Il y a un an dans le cadre du festival « Paul va au cinéma », Simon Baïchou-Rose et Antoine Personnaz présentaient leur documentaire Clothilde dans l’Alliance. Un retour passionnant sur la campagne des municipales à Montpellier en suivant plus particulièrement Clothilde Ollier. Une plongée dans les coulisses de la politique, au coeur d’une alliance de second tour improbable, que les deux auteurs mettent en accès libre sur Youtube ce lundi 13 mars à 18h.
On l’a souvent dit. Cette campagne municipale a dépassé la fiction. C’est ce qu’ont pressenti Simon Baïchou-Rose et Antoine Personnaz lorsqu’en mai 2020, ils demandent à Clothilde Ollier de la suivre. Le premier tour des élections est passé depuis un mois et demi, la France sort du confinement et une alliance improbable s’est formée à Montpellier. Exclus du second tour, Rémi Gaillard se rapproche d’Alenka Doulain (Nous Sommes) et de Clothilde Ollier. Le trio va alors taper à la porte des trois candidats en lice pour finalement s’allier à Mohed Altrad au détriment du maire sortant Philippe Saurel et du socialiste Michaël Delafosse.
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En service civique à Radio Campus, Simon Baichou-Rose a reçu les candidats dont Clothilde Ollier en janvier 2020 alors sous l’étiquette EELV. « Il y avait eu un petit couac et elle avait dû revenir une seconde fois. Nous sommes restés en contact et je lui ai proposé plus tard de la suivre durant une journée » explique-t-il. En sortira un premier documentaire de 10 minutes « Candidate ou une journée dans la vie d’une prétendante aux élections municipales » montrant Clothilde Ollier multipliant les rencontres avec son équipe à deux semaines du premier tour.
« Puis en juin, quand il y a eu cette alliance improbable, avec Antoine nous nous sommes dit qu’il fallait absolument lui proposer quelque chose car il devait y avoir quelque chose d’intéressant pour comprendre les rouages et montrer ce que l’on ne voit pas d’habitude » raconte Simon Baichou-Rose. Va alors débuter un marathon de plusieurs semaines à suivre presque au quotidien, avec au moins deux caméras à chaque sortie, ce second tour des municipales au coeur de l’équipe de Mohed Altrad.
Si l’histoire est connue avec la victoire finale de Michaël Delafosse, les deux coréalisateurs, qui réunissent des centaines d’heures d’images, remontent avec Clothilde dans l’Alliance le fil de cette seconde partie de campagne en s’attardant sur certaines séquences faisant apparaître au grand jour les engrenages politiques. Ces rouages montés dans l’ombre, aussi naturels pour certains protagonistes que destructeurs pour d’autres, qui ne sont pas que des fantasmes de scénaristes et souvent des révélateurs a posteriori.
Ainsi, la primaire ouverte des écolos montra les premières fissures dans la campagne de Clothilde Ollier jusqu’à un repas en décembre chez Manu Reynaud en compagnie de Christian Assaf et Michaël Delafosse peu de temps après qu’un sondage place la maire de Murles largement en tête du premier tour. « Je me suis retrouvé dans la cuisine à éplucher les légumes avec Christian Assaf » raconte-t-elle. C’est alors que Michaël Delafosse, loin dans les sondages lui aurait proposé : « Je suis d’accord pour être numéro 2 sur ta liste ». La candidate EELV dit ne pas comprendre le sens de la proposition, refuse, renvoyant la décision au lendemain du premier tour.
Le maire actuel dément « cette thèse » en argumentant : « J’ai toujours dis que je serai candidat tête de liste à la mairie de Montpellier ». Face à la caméra, Manu Reynaud reste vague quant à ce repas. Clothilde Ollier se remémore : « Christian Assaf, Michaël Delafosse et Manu Reynaud ont échangé un regard. J’ai senti un vieux blanc. Ils se sont dits « merde ». Manu Reynaud a pensé depuis le début que je serai une sorte de poupée de chiffon, quelqu’un que l’on pouvait téléguider. S’il avait un peu discuter avec mon entourage il aurait compris que j’étais la mauvaise personne pour faire ça ». La rupture est actée. Les versions différent mais le résultat est là. Clothilde Ollier n’est plus la candidate EELV et prend alors la tête d’une liste que beaucoup qualifieront de « pastèque » en raison des différentes composantes à tendance écologistes, insoumises ou proches.
