Montpellier : l’opposition MUPES construit sa voix dans la grogne des projets de la majorité


Flora Labourier, Alenka Doulain et Clothilde Ollier forment le groupe MUPES au conseil municipal de Montpellier.
Flora Labourier, Alenka Doulain et Clothilde Ollier forment le groupe MUPES au conseil municipal de Montpellier. (©CN / Métropolitain)

À la suite des élections législatives, Alenka Doulain, Flora Labourier et Clothilde Ollier ont constitué au conseil municipal le groupe Montpellier Union Populaire Écologique et sociale (MUPES), déclinaison locale du mouvement initié par Jean-Luc Mélenchon. Reste que la capitale héraultaise est dirigée par une majorité PS-PC-EELV-PRG-Parti Animaliste conduite par Michaël Delafosse qui n’a pas rallié la NUPES, voir l’a combattu. De quoi accentuer un bilan jugé négatif par les trois élues qui détaillent leurs vision et positionnement politiques. Tout ou presque un programme en soit…

Création du groupe

Telle la mouche du coche de la fable de la Fontaine, Alenka Doulain était jusqu’à présent la seule réelle opposante et opposition à Michaël Delafosse. Sa camarade Clothilde Ollier portait à l’occasion quelques piques quand Floria Labourier semblait sur une autre ligne. « J’ai fait 20 ans au PS. J’ai beaucoup d’anciens camarades dans la majorité dont certains que j’apprécie, j’ai toujours dit que j’aurai un temps d’observation. Le PS de François Hollande m’a fait beaucoup de mal, je ne m’y suis pas retrouvée. Je fais partie de ces déçus du PS. J’espérais depuis longtemps une grande union à gauche comme ce qu’il s’est passé aux législatives » explique-t-elle. Depuis juin, les trois élues ont donc décidé de se regrouper sous l’étiquette Montpellier Union Populaire Écologique et sociale (MUPES).

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« Les Montpelliérains ont clairement exprimé lors des dernières échéances électorales nationales une volonté de rupture politique en se reportant massivement sur la NUPES. Ils ont ainsi clairement exprimé que les demi-mesures, le en même temps et le repli sur soi n’étaient pas une option pour notre territoire et l’espoir qui les habite et leur appétence pour une société plus juste qui conjugue justice sociale et justice climatique. La création de ce groupe vise à incarner cet espoir au sein du conseil municipal. C’est un acte fort qui permet de mieux faire correspondre ces aspirations avec ce qu’il se passe dans l’hémicycle » explique Alenka Doulain.

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D’autant que l’élue n’a pas goûté le positionnement de Michaël Delafosse durant ces législatives. « Le maire a passé ces derniers mois à faire « perdre » la NUPES avec un soutien zélé à des candidatures de sabotage qui pour certaines ont permis de faire gagner le RN ou la République en marche » pointe-t-elle avant de prononcer sa sentence : « Il s’est isolé des habitants de cette ville et ce que nous craignions depuis deux ans s’est révélé au grand jour. On ne pourra pas compter sur lui pour répondre aux aspirations des Montpelliérains ».

Retour en arrière dans le camp Altrad

Deux ans après, les trois femmes se retrouvent donc sous la même étiquette après avoir porté la candidature de Mohed Altrad au second tour des municipales. Un choix que la majorité ne manque pas de leur rappeler régulièrement. « Les gens ont une manière de cataloguer et d’enfermer dans des cases. Mohed Altrad, et on le voit encore dans certains tweets délétères, c’est le milliardaire. Quand on est de gauche, on est pour l’émancipation et que les gens s’extraient de leur milieu et évoluent. Si le débat c’est seulement l’argent qu’il a sur son compte en banque… » regrette Flora Labourier qui défend : « On a fusionné ensemble au second tour parce que l’on avait un programme essentiellement commun. Le programme de Mohed Altrad est un programme de gauche. Le fond a été résumé à son compte en banque. Je mets au défi que l’on dise que le projet, et ce qui compte ce sont les idées, n’était pas de gauche ».

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S’appuyant sur son expérience de maire de Murles, Clothilde Ollier explique : « Quand on est dans une petite commune, on prend les gens qui savent faire des choses et on fait une liste sans demander s’ils sont de droite ou de gauche. C’est ce que l’on avait fait avec Mohed Altrad. Bien sûr cela pouvait sembler surprenant, et ça l’est, mais on avait un programme qui du point de vue économique était solide avec un plan de relance très bien ficelé, un volet social et écologique qui tenait la route… ». Alenka Doulain abonde dans le même sens : « J’ai fait les négociations avec Michaël Delafosse et Mohed Altrad. Cela n’avait rien à voir. Sur les points programmatiques, il y avait plus de points d’échauffement avec les équipes de Michaël Delafosse ».

