Projet de territoire au nord de Montpellier / Interview. Alain Barbe : « Pic vert »


Alain Barbe, maire des Matelles et président du Grand Pic Saint Loup, évoque son projet de territoire
Alain Barbe, maire des Matelles et président du Grand Pic Saint Loup, évoque son projet de territoire (©Mario Sinistaj)

Maire des Matelles et président de la communauté de communes -CC- du Grand Pic Saint Loup, au nord de Montpellier, Alain Barbe évoque l’avenir de la collectivité qui s’est dotée d’un projet de territoire ambitieux, qui s’engage à conjuguer développement économique et préservation d’une nature exceptionnelle, prisée de tous les Montpelliérains : Pic Saint Loup, Hortus, Ravin des Arcs, Vallée de la Buège… Interview.

Métropolitain : vous avez adopté un Projet de territoire. Est-ce un outil indispensable pour votre intercommunalité ? 
Alain Barbe : Tout d’abord, je rappelle que ce n’est pas notre premier Projet de territoire. Cet outil, nécessaire pour flécher l’action des collectivités, s’inscrit dans la lignée du premier qui a couvert la période 2014-2020, et dont nous avons d’ailleurs respecté les grandes orientations… Ce second projet, qui court jusqu’à fin 2026, assure à la fois la continuité des projets encore en cours et nous permet d’en baliser de nouveaux. C’est à la fois un objectif et une feuille de route indispensable pour projeter dans l’avenir ce territoire de 36 communes et 50 000 habitants.

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Justement, ce territoire doit-il évoluer, s’adapter ?  
C’est une nécessité ! Nous devons répondre à une croissance démographique de 1,7 %, ce qui implique la maîtrise de la forte pression qui s’exerce sur nos villes autour du pôle montpelliérain, que ce soit pour accueillir de nouveaux habitants ou de nouvelles entreprises. Il faut donc une vision globale partagée, d’autant plus que notre territoire a une particularité que les Montpelliérains et les touristes connaissent bien (rires) : un environnement privilégié et une nature préservée. Notre territoire est composé à 90 % d’espace naturels et agricoles : sa grande richesse, c’est cette nature exceptionnelle que nous devons à tout prix préserver.

Les Montpelliérains ont parfois du mal à mesurer la diversité de cette nature pourtant si proche de la ville…
Ils sont quand même nombreux à la connaître ! Et encore plus depuis le confinement qui a généré chez nos concitoyens un besoin de retour régulier à la nature. La fréquentation des grand sites naturels qui jalonnent notre territoire (Pic Saint Loup, Hortus, Ravin des Arcs, Vallée de la Buège) a considérablement augmenté, ce qui pose des problèmes. Nous allons devoir mettre en place un « Plan massif » pour mieux gérer ces espaces naturels ouverts au public… Nous y reviendrons bien sûr, mais je souhaite donner les chiffres qui permettent de bien comprendre la vraie nature, sans jeu de mots, de notre territoire qui couvre 9% de la superficie de l’Hérault.

« La fréquentation des grand sites naturels qui jalonnent notre territoire (Pic Saint Loup, Hortus, Ravin des Arcs, Vallée de la Buège) a considérablement augmenté, ce qui pose des problèmes. Nous allons devoir mettre en place un « Plan Massif » pour mieux gérer ces espaces naturels ouverts au public… »

Alain Barbe Maire des Matelles – président de la CC du Grand Pic Saint-Loup
Alain Barbe :
Alain Barbe : « nous devons veiller à aménager durablement ce territoire pour les générations suivantes, sans le dénaturer » (©Mario Sinistaj)

Et ce juste à côté de Montpellier et sa grande aire métropolitaine…
Nous sommes en effet à proximité d’une Métropole de près de 500 000 habitants, mais on recense ici 75% de terres inventoriées en Zones naturelles d’intérêt écologique, dont quatre sites Natura 2000 (qui représentent 55 % du territoire), un site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco et trois communes inscrites dans le périmètre Grand Site de France Gorges de l’Hérault… Nous allons d’ailleurs créer, avec les communes, des atlas de la biodiversité et mettre en valeur la garrigue « hors les murs ».

