surtout qu’elle s’investisse davantage dans l’acte politique au sein des partis. Je dirai même qu’elle doit noyauter les partis pour faire en sorte d’émerger et devenir incontournable en leur sein. Mais il faudrait déjà aller voter aux élections pour avoir un poids dans les discussions.
Vous évoquez un plafond de verre en politique pour les jeunes comme il a pu exister ou existe encore pour les femmes.
Même si on est très loin de la parité ou de l’égalité homme-femme, le plafond de verre pour les femmes commence à vraiment se briser. Pour les jeunes, on n’en parle pas beaucoup. Quand on est jeune et que l’on s’engage en politique, on est pétillant avec le désir de faire changer les choses. Je l’ai vu lors de mon expérience aux législatives, on se prend un mur dans la tête. Il faut vraiment parler de ce plafond de verre et essayer de le briser. On doit donner plus de responsabilités aux jeunes.
Même si vous l’évoquez dans l’essai, vous épargnez la jeunesse pourtant majoritairement cliente de la fast fashion ou penchée sur les Youtubeurs et autres influenceurs. N’êtes-vous pas trop gentil envers votre génération ?
Dans l’essai, je dis que toute la génération ne fait pas des actes pour le climat. Je pense quand même que ma génération est impliquée dans cette lutte. Il y a bien sûr des personnes qui ne sont pas informées mais je suis sûr que lorsqu’on leur parle, ils comprennent et trouvent des alternatives. Je ne suis pas dans la radicalité de dire qu’il faut arrêter de consommer toute la fast fashion, arrêter de lire tel auteur ou ne plus manger de viande. Je suis dans le pragmatisme. Certains ne peuvent pas se passer de la fast fashion parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire autrement. Il y a un juste milieu à trouver entre responsable et justice climatique.
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Vous écrivez que « la génération Z est la seule à ne donner aucune importance collective aux volontés individuelles d’identité ». Qu’avez-vous voulu dire ?
Je trouve que ma génération ne donne pas d’importance à l’individualité en tant que minorité. C’est une des générations qui va porter le moins d’importance à ce qu’une personne soit de couleur, à son orientation sexuelle ou à sa religion. C’est dans ce sens où je pense que ma génération a évolué par rapport aux autres. Cela vient aussi de l’évolution sociétale bien sûr. Aujourd’hui, certaines personnes interprètent mal cette lutte contre les discriminations en voulant simplement opérer à un renversement de situation et en mettant les minorités en supériorité. Cela permet peut-être d’éradiquer certaines problématiques pour les minorités mais en crée d’autres à la majorité. L’objectif n’est pas simplement d’inverser les acteurs. L’objectif acceptable est d’arrêter de caractériser les personnes avec une étiquette.
En matière d’écologie politique, vous prônez l’écologie modérée en vous référant à René Dumont.
René Dumont est le penseur de l’écologie politique qui a permis de la faire émerger en France. Je pense que pour contredire celles et ceux qui dérivent sa pensée de manière radicale, il n’y a rien de mieux que de s’y référer.
Vous vous opposez à l’extrême écologie actuellement en cours qui pour vous dénature la cause écologique.
Je pense que l’extrême écologie parle de tout sauf de l’écologie. Résultat, Yannick Jadot fait moins de 5% à la présidentielle après avoir fait 13% aux européennes en 2019. L’écologie politique est quelque chose de fort mais la campagne interne d’EELV à la présidentielle semble avoir été problématique car l’extrême écologie, à travers certaines personnalités, a essayé d’avoir une place importante dans le projet. Je pense sincèrement que cette absence de cohérence a fait que sa campagne n’a jamais décollé et a causé sa perte. L’extrême écologie n’est pas le consensus et surtout pas le compromis de tout ce qu’il faut. Je prône toujours le compromis car pour que l’écologie politique arrive aux plus hautes fonctions de l’État, il faut rassembler. Il ne faut donc pas être dans la radicalité ou dans un quelconque extrême. Il y a un juste milieu à trouver entre cette radicalité, qui sur certains points est nécessaire, et un centrisme modéré, qui sur d’autres points est extrêmement nécessaire.