« le nouveau souffle démocratique n’a pas eu lieu »

« Des points d’échauffement » qui existe toujours aujourd’hui voire se sont accentués. Prenant plusieurs exemples de grogne dans la ville à l’instar de celui des quatre boulevards ou des ATSEM, Alenka Doulain met en avant : « C’est surtout le mépris qui caractérise le dialogue avec la municipalité et un discours totalement différent de ce que le maire appelle la gouvernance apaisée. Aujourd’hui, la concertation s’arrache dans le rapport de force, c’est problématique. Gouverner c’est choisir, ce n’est pas humilier les habitants. Clairement, le nouveau souffle démocratique n’a pas eu lieu à Montpellier » et de citer « l’échec des conseils de quartier » en rappelant avoir proposé en 2020 « une autre carte pour avoir des quartiers qui font sens pour les personnes qui y participent et qu’elles soient des instances vraiment décisionnaires avec des budgets participatifs. La seule manière de renouer la confiance avec la politique est que les gens trouvent des espaces où ils peuvent vraiment peser ». Également dans le viseur, le conseil de développement métropolitain « une instance consultative qui a très peu de prérogative. Nous avions proposé une commission du futur composée en partie de citoyens tirés au sort pour trancher des sujets importants de notre territoire » ou encore le sujet de la mal inscription sur les listes électorales « cela pose le problème de la légitimité de nos élus quand tout une partie de la population ne s’exprime pas sur l’avenir de notre ville ».

Ou encore « la question de l’opacité et du favoritisme » en revenant sur l’épisode du dernier conseil de métropole qu’elle clarifie : « Le but n’était pas de faire une veine polémique sur le clientélisme mais, comme on dit souvent, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. De la même manière, il n’y a pas de transparence, il n’y a que des preuves de transparence. Le minimum est de montrer que l’on met en place des procédures et des outils pour rendre transparent les différentes ressources que peut proposer une ville ou une métropole » et de regretter : « À ce sujet, il n’y a eu aucune avancée majeure avec la nouvelle majorité pour donner des gages de transparences. Sur les logements sociaux, il n’y a pas de système de cotation qui soit bien en place pour permettre aux demandeurs ou aux bénéficiaires de savoir exactement où en sont leur dossier… Cela avait déjà été pointé par un rapport de la Chambre Régional des Comptes en 2015 qui avait été très sévère ». De même avec l’attribution des places en crèche ou de locaux pour les associations et, sur un autre registre, elle demande que soit rendu public en accord avec la charte Anticor « le nombre et la rémunération des agents du cabinet de la Ville de Montpellier. C’était une promesse de campagne ».

Un flou économique

Le groupe MUPES s’inquiète également de la gestion économique de la Ville. « Pour le maire, l’économie serait quelque chose de droite. Or pour une commune de gauche, cela reste un vrai combat social. La vie chère étrangle et le chômage étouffe. On a reproché à Philippe Saurel d’être un maire de la communication. On a le sentiment que c’est le parti qu’a pris la collectivité en ce moment. La politique des slogans, c’est la politique du vent » juge Flora Labourier qui dénonce « une politique économique du marketing » en estimant que « la question de l’emploi local n’est pas traitée ».

Flora Labourier
Flora Labourier (©CN / Métropolitain)

Pointées également l’agence de développement économique ou Med Vallée. « Sur le papier, on ne peut pas être contre sauf que l’on ne sait pas ce qu’il y a derrière. Cela nous rappelle Montpellier Unlimited qui a été un gros fiasco marketing avec des millions investis pour rien. On pense qu’il y a ce risque. Il y a de l’intention et de l’incantation mais on attend les actions au bout de deux ans ». Flora Labourier en appelle à lancer « des chantiers concrets avec le solaire, la rénovation thermique des logements… Le tissu montpelliérain est fait de petites entreprises qui demandent à être entendues et soutenues » souligne-t-elle en mettant en avant un plan pour développer les commerces de proximité dans les quartiers au-delà des faubourgs.

Les paradoxes des transports

Sur la question de l’écologie, « Il se passe des choses à Montpellier mais le problème, comme dans d’autres sujets, c’est flou. Le maire et la majorité se disent écologistes. Il faut faire ce qui fait plaisir aux gens comme des pistes cyclables et d’autres qui sont nécessaires ne sont pas faites » estime Clothilde Ollier dénonçant : « Les Montpelliérains n’en peuvent plus. La bétonisation ne s’est pas arrêtée. Cela construit de partout ».

