Montpellier : en visant la mairie, la manifestation pro-Palestine glisse-t-elle sur un autre terrain ?


La France Insoumise affiche son soutien aux manifestations pro-Palestine.
La France Insoumise affiche son soutien aux manifestations pro-Palestine. (©CN / Métropolitain)

Depuis la réplique sanglante d’Israël consécutive aux attentats du 7 octobre par le Hamas, les manifestations en soutien au peuple palestinien se déroulent tous les samedis à Montpellier. Le collectif, composé d’organisations, partis et syndicats, appelle à une nouvelle mobilisation ce samedi 20 avril à 15h au départ de la place de la Comédie avec comme particularité de se terminer devant la mairie. Au risque de se servir du conflit à des fins politiques locales ? La question se pose.

Le risque d’embrasement

Si les organisations qui appellent aux manifestations de soutien à la Palestine tenaient ce mercredi 17 avril une conférence de presse afin de préciser le mot d’ordre de celle de ce week-end, à leur étonnement, seuls Alban Desoutter et Audrey Marc, de La Libre Pensée, et Brigitte Challande, coordinatrice du collectif Gaza Urgence Déplacé.e.s, étaient présents. Néanmoins, comme tous les samedis depuis le bombardement de Gaza en représailles aux attentats du Hamas, ce samedi 20 avril toutes les organisations se retrouveront sur la place de la Comédie pour réclamer « un cessez le feu immédiat, l’arrêt des bombardements, la levée du blocus de Gaza et la fin de la répression de masse en Cisjordanie ». Avec cette fois une particularité puisque la manifestation se terminera devant la mairie de Montpellier.

Tandis que le conflit s’enlise encore plus, jour après jour, après le bombardement du consulat iranien à Damas par Israël, Alban Desoutter ne cache pas son inquiétude : « Le principal fauteur de guerre, c’est l’État d’Israël et son gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou. Ce gouvernement a tout organisé et planifié pour pousser au désespoir la population palestinienne et à utiliser le 7 octobre, comme d’autres ont utilisé le 11 septembre, pour aller jusqu’au bout d’un plan, qui était déjà dans les tuyaux, à savoir raser Gaza. Ils ont sauté sur l’occasion pour mettre en œuvre un plan d’épuration. Aujourd’hui, le Liban est menacé et plane une guerre avec l’Iran, derrière il y a un risque d’embrasement généralisé à travers le choc des civilisations qui pourrait faire basculer plus que le Moyen-Orient ».

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Coordinatrice du collectif Gaza Urgence Déplacé.e.s Brigitte Challande rend compte de la situation recueillie par des correspondants sur place avec la préparation d’installations pour accueillir des réfugiés laissant craindre un déplacement important de population après une potentielle offensive sur Rafah ou encore des exactions commise par des soldats israéliens dans des camps au nord de la Bande de Gaza. « La situation est extrêmement préoccupante pour les Gazaouis, les Palestiniens de Cisjordanie et pour le Proche-Orient en général », souligne Audrey Marc qui appuie : « Il faut insister sur l’isolement relatif de Netanyahou. En Israël, il y a des manifestations de centaines de milliers d’israéliens qui exigent la libération des otages et la tenue d’élections anticipées. Dans son propre pays, Netanyahou est en grande difficulté ».

Pointer les responsabilités

Aux responsabilités du Premier ministre israélien et de son gouvernement d’extrême droite, l’enseignante dénonce également l’apport en armement des États-Unis ou d’autres pays, dans une moindre mesure, comme l’Allemagne, l’Italie et la France. « Du point de vue des grandes puissances, la réplique iranienne leur a permis de réaffirmer leur soutien à Netanyahou » analyse-t-elle et d’affirmer : « On se mobilise contre cette politique de soutien à Israël par notre gouvernement, appuyé par toute une partie des organisations politiques qui se réclament historiquement de la gauche en réaffirmant le droit absolu d’Israël à se défendre, ce qui est totalement sidérant, en jouant sur l’antisémitisme et en dénonçant ceux qui se mobilisent ».

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« Les manifestations ne vont pas s’arrêter. Au contraire, on va appeler à amplifier la mobilisation et plus que jamais nous pointerons la responsabilité de notre gouvernement à une politique de guerre et, évidemment, celle de ceux qui s’y inscrivent comme Raphaël Glucksman qui appelle à passer à une économie de guerre » fustige Alban Desoutter qui ajoute : « Bien que La Libre Pensée ne donne pas de consigne de vote, tout ceux qui s’inscriront dans ce sillon, n’auront pas notre soutien ». Une autre formation politique l’a néanmoins.

