Interview : Guilhem Portales présente « Hectare, nouvelle génération »

25/05/2022 à 12:19
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Guilhem Portales avec Hectare (©Mario Sinistaj)

Déjà dans le groupe Hectare depuis plus d’une quinzaine d’années, Guilhem Portales a pris, en septembre 2020, la suite de son père Max, le fondateur. Avec ses deux sœurs et son frère, chacun à leur poste ont la volonté de réinventer l’aménageur créé à Vendargues en 1985. Le président directeur général revient sur la mutation de cet acteur de l’immobilier comptant une centaine de collaborateurs dans les huit agences couvrant un secteur de Toulouse à Marseille, dont Montpellier. Un territoire auquel Hectare entend bien proposer son expertise. Interview.

Métropolitain : pouvez-vous nous présenter le groupe Hectare ?

Guilhem Portales : Hectare est un groupe familial fondé près de Montpellier (à Mauguio) en 1985 par mon père et exclusivement dédié à l’origine à un modèle bien connu en France, le lotissement. D’abord, dans notre région d’origine, puis tout autour de l’arc méditerranéen, Hectare a livré plus de 7000 lots à destination du particulier qui pouvait ainsi accéder à son projet de maison individuelle, en libre construction. Au fil du temps, des projets et de l’expérience acquise, nous avons fait évoluer nos compétences pour répondre aux demandes des collectivités et aux enjeux de notre temps. C’est ainsi que de lotisseur, nous sommes devenus aménageur foncier au sens large du terme, en étant capable de concevoir et réaliser des projets mixtes (habitat, artisanat, économique, requalification urbaine).

Notre activité se répartit pour l’instant entre 80% d’aménagement et 20% de promotion immobilière, activité pour laquelle nous avons créé en 2019 avec mes frères et sœurs une filiale dédiée, Envol. Avec les enjeux d’aujourd’hui, caractérisés par l’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette), la proportion entre nos deux activités principales devrait à terme s’équilibrer. En 2021, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de près de 90 M€. Je dirais que ce qui caractérise avant tout notre groupe, c’est l’expertise et la bienveillance de nos 100 collaborateurs qui nous accompagnent dans l’ensemble du Sud de la France (huit agences entre Toulouse et Marseille) et qui partagent nos valeurs.

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C’était naturel de pendre la suite de votre père ?

J’ai repris la présidence de la société Hectare en septembre 2020. Depuis 2006, j’ai gravi les échelons et occupé beaucoup de postes différents dans le groupe, en assurant le développement en premier lieu de la partie Ouest de notre territoire (Carcassonne, Narbonne, Perpignan, Toulouse, Béziers) puis en prenant la Direction du Développement sur l’ensemble des agences. Bien que, au regard de mon parcours, cela paraissait naturel de lui succéder, prendre la suite de mon père qui a tant marqué la profession et la région est une lourde responsabilité. Ressentir que j’ai sa confiance est mon principal moteur au quotidien.

Également, même si avec mes deux sœurs, Laury (associée et Présidente d’Envol) et Anne (associée et Directrice Communication & Evènementiel groupe) et mon frère Robin (associé et DSI groupe), nous avons grandi avec Hectare, comme un cinquième enfant, nous avions au départ d’autres orientations de carrière. Cependant, l’envie de soutenir nos parents et le défi de pérenniser le groupe et de lui permettre de grandir nous ont amené à intégrer la structure familiale au fil des années.

Notre volonté est de porter haut le blason d’Hectare et d’Envol sur notre territoire avec une envie particulière de redevenir prophète dans notre pays, à Montpellier. Même si le proverbe précise que ce n’est jamais facile. Je le dis avec toute l’amitié et la sympathie que j’ai pour mes confrères, mais ils peuvent regarder dans leur rétroviseur, nous sommes là !

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Anne et Guilhem Portales
Anne et Guilhem Portales (©Mario Sinistaj)

Qu’apporte ce changement de génération ?

Nous avons commencé par nous demander ce que nous pouvions apporter avec notre fraîcheur et notre envie, quelles questions nous pouvions nous poser au sein du groupe et dans l’exécution de nos métiers. Nous étions dans un schéma où nous appliquions un savoir-faire et nous avons voulu faire une pause pour grandir et évoluer.

Le premier constat a été de dissocier nos activités d’aménagement foncier et de promotion immobilière. Ces deux métiers présentent des compétences complémentaires, certes, mais ce sont des activités devenues plus complexes qui nécessitent une spécialisation. Hectare est donc devenu un expert de l’aménagement et Envol de la promotion immobilière. Ainsi, en fonction des spécificités d’un territoire et des attentes des collectivités, nous privilégions une structure plutôt qu’une autre ou éventuellement les deux pour apporter une solution globale.