Vous appelez les écologistes à se recentrer sur les sujets écologiques.
On remarque aujourd’hui que les extrêmes ont un côté populiste en cherchant une quête individuelle. Des personnes font des coups médiatiques permanents sur des faits de sociétésqui, en toute franchise, n’intéressent pas grand monde et ne sont pas les priorités des Français. Ils le font pour attirer les médias, faire parler d’eux et acquérir une certaine notoriété politique jusqu’à, et c’est un fait marquant à EELV, aller au-delà de leurs convictions politiques en s’associant à La France Insoumise, un parti profondément eurosceptique. EELV, qui porte l’Union européenne dans son nom, s’associe à eux juste pour sauver leurs sièges à l’Assemblée nationale mais aux élections européennes ils veulent s’en dissocier car ils ne font pas assez de voix. C’est ridicule. Cela veut dire que l’on va d’abord prôner l’individualité politique ou le nombre de sièges alors qu’il faut prioriser la problématique sur l’environnement et leur propre colonne vertébrale. Et justement, l’extrême écologie est en train de dénaturer l’écologie politique en violant sa propre colonne vertébrale.
Vous ne la nommez pas dans l’essai mais les exemples sont suffisamment clairs. Sandrine Rousseau semble représenter tout ce que vous détester dans l’écologie ?
En toute franchise, je ne sais même pas si Sandrine Rousseau fait de la politique pour changer les choses. Je pense qu’elle fait de la politique pour devenir quelqu’un. Il y a ceux qui font de la politique pour se faire connaitre et ceux pour qui c’est une nécessité, qui ont ça dans leur sang et dans leurs gènes pour qui il n’est pas question d’embrasser des valeurs allant contre les leurs et leurs projets. Je pense que Sandrine Rousseau ne fait pas partie de cette dernière catégorie de personnes.
Avec Extinction Rebellion, Dernière Rénovation, Les Soulèvements de la terre… la jeunesse semble quand même attirée vers une forme de radicalité voire de violence comme on a pu le voir à Sainte-Soline. Est-ce que cela ne vous interpelle pas ?
À Sainte-Soline, je trouve qu’il n’y a rien eu de radical dans la mobilisation telle qu’elle était prévue. C’est devenu violent et radical au moment où les forces de l’ordre sont intervenues. Après, quand on regarde les sondages pour qui ont voté les jeunes à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon arrive largement en tête. Mais je ne pense pas que la jeunesse fait ce choix pour se radicaliser. Elle va simplement vers ceux qui parlent d’eux et qui les écoutent. Il s’est avéré que durant l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon était le seul à s’y intéressée même si à mon sens ses propositions étaient farfelues.
Ces mouvements qui attirent les jeunes ne sont cependant pas des partis politiques. C’est aussi un défi pour vous de les raccrocher à la politique ?
Ce ne sont pas des partis politiques mais ce qu’ils font est politique. Et je pense qu’une grande partie d’entre eux sont allés voter à la Présidentielle car ce sont des personnes éminemment politisées. Et même s’ils ont voté blanc, c’est à prendre en compte. Les actions d’Extinction Rebellion, qui avec leur nom porte leur radicalité proche de l’anarchisme, restent des actions initialement pacifiques. Après, il y a eu ces actions, dont je parle dans l’essai, de jeter de la soupe ou de la peinture sur des oeuvres d’art. À l’origine, c’est pacifique mais quand on s’attaque à un patrimoine et à une histoire, on ressent tous une émotion interne, un choc qui nous heurte, comme lorsque Notre-Dame de Paris a brûlé alors que la plupart des gens ne sont pas pratiquants, et c’est en cela que cela devient violent. Ces actions contredisent les objectifs de l’écologie politique en montrant que nous ne sommes pas responsables et on en revient aux clichés de l’écologiste zadiste.
