Montpellier / NUPES : Adrien Quatennens absent, Nathalie Oziol et René Revol lancent la mobilisation


Un peu plus d'une centaine de personnes ont assisté à la réunion publique jeudi soir.
Nathalie Oziol et… non Adrien Quatennens était absent jeudi soir à Montpellier. (©CN / Métropolitain)

Les députés France Insoumise de la NUPES, accompagnés de cadres du parti, lancent à travers des réunions publiques dans leurs circonscriptions, la mobilisation pour les luttes sociales de l’automne et notamment la grande marche de la mi-octobre voulue par Jean-Luc Mélenchon. Mauvais tirage pour Nathalie Oziol qui devait recevoir jeudi soir Adrien Quatennens. Après les révélations du Canard Enchaîné sur une main courante déposée par sa femme, le député du Nord a annulé son déplacement. Malgré la gêne évidente à l’évocation du sujet, pas de quoi démobiliser son homologue héraultaise avant un automne chargé socialement.

Absence d’Adrien Quatennens

Après Éric Coquerel et Taha Bouhafs, au tour d’Adrien Quatennens d’être au coeur d’une affaire de moeurs mettant en difficulté la France Insoumise. « Il a annulé sa venue, retenu par des affaires personnelles à Lille. Nous tenons cette réunion publique à Montpellier parce qu’il y a des mobilisations à annoncer. Nous tenons à faire oeuvre collective, de toute façon c’était annoncé comme une réunion publique de la députée de Montpellier » explique aux journalistes Nathalie Oziol avant de se présenter face aux militants.

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À ses côtés, son suppléant René Revol, maire de Grabels et vice-président de la Métropole, n’est pas plus loquace sur le sujet : « C’est sa décision, on la respecte. Nous n’avons pas de commentaire à faire car nous n’avons pas accès au dossier. En interne au niveau de la NUPES, à chaque fois qu’il y a une enquête de ce type, une commission travaille où chacun a droit à la parole et la parole des femmes est prioritaire ». En instance de divorce, le couple Quatennens a demandé, dans un communiqué commun, le respect de la vie privée. Le parquet de Lille s’étant saisi de l’affaire, à la justice de se prononcer. Politiquement, il faudra attendre mais le mal semble déjà fait et il sera difficile pour celui présenté comme un des successeurs de Jean-Luc Mélenchon de redorer son blason.

L’unité dans les polémiques

Malgré ou à cause de sa jeune histoire, la NUPES semble se perdre régulièrement dans les polémiques plus ou moins futiles au risque de brouiller son message politique. « Le lendemain des élections, la majorité des éditorialistes disaient que la NUPES allait exploser. La NUPES n’a pas du tout explosé pour une raison simple : l’aspiration à l’unité dans la population est très forte. Que ce soit les électeurs insoumis, communistes, socialistes et écologistes, l’immense majorité montrent qu’ils sont très attachés à cette unité. Évidemment on a des sensibilités et des histoires différentes, il y a six mois nous ne jouions pas dans la même cour » souligne René Revol qui met en avant le socle programmatique des 650 mesures : « Moi-même je ne suis pas d’accord avec toutes les mesures et certaines que je soutenais n’ont pas été retenues mais c’est une vraie puissance. Nous avons des nuances qui s’expriment et nous les avons inventoriées. Tous ceux qui ont voulu organiser des scissions ou des polémiques avec nous cela ne marche pas trop ».

René Revol et Nathalie Oziol.
René Revol et Nathalie Oziol avant la réunion publique. (©CN / Métropolitain)

Et si l’on semble se satisfaire des sorties médiatiques de l’écologiste Sandrine Rousseau, celle du communiste Fabien Roussel à la Fête de l’Humanité, « La gauche doit défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations, minimas sociaux et revenus de substitution », ne passe pas. « C’est autre chose. Il a franchi une ligne rouge. Il y a eu une expression unie pour se démarquer de ce que Fabien Roussel a dit ». Bref, on ne discutera pas travail autour d’un barbecue à la NUPES…

La réforme de l’assurance chômage comme étincelle

Les nuages gris dans le ciel de la NUPES évacués, les sujets importants ne manquent pas. Poussant à une taxation des superprofits Nathalie Oziol fustige l’Europe : « Lorsque les gens n’arrivent plus à vivre et à finir les fins de mois, il faut leur donner une respiration et ne pas dire qu’il va falloir encore faire des économies parce qu’il faut rembourser la dette ou que le prix de l’électricité ou du gaz augmente. On sait comment faire. Des entreprises comme Total ou Engie ont fait des profils incommensurables durant la crise. Ce ne sont pas aux ménages de payer l’inflation. La solidarité doit aller dans tous les sens ».

