Législatives / Montpellier : vers une impossible alliance des gauches malgré un potentiel accord national


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Le 5 août 2020, lors de l’hommage à Jean Jaurès, Michaël Delafosse avait appelé les forces de gauche à un nouvel Epinay. Sans succès. (©CN / Métropolitain)

Après l’échec des partis de gauche à la Présidentielle, les Législatives ont redonné goût au rassemblement. Fort de son score, la France Insoumise a enfin ouvert les conditions d’un accord avec ses potentiels partenaires. Si les discussions sont engagées au national avec EELV, le NPA, le PC et le PS, à Montpellier, toute union semble improbable, voire impossible.

Une question financière

Incapable de s’unir pour désigner un candidat unique à la Présidentielle, la gauche espère aujourd’hui réaliser cette union pour les Législatives. Si l’idée est louable politiquement dans le but d’obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale afin d’apporter un contre-pouvoir au gouvernement plus que de porter Jean-Luc Mélenchon à un hypothétique poste de Premier ministre, l’importance financière qu’elle relève constitue un élément majeur à prendre en compte dans les discussions. Chaque parti reçoit en effet une dotation annuelle d’environ 37 400 € par parlementaire, soit en 2022, 10,8M€ pour LREM (272 députés et 19 sénateurs), 9,1M€ pour LR (103 députés et 141 sénateurs), 3,3M€ pour le PS (26 députés et 63 sénateurs), 1,1M€ pour le PC (14 députés et 16 sénateurs), 635 839€ pour LFI (17 députés) et 299 000€ pour le RN (7 députés et un sénateur).

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Une des règles d’attribution de ces financements étant d’obtenir 1% de voix minimum dans 50 circonscriptions sur les 577, La France Insoumise a d’abord proposé une répartition des candidatures basée sur les scores obtenus au premier tour. Où comment s’accaparer le vote utile des électeurs de gauche pour en faire un critère de discussion tout en excluant au passage, la question idéologique des électeurs qui se sont reportés vers Marine Le Pen au second tour. Ainsi passé au tamis, le score de Jean-Luc Mélenchon peut être reconsidéré. Non sa position de force. La France Insoumise devrait toutefois faire des concessions en se montrant moins gourmand pour permettre à chacun de ses partenaires d’exister auquel cas le PC et le PS n’aurait qu’environ 30 circonscriptions chacun. Passer outre la question financière, reste le programme autour duquel doit s’articuler cette union.

Vers un accord national mais au local ?

Depuis le début de la semaine, la France Insoumise reçoit ses différents partenaires à son siège parisien. Des discussions qui semblent étonnamment avancer vers un rassemblement où chacun aura les garanties de conserver son identité propre, à savoir des candidats avec leur étiquette et un groupe pour chaque parti à l’Assemblée.

Si au niveau national, un consensus se dessine autour d’un accord, en Occitanie et plus particulièrement à Montpellier, il parait peu probable qu’il soit appliqué. L’histoire, passé et récente, a laissé des traces entre les principaux protagonistes devenus aujourd’hui difficilement surmontables.

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Sans concession vis à vis de Jean-Luc Mélenchon durant la campagne présidentielle, Carole Delga a pris ses distances avec les instances nationales du Parti socialiste. La présidente de la région Occitanie a d’ailleurs présenté ce jeudi des candidats dans le Tarn. À Montpellier, concernée par cinq des neuf circonscriptions héraultaises, les regards seront essentiellement tournés vers la 2e. Une circonscription exclusivement montpelliéraine, remportée en 2017 par Muriel Ressiguier.

Un ou plusieurs insoumis ?

Si la députée sortante n’a plus les faveurs de la France Insoumise, elle entend bien être présente à ses élections quitte à se passer de l’avis de son parti. Le bruit a couru un temps d’une tentation Alenka Doulain pour reprendre le flambeau. Peu crédible cependant. Bien qu’en tête de la campagne de l’Union Populaire à Montpellier, une implication au-delà nuirait à son ancrage locale à long terme. D’autant que l’avenir devrait clarifier la situation de la France Insoumise divisée entre Nous Sommes et les ex Confluences, ces derniers pour la plupart réunis derrière la députée sortante.

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Le maire de Grabels René Revol, par ailleurs suppléant de Muriel Ressiguier, compagnon de route de longue date de Jean-Luc Mélenchon et vice-président de Michaël Delafosse à la Métropole ayant porté lors du précédent mandat la régie publique de l’eau, a lancé sa campagne à la candidature dans les médias. Sans exclure d’autres prétendants surprises, les instances nationales statueront dans les prochaines jours.

Si l’union se réalise, la députée sortante, malgré sa sécession, étant de la France Insoumise, et compte tenu du score obtenu au premier tour à Montpellier par Jean-Luc Mélenchon, il semble évident que cette circonscription soit attribuée à un candidat de la France Insoumise. Ce candidat risque cependant de ne pas être le seul représentant de la gauche.

Une candidature majorité municipale ?