Nous reviendrons sur le Plan massif, mais on imagine que votre Projet de territoire s’articule nécessairement autour de la protection de ce patrimoine naturel ?
Complètement. C’est notre défi majeur : concilier développement économique et social, et préservation de l’environnement… D’où la nécessité de ce Projet de territoire qui emporte aujourd’hui l’adhésion de tous les maires et des habitants, lesquels ont été associés à la démarche via une grande consultation numérique en janvier 2021. Nous avons tracé le cap pour les politiques publiques futures, et ce au-delà̀ de nos mandats électoraux : nous devons veiller à aménager durablement ce territoire pour les générations suivantes, sans le dénaturer, et cela ne peut se faire que dans une vision commune. Je précise que notre projet n’est pas figé : il sera revisité régulièrement. Nous devons être un territoire résilient et évolutif.

« Nous allons lancer un vaste programme de requalification des 13 parcs d’activités économiques du territoire pour les rendre plus verts et plus attractifs »

Alain Barbe

Dans le détail, quels sont les grands axes de développement de l’intercommunalité ?
Notre projet s’appuie sur des axes forts en matière de cohésion sociale, de gestion des ressources (et notamment de la ressource en eau) et d’aménagement… Nous portons un effort conséquent sur l’économie et notre programme dans ce domaine illustre la façon dont nous intégrons les problématiques environnementales. Notre territoire doit accueillir de nouvelles entreprises. Nous sommes attractifs, c’est certain. Un exemple : sur la troisième tranche de l’éco-parc de Bel Air, à Vailhauquès, nous devions aménager 4 ou 5 lots pour autant d’entreprises, mais finalement, une seule entreprise (dont nous pourrons bientôt dévoiler le nom) a tout pris ! Donc, oui, notre territoire est attractif et répond à ce que recherchent aujourd’hui les entreprises : des sites de qualité près de grandes métropoles mais dans un cadre préservé…

Cela passera-t-il par de nouvelles zones d’activités ?
Mais, nous n’envisageons pas de construire de nouvelles zones d’activités. En revanche, nous allons lancer un vaste programme de requalification des 13 parcs d’activités économiques du territoire pour les rendre plus attractifs, plus verts, et attirer des entreprises qui souhaitent se développer et apporter localement de nouveaux emplois. Nous allons aussi créer une Maison des entreprises qui sera installée à Saint Gély du Fesc. Notre territoire, qui accueille déjà des entreprises de hautes technologies, a une carte à jouer. Un chiffre est très intéressant : si 68% de nos habitants travaillent à l’extérieur du territoire, dont 2/3 sur Montpellier, 4 400 actifs entrent chaque jour sur notre territoire ! Nous avons des atouts.

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Le président du Grand Pic Saint Loup veut concilier cohésion sociale, gestion des ressources (et notamment de la ressource en eau) et aménagement
Le président du Grand Pic Saint Loup veut concilier cohésion sociale, gestion des ressources (et notamment de la ressource en eau) et aménagement (©Mario Sinistaj)

Autre sujet majeur pour votre territoire : la nouvelle agriculture, au croisement de l’économie et des nouveaux enjeux sociétaux. Avez-vous un projet ?
Bien sûr, l’agriculture et la viticulture sont totalement associées au devenir de ce territoire. Nous recensons 24% de surface du territoire en terres agricoles, dont 30% en viticulture. Nous avons adopté un Plan alimentaire territorial, dont l’ambition consiste à booster l’offre en circuit-court. Pour cela, nous encourageons l’installation de jeunes producteurs grâce notamment à la mise à disposition de terrains agricoles. Nous avons l’ambition de fournir une majorité de cantines directement avec des produits locaux et de saison. Nous travaillons en ce sens avec l’association Passe-Muraille et la commune de Saint Bauzille de Montmel, où nous envisageons d’installer une cuisine dans les murs d’un ancien chai viticole. Idem sur la commune des Matelles où les produits de nos producteurs locaux sont transformés en repas au Mas des Moulins, à Montpellier. Nous devons améliorer ce dispositif pour fabriquer nos repas sur le territoire.