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Nationalement, la réforme de l’assurance chômage a tout de l’étincelle prête à faire exploser la rentrée sociale. « Il faut se mobiliser aujourd’hui dans la perspective d’un automne marquée par une confrontation majeure avec l’orientation néolibérale du gouvernement » souligne René Revol qui dénonce également la méthode du bouclier tarifaire : « Cela entraîne des sommes considérables, on va aller jusqu’à 25Md€, consistant à demander aux contribuables de payer la différence des factures à ceux qui vendent l’électricité et le gaz au prix du marché. Le refus de réglementer les prix du marché nous amène à financer par le budget public l’énergie carbonée ». Autre point de tension soulevé par le maire de Grabels : « Monsieur Macron teste l’idée de mettre dans le budget de la Sécurité Social présenté en novembre l’allongement de la durée de la retraite jusqu’à 65 ans sous forme d’amendement. C’est une cause de déflagration sociale gigantesque ».

Réformes des lycées pro, hôpital public et projets routiers

À leurs côtés, trois intervenants, qui s’exprimeront ensuite à la tribune en introduction de la réunion publique, viennent rappeler la réalité des colères dans trois secteurs. Professeur au lycée professionnel Pierre Mendès-France, Matthieu Brabant dénonce : « Nous avons vécu cinq années terribles sous le mandat de Jean-Michel Blanquer et la direction politique d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il y a un nouveau ministre mais c’est la même politique avec simplement plus de gentillesse et de politesse. Sur le fond, il n’y a pas beaucoup de changements ». L’enseignant est particulièrement inquiet quant à la réforme des lycées professionnels : « C’est une catastrophe totale pour la jeunesse et en particulier la jeunesse défavorisée, la jeunesse pauvre, qui se verra privée de la possibilité d’avoir un diplôme de l’Éducation nationale, d’avoir des qualifications et un métier dans l’avenir ».

Annie Salse, infirmière syndicaliste, est revenue sur « la dégradation accélérée du système de santé et de la sécurité sociale avec un ministre qui dans la suite de ses prédécesseurs continue de détruire l’hôpital public en tant que service public et bien commun de la population ». Elle souligne « la dégradation du service des urgences cet été avec l’obligation d’appeler le 15 avant de s’y rendre et la fermeture de nombreux services. Les urgences n’ont jamais connu un été aussi terrible ». Fermeture de lits, fuite des soignants, conditions de travail sont également pointés avec une conséquence : « L’hôpital public ne peut plus fonctionner ».

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Donnant une touche plus locale avec le combat contre le LIEN, Hélène Hilbert du collectif SOS Oulala était de retour de l’Assemblée nationale où elle fut auditionnée en commission parlementaire. « Nous avons demandé un moratoire sur les routes. Il y a 55 projets destructeurs qui représentent 15Md€ de dépenses dont 12Md€ d’argent public, le reste venant de partenaires privés. Tout cet argent pour faire des routes et y mettre plus de voitures. Pour nous, c’est un non sens » explique-t-elle.

De l’Assemblée nationale à la rue

« Nous sommes à un moment d’instabilité politique, sociale et écologique inédit. Toutes ces crises arrivent à un point de paroxysme et de convergence », résume Nathalie Oziol avant de juger : « Ce qui ressort de toutes ces crises, c’est une espèce de léthargie gouvernementale. Ils sont sidérés par la situation et ne semblent pas savoir comment s’en sortir. Nous, députés de la NUPES, sommes là pour dire que cela suffit. Nous avions proposé un projet de 650 mesures, y compris dans ces domaines ». Pour la députée de l’Hérault, « Emmanuel Macron n’a plus la majorité pour poursuivre sa feuille de route », c’est pourquoi elle annonce : « Nous serons là dans toutes les mobilisations pour pousser les revendications, pour pousser les luttes et nous sommes prêts à toutes les circonstances y compris celle de la dissolution ».

Un invité indésirable

Durant la crise du covid, le docteur Denis Agret a émergé parmi les opposants du gouvernement notamment sur la question des masques, pouvant ainsi s’attirer la sympathie de certains à ce moment… Se voyant comme un lanceur d’alerte, il est ensuite devenu une des figures du mouvement anti-passe et anti-vax sombrant progressivement dans une forme de conspirationnisme parfois dangereux, notamment sur les réseaux sociaux, qui lui vaudront plusieurs procès dont une récente condamnation à 6 mois de prison avec sursis pour menace de mort sur le directeur de l’ARS. Par ailleurs, la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins d’Occitanie l’a condamné en avril à trois ans d’interdiction d’exercice professionnel. Une décision dont il a fait appel auprès de la chambre nationale ce qui suspend le jugement de la chambre d’Occitanie et l’autorise de fait encore à exercer.