Le bureau fédéral héraultais du PS ne croit pas en cet accord national. Preuve en est la candidature annoncée jeudi prochain de Fatima Bellaredj, déjà candidate en 2017 et ayant obtenu 6,91%, poussée par Michaël Delafosse et Kléber Mesquida avec l’étiquette majorité municipale, départementale et régionale. Un peu étonnant quant à Montpellier la majorité est composée du PS, d’EELV, du PC et du PRG.

Du côté des Verts, l’ancien député et ex candidat aux Municipales malgré sa défaite à la primaire, Jean-Louis Roumégas a repris la main sur Manu Reynaud, président du groupe des douze élus écologiques (dont 7 EELV) de la majorité municipale. Le premier est dans l’attente quand le second ne conçoit pas un accord local. Reste à savoir ce qu’il adviendra de Sylvain Delavergne annoncé comme candidat EELV sur la circonscription il y a plusieurs semaines de cela.

Le PC, qui compte cinq élus au sein de la majorité, n’a jamais caché ses intentions de présenter des candidats sur les circonscriptions, y compris la 2e, mais entend rester fidèle à ses instances nationales avant d’assoir sa position ou lancer des discussions locales.

Enfin, le PRG, dont Michel Aslanian n’est pas moins que le délégué aux finances de Michaël Delafosse, a présenté ce vendredi ses candidats sur les neuf circonscriptions héraultaises, dont la 2e avec Claude Cabrera, technicien territorial et secrétaire adjoint de la CFDT, sans fermer la voie du dialogue avec ses partenaires pour porter une candidature commune.

Dans ce bloc construit pour remporter Montpellier, qui connut le même succès à la Région et au Département, la candidature de Fatima Bellaredj aux Législatives apparait comme prématurée mais révèle la volonté des socialistes héraultais de ne pas céder face à La France Insoumise. De là à y voir une candidature dissidente contre l’accord national et donc contre les instances du Parti Socialiste ?  Georges Frêche aurait sans doute apprécié la stratégie.

Trois blocs

Si Michaël Delafosse s’oppose idéologiquement, sur plusieurs points programmatiques, à Jean-Luc Mélenchon, localement la figure d’Alenka Doulain et le mouvement Nous Sommes cristallisent l’opposition à l’union. Un point sur lequel se rejoignent les représentants des quatre partis de la majorité municipale et particulièrement les Socialistes, cibles récurrentes de leurs opposants qui ne laissent rien passer.

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Depuis les Municipales, la tension n’a cessé de grandir entre les deux bords jusqu’à cette Présidentielle qui pour beaucoup a redessiné le paysage politique en trois blocs : « libéral » derrière Emmanuel Macron, « réactionnaire » derrière Marine Le Pen et « populaire derrière Jean-Luc Mélenchon. Une vision dissolvant implicitement Les Républicains et le Parti Socialiste à disparaitre dans l’un des trois.

Dans une lettre ouverte d’Alenka Doulain, adressé ces derniers jours à Michaël Delafosse, le maire de Montpellier faisant partie des socialistes refusant les discussions avec la France Insoumise est accusé de « duplicité » et de « trahison politique ». Quelques jours auparavant, le Premier secrétaire du PS Olivier Faure n’avait d’ailleurs pas mâché ses mots à l’égard des opposants au dialogue : « Si vous n’appartenez plus à la gauche alors partez. Rejoignez la République en Marche. Sinon restez et battez-vous avec nous, ça nous changera ». Un repas lui resterait-il en travers de la gorge ?

Une autre voie

Jugé « Macron compatible » par ses opposants et sans doute par le président de la République, Michaël Delafosse paye aujourd’hui son implication dans la campagne d’Anne Hidalgo et une forme de pragmatisme politique l’isolant même de sa famille politique. Une position d’autant plus cruel aujourd’hui pour celui qui, en août 2020, quelques jours après son élection à la mairie, au pied de la statue de Jean Jaurès, appelait à un nouvel Epinay pour rassembler la gauche en vue de la Présidentielle en prônant : « Ce que nous avons fait à Montpellier doit être une source d’inspiration. Il n’y a pas de victoire politique pour les forces de progrès et de gauche s’il n’y a pas de rassemblement des hommes et des femmes de gauche. Se rassembler, ce n’est pas s’aligner sur les positions de l’un ou de l’autre, c’est être capable de faire des compromis, de considérer que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise ». Visiblement, concernant la France Insoumise, ce qui divise reste aujourd’hui toujours plus fort que ce qui rassemble.

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Emmanuel Macron aimerait certainement faire de Michaël Delafosse une prise politique. Voir le jeune maire de Montpellier franchir le Rubicon et trahir des années d’engagement, serait toutefois étonnant. Tout le monde n’a pas l’adresse de Manuel Valls en la matière. S’impliquer à ce point dans la campagne présidentielle était certainement une erreur stratégique, accepter une telle proposition le mettrait sans nul doute en grande difficulté à Montpellier. Reste une voie consistant, avec ses camarades socialistes d’Occitanie, à structurer un espace politique entre les blocs « populaire » et « libéral », quitte à faire fronde avec les instances nationales pour ces Législatives. Ou une autre manière de saborder le PS…

Le 30/04/2022 à 14:02, par Cédric Nithard.