À ce moment de l’histoire, le documentaire ne s’attarde pas sur la défaite au premier tour, n’évoque pas les plaintes déposées par EELV, La France Insoumise et Nous Sommes pour l’utilisation de leurs logos, élude les désaccords provoqués par le rapprochement avec Rémi Gaillard et Alenka Doulain avec sa dernière liste… pour arriver à cette alliance improbable avec Mohed Altrad et l’organisation, toute aussi improbable, mise en place entre les différentes équipes. Où l’on comprend vite le côté bancal de la réunion de ces « quatre fantastiques » aux manières de faire de la politiques souvent opposées. On a échappé de peu à Mohed Altrad sur un tracteur déambulant dans un bidonville…. Et même si ce dernier força sa nature en tapant le ballon avec des jeunes du quartier Saint-Martin et ses acolytes, la séquence apparait comme le seul moment où l’alliance s’affiche publiquement.
Quand les proches du trio Gaillard-Doulain-Ollier mènent une campagne joyeuse avec la volonté de casser les codes, le clan Altrad est plus sceptique face à certaines actions menées sur le terrain. Beaucoup moins quand il s’agira de donner des billes à Rémi Gaillard pour attaquer Michaël Delafosse. Avec une rage adolescente, souvent à fleur de peau, celui que l’on a qualifié de clown intervient avec virulence au micro de France Inter, plus tard lors d’un débat sur France Info et durant une rare conférence de presse dans les derniers instants de la campagne pour dénoncer des notes de frais de bouche jugées élevées. Si, comme sur la liste de Mohed Altrad, il n’a pas voulu apparaître face à la caméra des deux réalisateurs (ndlr : avec Philippe Saurel ce sont les deux seuls à avoir refusé) Rémi Gaillard se montre impliqué jusqu’à apparaître chaos debout par les résultats du second tour comme s’il ne les avait pas envisagé.
Clothilde Ollier avait eu plus de flair. Au matin du second tour, elle avait concédé : « Je ne le sens pas très bien ». Pour autant la satisfaction viendra de son ancien fief quand elle apprend que la liste qu’elle soutient l’emporte à Murles. Une joie qui n’arrêtera pas de l’accompagner toute la soirée malgré la lourde de défaite d’un Mohed Altrad alors invisible. Le soutien, elle le trouvera d’une certaine manière à travers un coup de téléphone surprenant à Philippe Saurel. Les deux anciens candidats commentent les résultats, Clothilde Ollier s’inquiétant de ne pas être en position de rejoindre le conseil de métropole. « Il faut se serrer les coudes dans ces cas-là » lui lâche-t-elle. Une certaine nostalgie apparaît alors à l’écran. La fin d’une longue campagne, d’une aventure éprouvante où par les coups politiques et, au-delà des considérations que l’on peut avoir pour chacun des protagonistes, des amitiés se sont nouer. C’est d’ailleurs l’un des propos du documentaire qui, par l’empathie que n’ont pu éviter les réalisateurs tout au long du tournage avec Clothilde Ollier et ses proches, permettent ainsi de raconter leur vérité. Celle d’une candidate qui chercha à s’entourer à tout prix. « Quand je vois ce film, j’ai l’impression de voir un film de vacances » témoigna-t-elle à la fin du visionnage de l’avant-première.
Après avoir fait tourné leur documentaire dans des festivals, mais n’ayant malheureusement pas trouvé de distributeur, Simon Baïchou-Rose et Antoine Personnaz, qui oeuvrent au sein de leur société de production On Court Film, ont décidé de le mettre en ligne gratuitement. Ne manquez donc pas de replonger au coeur d’une campagne aussi passionnante que surprenante – sur laquelle on pourrait encore écrire beaucoup – pour vous faire votre propre vérité. D’autant que la plupart des protagonistes sont encore sur le devant de la scène. Et ne manqueront sans doute pas d’être présents au prochain épisode… en 2026.