Que représente Greta Thunberg pour vous ?
Elle représente une image de la jeunesse vraie et juste. Elle même le dit, elle n’a pas toutes les réponses. Elle est simplement là pour dire aux dirigeants qu’il y a un constat et que c’est à eux d’agir. Elle a évidemment des pistes de réflexions et d’actions mais c’est l’essentiel de son message. Il faut arrêter de penser que quand la jeunesse s’engage, il faut qu’elle soit parfaite, qu’elle ne fasse aucune erreur et avoir réponse à tout. La jeunesse a le droit de commettre des erreurs, de ne pas avoir réponse à tout et de vouloir travailler au consensus et à une coalition autour d’un travail collectif. C’est ce qu’essaye de faire Greta Thunberg. Elle est lanceuse d’alerte mais elle essaye de travailler avec beaucoup de personnes notamment des scientifiques pour trouver des pistes de solution. Ce sont justement les experts, car ils sont l’essence de leur métier, qui trouveront les bonnes solutions thématique par thématique. Il faut aussi arrêter de croire, et c’est son deuxième point, que les politiques doivent absolument rédiger leurs programmes, de trouver les pistes… À mon avis, les politiques sont là pour lancer les orientations mais c’est aux experts par thématique de trouver les solutions concrètes à appliquer. Greta Thunberg essaye de faire ces deux choses. Sinon on arrive à la situation de la France avec une classe dirigeante totalement déconnectée des préoccupations des Françaises et des Français. Contrairement à ce qu’ils pensent, ils n’ont pas la science infuse et ne savent pas tout sur tout.
Parmi les points de division que vous pouvez avoir avec EELV il y a la question du nucléaire et le croyance que vous avez dans le progrès.
Le nucléaire est l’une des énergies les plus vertes qui existe hormis les énergies renouvelables. Et encore, le modèle de production des éoliennes et des panneaux photovoltaïques n’est pas très vert comparé à leur durée de vie. Il faut par conséquent trouver un consensus. Nous avons un quota de production annuelle à assurer pour avoir un minimum de vie basique et cela dans le respect de l’environnement et des enjeux climatiques bien sûr. Mais si aujourd’hui on dit que l’on supprime le nucléaire, on arrivera à la situation de l’Allemagne qui relance les centrales à charbon. Personnellement, et je pense que c’est le cas de la plupart des scientifiques, je préfère les centrales nucléaires aux centrales à charbon. Il faut un mix énergétique où la part du nucléaire est diminuée tout en restant majoritaire et le lier, en l’accentuant aussi, aux énergies vertes pour assurer notre production. Sans le nucléaire, on ne pourra pas fournir à l’ensemble des foyers l’électricité nécessaire. Il y a donc un juste milieu à trouver.
Autre point dans l’essai, l’importance de l’Europe dans la lutte pour le climat. Vous n’êtes toutefois pas favorable à une Europe fédérale. Quelle serait votre modèle ?
Je pense sincèrement que l’Europe actuelle fonctionne. Certains points du fédéralisme sont intéressants mais il ne faut pas une Europe fédérale qui se transformerait en États-Unis d’Europe avec un président à sa tête. Pourtant, je pense qu’il faut une armée européenne ce qui nécessiterait un certain fédéralisme. D’une certaine manière, d’un point de vue économique nous sommes déjà fédéralisés. Selon moi, il faudrait accentuer notre charte de valeurs des droits de l’homme car aujourd’hui il y a des dérives dans plusieurs pays comme l’Autriche ou la Hongrie. Il y a des défaillances au sein de l’Union européenne à répondre de façon franche lorsqu’il y a des conflits internes et même idéologiques. De ce point de vue, il faut qu’elle se fédéralise mais chaque état doit garder sa part de souveraineté pour ne pas se transformer en États-Unis d’Europe.