À travers les réalisations du COM et du LIEN, cette dernière fustige « le logiciel des années 80 qui est de faire des axes routiers pour régler le flux des véhicules. Ce n’est pas le cas, cela ne résout pas les problèmes bien au contraire. Or, le maire de Montpellier est pour la construction de ces grands axes. Tout le monde lui dit, même au sein de sa majorité, mais il ne comprend pas que cela pollue l’environnement ».

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Autre problème exposé par l’élue d’opposition : « On dégrade l’offre de transports, on le voit avec différents collectifs qui se montent, et toujours dans les quartiers les plus populaires. C’est une vision à deux vitesses de l’écologie. Tout ce qui va se voir est mis en avant et les oubliés sont mis de côtés ». Pointant « la fréquence de la ligne 4 du tram diminué de 20%, des lignes de bus déplacées avec parfois une heure d’attente », Clothilde Ollier appelle à développer les transports en embauchant du personnel, en achetant 30 bus et en recadençant la ligne 4. Elle demande également, pour les soignants du CHU de Montpellier, de démarrer la ligne 1 plus tôt le matin et de finir plus tard le soir avec le même cadencement le week-end qu’en semaine. De quoi aussi satisfaire les personnes qui sortent et ne trouve pas de solution pour rentrer. « Pour changer les habitudes, il faut offrir de la facilité et de la simplicité sur les transports en commun » argumente-t-elle.

Alenka Doulain complète : « La gratuité est une mauvaise manière de poser le débat aujourd’hui à Montpellier. Le nombre de personnes qui disent que c’est trop cher est faible. Ce que veulent les gens ce sont des transports en commun efficaces, avec une bonne amplitude horaire, de bonnes fréquences. Des choses qui pouvaient être mises en place immédiatement pour améliorer l’offre ».

Positionnement face à la majorité

Pour autant, le groupe MUPES ne veut pas se résumer à une unique opposition comme l’explique Flora Labourier : « On a regard bienveillant et exigeant sur l’action politique. Contrairement à ce que l’on peut nous reprocher, nous sommes dans l’accompagnement et l’observation et pas dans la critique systématique. Quand les choses sont positives, nous savons les soutenir. Nous avons globalement des votes très constructifs ».

Au rayon positif, elles notent ainsi le développement des pistes cyclables, la réalisation de la ligne 5, la politique alimentaire, celle sur le bien-être animal, la politique culturelle. Sur les questions sociales, elles restent attentives : « Il y a eu des signes contradictoires. On espère qu’aujourd’hui la majorité assumera un rapport de force avec le préfet qui est lui dans une stratégie bulldozer ». Elles adoptent une position similaire quant à la politique des déchets. « On suit attentivement le dossier car on espère que ce que veut mettre en place François Vasquez va effectivement voir le jour. On l’appuiera toujours à fond. Ce n’est pas quelqu’un qui courbera l’échine. C’est un militant, il sait de quoi il parle » salue Clothilde Ollier.

Clothilde Ollier
Clothilde Ollier (©CN / Métropolitain)

« Quand les choses vont dans le bon sens on vote pour mais de manière générale nous avons des conceptions différentes de comment doit évoluer notre ville dans le futur. Celle de Michaël Delafosse est celle de ses prédécesseurs basée sur une politique d’attractivité, de fuite en avant, dans une croyance du ruissellement qui réglerait les problèmes de notre ville » tempère Alenka Doulain avant de développer : « Notre vision est celle d’un rééquilibrage. L’idée est de pouvoir prendre soin des Montpelliéraines et Montpelliérains d’où qu’ils viennent, de prendre soin de notre territoire et de sa résilience. Nous proposons de conserver une ville à visage humain pensée pour l’ensemble des habitants quelque soit leur quartier avec une vraie qualité de vie : des commerces de proximité, des espaces verts, des lieux de convivialité. Notre objectif est de faire en sorte que les Montpelliérains quelque soit leur quartier et leur revenu puissent continuer à y vivre dignement ». Avec une affirmation forte : « Il faut aujourd’hui assumer un discours qui est que Montpellier et sa métropole ne doivent pas forcément grossir en terme d’habitants ».