Nous avons également restructuré le groupe, pour lui donner une meilleure lisibilité auprès de nos partenaires, et procédé à plusieurs fusions de filiales. Une nouvelle organisation interne a été mise en place, avec la création de pôles assurant la qualité de nos process, de notre production et de notre accompagnement (ressources humaines, financier, juridique, développement, opérationnel, commercial, service après-vente). Nous avons confié des postes de Direction à plusieurs de nos collaborateurs.

Enfin, nous avons complètement changé notre approche du métier d’aménageur. Nous essayons d’être au plus près des collectivités, pour évoquer leurs besoins, leurs contraintes et leurs visions du développement de leur commune. Ces échanges permettent d’identifier des sujets d’aménagement, de promotion ou de réhabilitation et une ambition. À nous ensuite de convaincre les propriétaires fonciers et de fédérer les communes, les services de l’Etat et les habitants autour d’un projet idéal et désirable. Tous les jours et au fil des rencontres, je sens que L’ADN et les valeurs d’Hectare sont en adéquation avec cette nouvelle époque.

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Une nouvelle époque qui tient compte des enjeux environnementaux. Comment y répondez-vous ?

Depuis plusieurs années, nous avons pris conscience de la prépondérance des questions environnementales dans la conception et la réalisation de nos projets d’aménagement. Ce n’est pas par hasard si ma prise de présidence s’est notamment traduite par une refonte de notre image à travers notre logo qui affiche désormais une ambition forte : l’urbanisme durable. Ma volonté de réconcilier aménagement et environnement, de prendre notre responsabilité vis-à-vis des enjeux et des générations futures est devenue le cœur de la refonte de notre manière de travailler. Nous matérialisons également cet engagement de développement durable à l’échelle de l’entreprise avec la structuration en cours d’une stratégie RSE à travers le label AFNOR engagé RSE.

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Concrètement, qu’est ce qui a changé ?

Auparavant, nous avions tendance à dupliquer les projets quel que soit le territoire ou la nature d’un site. Aujourd’hui, c’est le terrain dans son environnement et son contexte qui dicte sa loi et le projet va se construire en fonction de spécificités propres. Cette approche nécessite de réaliser un certain nombre de diagnostics avant même d’envisager toute conception de projet. Nous avons matérialisé ce travail amont par un label interne, baptisé à ce jour Urbanisme Durable by Hectare, qui comprend 9 thématiques (biodiversité, eau, climat, mobilités, ressources et économie circulaire, économie locale, cadre de vie et santé, tissu social, innovation), 32 sous-thématiques et trois niveaux de labellisation. Là encore, le dialogue avec la collectivité est important car nous pouvons porter certains thèmes jusqu’à l’excellence en fonction de ses attentes.

Notre engagement s’exprime également à travers l’arrivée il y a plusieurs mois de Tolga Coskun, écologue de formation, au poste de Directeur du Développement Durable. Que ce soit dans nos projets d’aménagement ou de promotion immobilière, il a pour mission d’accompagner nos collaborateurs et les élus et de mener les concertations avec les services de l’état, notamment la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). Ce label nous amène également à mieux nous questionner sur les usages et à favoriser la concertation. Encore une fois, je suis persuadé qu’un projet réussi est un projet qui emporte l’adhésion du plus grand nombre.

Notre manière de prospecter a également évolué, puisque nous intégrons désormais dans nos perspectives les sujets de densification des dents creuses, de requalification urbaine ou de friches industrielles. C’est par la mobilisation de ces fonciers, autrefois peu désirés, que nous atteindrons l’objectif ZAN. Plus généralement, nous essayons d’être facilitateur dans un domaine clairement complexe. La ligne de vie présent dans notre logo représente toutes les fluctuations et les péripéties de notre métier, mais également l’aventure qui continue pour notre groupe familial.

Comment vous inscrivez-vous dans la politique voulue par le président de la Métropole de Montpellier Michaël Delafosse ?