Profitant de la présence des journalistes avant la réunion publique, Denis Agret, se présentant encore comme un médecin, interrompt la conférence de presse pour marteler son message : « Les vaccins du covid mettent en danger la vie des citoyens. En tant que députée, vous devez parler du principe de précaution. Tant qu’on n’en parle pas les enfants sont en danger ». Sans doute pensait-il trouver ici un terrain fertile à ces idées. « On se connait on a fait la campagne des municipales » lance-t-il à la députée. Le ton agressif ne plait pas à Nathalie Oziol qui l’éconduit immédiatement en rétorquant : « À cette époque tu ne tenais pas les discours sur les politiques que tu tiens maintenant ». Tandis qu’il invective une photographe, la députée hausse le ton : « Ne soyez pas menaçant ». Dans le calme, Denis Agret fut invité à sortir. Assistant à la réunion publique, il espéra pouvoir prendre la parole ou tenta de trouver des oreilles attentives mais sans succès. L’opposition trouve heureusement des limites salvatrices quand la raison l’emporte…

De l’Assemblée nationale à la rue, la NUPES entend mener le combat. Appelant à participer aux manifestations des 22 et 29 septembre aux côtés des syndicats, Jean-Luc Mélenchon organise à la mi-octobre à Paris « une marche contre la vie chère ». Des discussions sont encore en cours pour déterminer la date (sans doute le 15 octobre) et s’entendre avec les autres forces syndicales, militantes et politiques partenaires. « Nous appelons toutes les personnes qui n’en peuvent plus de cette politique à converger et à participer. Pour nous, c’est un pari de mobilisation forte et massive. Nous espérons qu’elle sera un succès » ambitionne Nathalie Oziol. René Revol complète : « On veut faire que tout le monde se rassemble et que la force qui s’est constituée aux élections législatives se retrouve aujourd’hui pour une action combinée à la fois des élus et du peuple dans le cadre des mobilisations syndicales ou de notre marche de la mi-octobre ».

Devant un peu plus d’une centaine de personnes

À 19h, sur la place Salengro, un peu plus d’une centaine de personnes ont assisté à la réunion publique parmi lesquels le député Sylvain Carriere, la conseillère municipale Alenka Doulain ou l’écolo Jean-Louis Roumégas. Peu de surprise quant à l’absence d’Adrien Quatennens évacuée rapidement en une phrase. Pendant 1h30, les trois intervenants ont présenté leurs combats avec notamment la lecture d’une lettre poignante et engagée de Matthieu Brabant qu’il adresse symboliquement à un élève de lycée professionnel.

« On se connaît bien. Depuis le début, toi et moi sommes aux marges de l’école. Les vrais professeurs de mathématiques me voient au mieux comme un fou sympathique qui perd son temps, au pire comme un éducateur qui se fait passer pour un professeur. D’ailleurs, je n’ai pas passé le même concours. Les vrais lycéens te voient comme celle ou celui qui ne sert à rien à part perturber les cours. Et je ne parle même pas de tes vrais professeurs. Le président de la République lui-même a du mal à te qualifier comme un lycéen puisqu’il annonce que les deux tiers des lycéens professionnels sont des décrocheurs. Si je compte bien, il y a 418 000 décrocheurs. D’ailleurs, il ne s’agit même pas de te raccrocher puisque ce sera désormais à l’entreprise de s’occuper de toi. Le président de la République t’invite à quitter l’école sans protester. Et comme je ne suis pas vraiment fortiche en mathématiques, que je n’ai pas passé le bon concours, j’ai dû mal à retrouver ces décrocheurs dans les données publiées par l’Éducation nationale. Prenons l’exemple du cursus du Bac pro, 173 000 élèves en secondes, 174 000 en s 163 000 en terminales, je ne vois pas cette perte immense annoncée. Et il y a 82% de réussite pour celles et ceux qui passent le baccalauréat professionnel mais peut-être qu’il n’est pas un vrai bac, peut-être qu’il signifie par nature être un décrocheur. Enfin, tout s’explique. Désormais tu seras recruté, j’insiste sur ce verbe, dès l’âge de 12 ans. Car au fond on te qualifie de décrocheur que par politesse. En réalité, tu es, nous dit-on, inapte pour l’école. Autant se débarrasser très vite de toi. Tu es un enfant pauvre, merci de ne pas gêner les vrais enfants. Cher élève de lycée professionnel, je viens à toi pour m’excuser. Cela fait plus de 20 ans que nous luttons ensemble mais nous sommes en train de perdre cette lutte car j’ai cru que nous serions assez forts, nous les professeurs militants de l’émancipation, pour nous opposer à ce retour a l’école instituant du tri social. J’ai besoin de toi, je vais lutter je te le promets par tous les moyens possibles, mais j’ai besoin de toi, que tu te soulèves et qu’ensemble nous soldions ce monde qui ne veut de nous que dans les marges et au service de quelques-uns ».

René Revol en appelant à la mobilisation pour la marche en est convaincu : « La force peut devenir irrésistible ». Après avoir présenté un bilan de son début de mandat, analysé la situation actuelle et dressé les perspectives à venir avec les combats annoncés précédemment, Nathalie Oziol conclut son intervention en rappelant ce qui a fait le succès de la NUPES : « Ce n’est pas l’union qui a fait la force, c’est la force qui a fait l’union ». À parler entre personnes convaincues, le message ne pouvait être que bien reçu. La suite dira s’il trouve un écho plus large.

Le 18/09/2022 à 08:35, par Cédric Nithard.