Si l’on doit faire une synthèse de l’essai, vous prônez une transformation de la société avec le droit et l’économie.
Plutôt que transformation, j’appelle surtout à une réforme de la société. L’extrême écologie prône justement une transformation totale de notre société qui est basée sur le progrès technique et sur le capitalisme. Je n’ai d’ailleurs pas peur du mot et de le dire, je suis capitaliste. Je pense que le communisme, ou tout autre modèle de société, n’est pas envisageable dans le sens où le capitalisme est déjà extrêmement ancré dans notre société. Si on veut change le système cela prendrait des décennies et il y aurait une phase catastrophique comme on l’a vu en Russie ou à Cuba. Les pays s’appauvrissent en prenant la voie du communisme. Par conséquent, le capitalisme est nécessaire car c’est un progrès mais il faut l’adapter. Le problème n’est pas que l’on consomme mais ce que l’on consomme C’est cela qu’il faut changer. Il faut consommer plus proche, plus local, plus vertueux…
Le prolongement de cet essai sera une candidature aux élections européennes en 2024 avec un nouveau parti.
C’est aussi le prolongement de tout ce qui a été fait avant, de cette phase de réflexion à l’Institut en passant par les deux tribunes dans Mediapart. Cela débouche à la création de ce parti Les Jeunes ECQO composé de jeunes écologistes pragmatiques et par conséquent une liste aux élections Européennes. Avec l’Institut, nous avons les personnes, les moyens et le projet donc on se lance en construisant cette liste un an avant. Symboliquement, nous voulions que ce soit une liste écologiste qui se déclare en premier. De toute façon, je l’ai déjà montré par le passé, je ne pense pas qu’il y ait de timing politique. Nous ne sommes pas dans le calcul. Si on le sent, on y va.
Le seul calcul qu’il peut y avoir c’est de se faire connaître ?
Peut-être mais cela consiste surtout à faire connaître nos idées. À titre individuel, ce n’est pas de me faire connaître qui m’intéresse mais de porter ces idées et ce projet. C’est peut-être un calcul politique mais cela reste un calcul noble. Nous ne sommes pas à regarder si l’agenda médiatique correspond. On le sent et on y va. Et d’ailleurs, je pense que les Français n’ont plus envie de ces politiques qui temporisent en fonction des événements car cela reste de la manipulation. Nous ne sommes vraiment pas dans ces stratégies. D’autres listes écologistes indépendantes sont en cours de construction comme celles de Corinne Lepage, Jean-Marc Governatori, Alexis Boudaud Anduaga, La Fédération des Pays Unis… que nous invitons à se réunir tous ensemble autour de la table et à construire ensemble une liste unie d’écologistes pragmatiques. Cela ne sert à rien face à EELV d’avoir cinq ou six listes défendant à peu près le même programme et les mêmes idées. Autant tous se rassembler.
Pour conclure, le point de départ de votre essai est une phrase d’Emmanuel Macron que vous désavouez. L’année dernière vous sollicitiez une investiture d’En Marche. Peut-on parler d’une erreur de jeunesse ?
Comme je le disais, la jeunesse ne sait pas tout. Nous avons fait plein d’erreurs durant cette campagne des législatives. On me l’a reproché. Je ne vais pas regretter d’avoir demandé l’investiture du président de La République En Marche dans le sens où, comme beaucoup de Français, je croyais au projet d’Emmanuel Macron, d’un président jeune et novateur qui devait écouter les Français, faire de l’écologie la priorité de son engagement politique et de son second mandat et d’un président qui bafoue tous les codes de la politique traditionnelle. J’y ai cru et après il y a les faits qui sont totalement à l’inverse. C’est pour ça que je suis totalement distancié de la majorité présidentielle. D’ailleurs, face à la candidate investie par En Marche, j’avais porté une candidature dissidente soutenue par la collation « Tous unis pour le vivant » dans laquelle on retrouvait les partis que j’évoquais avant.