« Nous envisageons de rendre les parkings du Pic Saint Loup payants pour assurer des retombées à la collectivité… La mise en place d’un Plan Massif va permettre d’organiser tout cela »

Alain Barbe

Vous avez évoqué un Plan massif… Est-ce aussi un outil de développement économique ?
Notre territoire attire beaucoup de visiteurs, dont les Montpelliérains, qui viennent y pratiquer de nombreux loisirs : randonnée, trail, escalade, spéléologie, VTT, canyoning, canoé… Le problème, c’est que ces adeptes des activités Outdoor consomment peu sur le territoire, les retombées économiques sont infimes et dans le même temps, nous devons intervenir plus souvent pour assurer l’entretien des sites et des équipements, comme les parkings, la collecte des déchets, etc… Pour maîtriser la sur-fréquentation et ses effets, nous allons devoir recruter deux gardes-champêtres avec comme objectif d’assurer à la fois l’accueil du public dans de bonnes conditions et le respect de cet environnement très fragile, soumis au risque incendie notamment.

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Ce projet verra-t-il le jour rapidement ?
Nous avons commandé une étude pour élaborer le plan de gestion Pic Saint-Loup – Hortus et la sur-fréquentation récréative et touristique. Ce projet avance, et nous avons souhaité être très vite actif sur cette problématique plutôt que d’attendre que la situation empire. Parmi les pistes évoquées, nous envisageons de rendre les parkings payants pour assurer des retombées à la collectivité qui ne peut pas assumer de plus en plus de dépenses sans recettes. La mise en place d’un Plan massif va permettre d’organiser tout cela en veillant à préserver l’environnement. Nous voulons également renforcer l’animation et la gestion des sites Natura 2000 et des milieux naturels en propriété, et mener une opération importante sur la valorisation du site du Château de Montferrand.

Le développement des sports de pleine nature est-il porteur pour votre territoire ? 
Nous l’avons intégré dans notre Projet de territoire. Le Plan massif doit justement permettre de redéfinir l’offre globale, mais à titre d’exemple, nous allons optimiser l’offre d’escalade. Pour l’heure, les grimpeurs ont accès aux falaises mais n’ont pas d’offre complémentaires. Nous avons le projet de créer une grande salle d’escalade qui viendra enrichir cette pratique sportive sur le territoire et qui pourra générer des retombées. Plus généralement, nous allons développer les activités ancrées dans l’économie de proximité et d’emplois faiblement délocalisables, et nous ciblons le tourisme à fort potentiel lié donc à notre patrimoine naturel, mais aussi à l’oenotourisme grâce au label Pic Saint Loup et Vignobles et Découvertes. Nous allons aussi créer un tiers-lieu à la base nature à Saint-Clément-de-Rivière et valoriser la Halle du Verre de Claret. L’ADN de notre territoire s’inscrit également dans une politique culturelle forte. 

« Notre gros challenge consiste à conjuguer excellence environnementale, attractivité économique et développement social »

Alain Barbe
Alain Barbe annonce la mise en place d’un
Alain Barbe annonce la mise en place d’un « Plan Massif » pour coordonner activités sportives et protection de l’environnement (©Mario Sinistaj)

Le Grand Pic Saint Loup, définitivement un territoire de projets ?
C’est un peu notre ADN. Notre gros challenge consiste à conjuguer excellence environnementale, attractivité économique et développement social, et notre Projet de territoire coordonne tout cela en prenant en compte les coopérations intercommunales, notamment avec la Métropole de Montpellier, par exemple sur la mise en place d’une offre de transports plus complète… Il faut oser, il faut innover, il faut s’adapter sans se perdre. Nous avons fixé le cap : nous le suivrons.

La ressource en eau : la Com-Com dans l’innovation

Le président du Grand Pic Saint Loup confirme que l’eau sera bien l’enjeu majeur de la décennie. L’intercommunalité planche en effet sur un projet de réutilisation des eaux usées pour les activités agricoles. « C’est un enjeu majeur », confirme Alain Barbe : « Les technologies existent, il faut travailler sur ce sujet et trouver les meilleures solutions adaptées au territoire… Je rappelle que c’est sur notre intercommunalité que Montpellier puise son eau potable. Or, la nappe phréatique baisse et il faut trouver de nouvelles solutions pour l’eau. D’où notre volonté de parvenir à réutiliser les eaux usées, sachant que le coût du m3 reste élevé… Mais il faudra en passer par là, et pourquoi pas en installant aussi des retenues collinaires ». 

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Le 23/03/2022 à 09:53, par Gil Martin.