Musée de la Romanité. « Homo Detritus » : déchets antiques et contemporains… à admirer


La maison de Gailhan.
La maison de Gailhan. (©MH/ Métropolitain)

Le musée de la Romanité, à Nîmes, propose jusqu’au 31 mars une odyssée pour le moins originale : direction, les poubelles. Et plus particulièrement leur contenu à quatre époque différentes, à savoir le néolithique, l’époque gallo-romaine, médiévale et enfin contemporaine. Une mine d’or pour les archéologues, qui peuvent ainsi à la fois mieux comprendre ces sociétés, mais aussi interroger nos usages actuels

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Photographie d’un temps donné 

Réalisée par l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), cette exposition s’articule en plusieurs panneaux. Un premier d’abord, qui met les choses dans leur contexte, puis d’autres par époque. On entre ainsi directement dans le vif du sujet, en apprenant comment les déchets étaient gérés et entassés, attirant les nuisibles alors que les hommes se sédentarisaient au néolithique, ou encore la façon avec laquelle étaient organisés les dépotoirs, en passant par le manque d’hygiène civile des médiévaux qui n’utilisaient plus le système d’évacuation des eaux sales mis au point par les romains. Notre poubelle contemporaine (dont l’histoire du nom est d’ailleurs expliquée) n’est pas en reste et a elle aussi le droit à son analyse. Un regard est ici porté sur l’enjeu politique, sociologique et philosophique de l’évacuation des déchets. 

A l'époque, le verre était déjà recyclé.
A l’époque, le verre était déjà recyclé. (©MH/ Métropolitain)

Cet objet de notre quotidien, réceptacle de tout ce que les hommes jettent, se pose comme un témoin, une photographie d’un temps donné qui permet d’éclaircir, de confirmer ou à l’inverse d’infirmer la lecture historique des civilisations, donnant de précieuses informations sur l’alimentation, les modes de vie et les savoirs-faire. En tant que visiteur, cela nous permet de mettre les choses en perspective de nous rendre compte que, dans quelques années, nos poubelles contemporaines se révèleront aux générations futures et aux archéologues. Ils y verront à leur tour une mine de renseignement sur nos habitudes. 

De l’idée au concret

Pour dépasser le stade du panneau, le Musée a organisé une visite guidée, « Histoires d’ordures : du déchet au musée » qui amène les visiteurs à sept endroits précis de l’exposition permanente à savoir la maison Gailhan, la statue d’accroupie, la frise aux aigles, le groupe statuaire de Beaucaire, des amphores, la vitrine de l’atelier de potier, ainsi que la vitrine du verre. Ces derniers ont tous un point commun, ils ont été un jour considérés comme des déchets et sont désormais visibles dans un musée, qui leur apporte une toute nouvelle valeur. Laurence Aubry, guide-conférencière, a pris le temps de nous expliquer la démarche derrière cela. « Bien que les déchets soient majoritairement dans les trouvailles lors des fouilles, il est difficile de parler d’ordures dans un musée car il y a un double biais. Premièrement, toutes les ordures ne sont pas retrouvées. Beaucoup de ce qui était fabriqué était en matière périssable et sont donc rarement conservés et retrouvés par les archéologues. Ensuite, dans les musées, nous avons tendance à ne montrer que ce qui est exceptionnel et/ou beau, donc les tessons et autres morceaux, qui sont légion en fouilles, ne sont pas exposés ». 

Malgré cela, le visiteur peut ici les découvrir au grand jour et peut-être s’étonner d’une technique encore utilisée aujourd’hui et qui l’était déjà au temps jadis  : le recyclage. « Ce mode de gestion était très utilisé par le passé. Jusqu’à la seconde Guerre Mondiale, tout ce qui pouvait être recyclé, réemployé ou réutilisé l’était, pour des raisons économiques », rajoute-t-elle. En effet, pour citer un exemple en particulier, le verre vivait déjà plusieurs vies contrairement à la céramique ou poterie, non réutilisable une fois cassée. Le réemploi est d’ailleurs lui aussi illustré avec la statue d’accroupi, pour ne citer qu’elle. « Cette statue gauloise a été remployée dans un mur d’un portique du Ier siècle avant J.-C. Elle avait été trouvée sur le site de Villa Roma à Nîmes (à côté des jardins de la fontaine). Preuve qu’il y avait déjà des éléments culturels et peut-être une monumentalisation autour de la source sacrée de la Fontaine avant l’arrivée des Romains », explique Laurence. 

Pour aller plus loin

Afin de s’approprier au mieux le sujet et de pouvoir même l’approfondir, le Musée a organisé plusieurs animations. Pour s’immerger dans les déchets, au sens figuré bien-sûr, il sera possible de participer, donc, à la visite guidée évoquée plus tôt (« Histoires d’ordures : du déchet au musée »), le dimanche 19 novembre à 11h. Pour continuer sur le chemin de la connaissance, des conférences sur des sujets d’actualité sont également prévues comme « L’aventure Plastic Odyssey : pour faire face au challenge plastique », par Maïté Abos, directrice de l’association Plastic Odyssey le mercredi 22 novembre à 18h30, et d’autres sur des thèmes qui le sont beaucoup moins, comme « Déchets et interprétation dans l’Antiquité romaine : l’exemple du dépotoir du Rhône arlésien », le mardi 12 décembre à 18h30. 

En parallèle, des animations sont prévues comme une sensibilisation à la réduction des déchets (antiques et contemporains), en partenariat avec le service prévention/valorisation de Nîmes Métropole, le dimanche 19 novembre de 10h à 13h et de 14h à 17h, dans le cadre de la semaine Européenne de la réduction des déchets. 

> Pratique : Cycle thématique « Homo Detritus », au Musée de la Romanité jusqu’au 31 mars 2024. Programmation complète à retrouver sur le site internet du musée.  
15/11/2023 à 12:30 par Manon Haddouche