Positionnement politique des trois élues

Le bilan programmatique et politique des deux premières années du mandat de Michaël Delafosse dressé, qu’en est-il de la position politique des trois élues venant d’horizons différents. « Je me considère toujours comme socialiste. J’attends de voir ce que deviendra la NUPES. Je rêve que la NUPES fasse sa mue et devienne un grand parti. Être en capacité d’entendre un message politique et d’en tirer les conséquences pour les traduire en actes, c’est ce que l’on attend d’une formation de gauche. La division à gauche tue la gauche depuis des années, c’est une machine à perdre au détriment de ceux qu’elle est sensée défendre » explique Flora Labourier. « J’ai toujours été écologiste très à gauche. C’est ce qui coule en moi. Mon cœur est EELV même si à Montpellier c’est particulier. Je suis militante et j’aime militer et débatte dans un parti » plaide Clothilde Ollier.

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Quant à Alenka Doulain, si elle a participé au parlement de l’Union Populaire dans le cadre de la présidentielle, le mouvement citoyen Nous Sommes n’est pas abandonné. « Beaucoup de gens participent à nos travaux dans le cadre de la NUPES. Nous aurons des annonces à faire prochainement » précise-t-elle en soulignant : « L’intérêt du cadre de la NUPES c’est que cela permet aux formations politiques qui attendent souvent le cadre des échéances électorales pour se parler. La NUPES est un bien commun qu’il faut faire vivre et c’est important d’y contribuer localement pour créer des espaces de débats avec les militants ».

À Flora Labourier de résumer : « Nous sommes trois femmes de gauche. Aujourd’hui, l’urgence climatique et sociale fait que l’on ne peut pas se cacher derrière des divisions. Les Français attendent autre chose, ils attendent des militants et des élus de combat. C’est ce que nous avons envie d’être. On peut chercher ce qui nous divise mais nous avons avant tout des valeurs communes ».

Ouverture vers l’avenir

Le groupe étant désormais exposé aux turpitudes nationales de la scène politique, Floria Labourier espère : « On ne sait pas encore ce que va devenir la NUPES mais je nourris cet espoir de grand Front Populaire à gauche. C’est ce que nous voulons incarner. C’est une démarche d’ouverture tournée vers l’avenir ». Un avenir qu’elle ramène localement en lançant l’invitation : « Je pensais qu’après la débâcle des législatives, du fait qu’il est participé à faire élire des candidats RN ou de la République en marche, Michaël Delafosse en tirerait des conclusions logiques. Je déplore aujourd’hui qu’il ne le fasse pas mais je fais le pari de l’avenir. Si demain Michaël Delafosse a envie d’un grand mouvement d’union populaire à gauche, il est le bienvenu ».

Alenka Doulain.
Alenka Doulain. (©CN / Métropolitain)

Reste qu’à Montpellier, c’est justement Michaël Delafosse qui a incarné le rassemblement de la gauche au second tour des municipales le conduisant à la victoire. Et depuis deux ans, la majorité municipale déroule son programme à toute vitesse. La multiplication des chantiers et projets de transformation ne manquent pas de susciter des grognes sur lesquels entendent bien surfer les trois élues. « L’objectif du groupe est d’être au service de la lame de fond citoyenne qui a porté l’espoir de la NUPES sur notre territoire », souligne Alenka Doulain, « Ce groupe est un point d’appui pour être le porte-voix de toutes les luttes et collectifs d’habitants qui ne se retrouvent pas dans les méthodes autoritaires de la majorité, d’être un point d’appui pour ceux qui ne veulent pas rester les bras croisés et renforcer l’immense espoir que représente la NUPES. Et à tous les conseillers municipaux qui souhaiteraient participer à la seule alternative crédible aujourd’hui au sein du conseil municipal, la porte est grande ouverte ».

Si aucun élu n’a encore fait un pas en leur direction, elles comptent bien puiser dans les colères citoyennes. Ainsi, des plénières trimestrielles seront organisées prochainement. «Ce seront des temps pour échanger sur les grands sujets municipaux et métropolitains ouverts à tous les militants NUPES et tous les montpelliérains qui s’intéressent au questions locales. L’idée est ensuite de faire remonter des choses pendant les conseils. Aujourd’hui, on représente l’alternative à Montpellier, il faut renforcer nos éléments programmatiques » expose Alenka Doulain qui conclut : « Nous voulons proposer une autre vision pour notre ville. Nous sommes les premiers opposants et les premiers proposants. Notre rôle sera, comme depuis deux ans, de montrer qu’un autre Montpellier est possible ». Et de semer les graines pour 2026.

Le 30/10/2022 à 10:58, par Cédric Nithard.