Au sein de la Métropole, nous avons acté le fait que les sujets d’aménagement en extension vont se raréfier. De surcroît, la Métropole est dotée d’un outil public d’aménagement à travers Altémed, ce qui laisse peu de place à l’aménagement privé. Bien évidemment, nous restons alertes sur les quelques sujets d’aménagement envisagés dans les communes de la Métropole mais nous avons conscience que notre filiale Envol sera plus amenée à travailler sur notre territoire, que ce soit sur des sujets de promotion immobilière ou de réhabilitation. Cependant, nous avons déjà collaboré avec succès par le passé avec des aménageurs publics (L’Or Aménagement dans l’Hérault, SEMEPA dans les Bouches-du-Rhône) et j’encourage bien évidemment tout partenariat d’aménagement public/privé.

En tant qu’acteur historique et majeur du territoire je regrette peut-être de ne pas être plus concerté, notamment dans l’élaboration du PLUi, par les pouvoirs publics. Je suis persuadé qu’il y aura toujours des sujets d’aménagement, même dans la Métropole, ils prendront simplement des formes différentes de ce que nous avons pu connaître jusque-là. La loi climat résilience va donner le rythme mais il faut faire attention à ne pas trop anticiper des enjeux qui sont déjà ambitieux sinon nous irons tout droit vers une crise sans précédent du logement. Sur le fond, je me retrouve dans l’ambition écologique souhaitée par le président de la Métropole de Montpellier.

La maison individuelle est un model rejeté par la collectivité. Quelle est votre position ?

Depuis de nombreuses années, il y a ce paradoxe en France autour du modèle d’habitat individuel : les Français le plébiscitent, les services de l’Etat l’évitent. Le constat que je fais est que l’acte d’aménager est beaucoup plus responsable qu’avant. Pendant des années, beaucoup de procédures administratives se sont rajoutées à la délivrance d’un permis d’aménager (études de sol, hydrauliques, environnementales, fouilles archéologiques, élaboration de PUP, mise en place de compensations…) et nous sommes montés en compétences sur ces sujets.

Alors que nous produisons des projets plus vertueux, la politique du gouvernement met un sérieux coup d’arrêt à l’aménagement et, par voie de conséquence à la production de logement individuel et de logement tout court. À mon sens, il faudrait assumer que le logement individuel est un type d’habitat que l’on doit proposer en France, dans une proportion raisonnable, et mettre tous les acteurs en marche pour innover dans la création de ce type d’habitat. Les constructeurs de maisons individuelles sont prêts à remettre en question leur modèle et à proposer des solutions de densité même avec du logement individuel ou groupé si on leur en donne les moyens. Ce message, nous le portons par l’intermédiaire de la FFP Pôle Habitat au gouvernement avec Céline Torres Guitard (Présidente du Pôle Habitat FFB Occitanie) par ma fonction de Vice-Président de la commission aménageurs fonciers du Pôle Habitat FFB Occitanie.

Il est dommageable de faire le raccourci d’opposer aménagement et environnement car très souvent les nouvelles opérations sont remarquables. Elles viennent non seulement compenser des situations qui n’ont pas été prises en compte dans les projets précédents mais elles permettent la production d’une vraie offre mixte en matière de logement. Nous menons actuellement plusieurs projets pilotes qui feront la démonstration de la possibilité de concevoir et produire des aménagements plus vertueux.

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C’est dans cette logique qu’Hectare a confié des terres à des viticulteurs à Vendargues en janvier ?

A l’initiative de la mairie de Vendargues et de son maire, M. Guy Lauret, nous avons identifié dans notre réserve foncière des terrains propices à la viticulture et, à contrario, peu propices à l’aménagement. C’est ainsi que nous avons recensé près de 50 hectares de terrain que nous avons mis à la disposition de jeunes viticulteurs pour leur permettre de développer leur activité. La seule condition pour l’exploitation de ces terrains est que la vinification soit réalisée à la cave coopérative de Vendargues, commune où est implanté le siège social de notre groupe.

Un dernier point, Hectare a développé de nombreux partenariats. En quoi est-ce important pour le groupe ?

Nos différentes ambitions ne doivent pas nous faire oublier notre principal objectif au quotidien : pérenniser notre groupe et l’emploi de nos collaborateurs. Dans cette optique, nous avons toujours privilégié les solutions gagnant-gagnant. Quand nous travaillons sur un territoire, nous avons à cœur d’accompagner les clubs sportifs et associations (qu’elles soient culturelles ou humanitaires) et qui, souvent, ont des budgets limités. À ce jour, c’est plus de soixante partenariats que nous soutenons en régions Occitanie et Sud avec une volonté de nous impliquer toujours plus avec eux sur le terrain. Ces partenariats s’orientent naturellement vers des clubs qui partagent nos valeurs : bienveillance, combativité, esprit d’équipe, respect.


Cédric Nithard