En soutien de La France Insoumise

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Alban Desoutter et Audrey Marc, de La Libre Pensée, et Brigitte Challande, coordinatrice du collectif Gaza Urgence Déplacé.e.s.  (©CN / Métropolitain)

Si la manifestation de samedi entend finir devant la mairie, l’objectif serait de « pointer du doigt que le maire de Montpellier se fait le relais d’une campagne dégueulasse, en particulier contre la France Insoumise que nous défendons bien que La Libre Pensée ne soit pas un courant politique. Tout militant ou groupe qui se fait persécuter ou salir, par solidarité et réflexe de classe, on le défend. Les militants de la France Insoumise se prennent des tombereaux d’injures et d’insultes y compris de la part du maire. Dire que lorsque l’on est en solidarité de la Palestine on est antisémite, cela ne passe pas et on le défendra ». Ainsi, après le meeting de La France Insoumise à Montpellier, auquel il confie avoir assisté, Alban Desoutter regrette « un déchainement de mauvaise foi. L’extrême droite s’en donne à cœur joie sur les réseaux sociaux mais est rejointe, en langage peut-être plus policé, par toute une série de responsables bon teint, dont Michaël Delafosse, qui instrumentalise la question de l’antisémitisme pour salir le mouvement pro-palestinien ».

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Soutien de la tête de liste PS aux Européennes, Michaël Delafosse voit ainsi apparaître après la charte de la laïcité et, comme tous les maires de Montpellier, la Saint-Roch, un nouveau sujet de discorde avec la Libre Pensée qui lui reproche également un manque de soutien à la Palestine et de soutenir ainsi tacitement Israël. « Pour l’Ukraine, le maire a fait envoyer des vivres, hisser le drapeau sur le fronton de la mairie, accueilli des Ukrainiens et rompu dès le départ du conflit toute relation avec la Russie, pourquoi il ne fait pas pareil avec Israël ? » s’interroge Alban Desoutter. À cela, Michaël Delafosse répond : « À la différence de la Russie de Vladimir Poutine, l’état d’Israël est un pays démocratique malheureusement dirigé par Benyamin Netanyahou. Mais Netanyahou n’est pas Israël et les grandes manifestations, dont nous pouvons être les témoins, démontrent qu’il existe une opposition forte et qui a la possibilité d’exprimer son désaccord en Israël. Ce qui n’est pas du tout le cas en Russie où toute opposition est réprimée par la violence et le meurtre ». Brigitte Chalande pose elle une autre interrogation : « Au vu de la situation, la question du maintien de la journée de Jérusalem doit se poser. Nous sommes la seule ville en France à la célébrer ».

BDS dans la polémique

Des attaques que BDS a formulé de son côté dans une affiche où les socialistes Michaël Delafosse, Hussein Bourgi, Carole Delga et Kléber Mesquida, associés à différents dirigeants internationaux, sont accusés d’être « des soutiens actifs à Israël et complices du génocide ». Manifestant également le samedi dans des magasins de l’enseigne Carrefour ou d’autres accusés également de soutenir Israël, et régulièrement en conflit avec la mairie de Montpellier, là aussi peu importe les maires, pour des occupations illégales de l’espace public, BDS n’en n’est pas à sa première provocation.

Ainsi, en janvier dernier, lors d’une conférence organisée par BDS à La Carmagnole, le militant du collectif Urgence Palestine Omar Alsoumi déclarait : « Le 7 octobre est une offensive héroïque de la résistance du peuple palestinien. Ce sont des combattants qui partent à l’assaut de bases militaires israéliennes dans l’objectif de faire le maximum de prisonniers parmi les soldats israéliens de façon à libérer le maximum de prisonniers palestiniens. Le reste, c’est beaucoup de brouillard, de mensonges, de propagande, d’informations non vérifiées et de mensonges dont on a vérifié la fausseté. Est-ce qu’il y a eu des exactions, certainement, ou des choses moralement condamnables, vraisemblablement, mais une chose très importante que l’on n’a pas dite, c’est que la doctrine de l’armée israélienne est que s’il y a des prisonniers ou des détenus c’est de tirer dans le tas ». Une déclaration qui, accompagnée par les applaudissements d’une partie de la salle, n’a pas dérangé BDS puisque seule moment de la conférence partagée sur ses réseaux sociaux.

Ainsi, si l’on ne peut que soutenir l’appel à la paix de la mobilisation, reste que, au-delà des discours face à la presse, les intentions de certains organisateurs sont troublantes. De là à penser que le conflit israélo-palestinien et les manifestants soient utilisés au profit d’un conflit Insoumis-socialiste ?

Michaël Delafosse : « je défends une solution à deux états »

Lors d’une interview réalisée en décembre dernier, nous avions interrogé Michaël Delafosse sur sa position quant au conflit israélo-palestinien.

« Je suis très clair sur ce sujet. Il y a une légitimité de l’état d’Israël à exister et je défends une solution à deux états. Le gouvernement actuel de Benyamin Netanyahou doit partir et je le pense depuis longtemps, depuis qu’il veut réformer l’état de droit. Le Hamas est un mouvement qu’il faut éradiquer comme on a éradiqué Daesh car c’est un mouvement terroriste de fanatiques religieux qui n’est pas l’OLP qui lui considère la légitimité de l’état d’Israël. Le 7 octobre est le plus grand massacre de personnes juives en allant chercher des jeunes qui militaient pour la paix. Ici, à Montpellier, nous essayons de bien dire les choses avec d’une part les terroristes du Hamas et d’autre part la demande de libération des otages. Certains veulent se servir du conflit israélo-palestinien pour justifier leur antisémitisme, ils trouveront devant eux le glaive de la république et tous les élus. Nous nous sommes rassemblés dans les grandes marches de lutte contre l’antisémitisme qui se sont déroulées dans notre pays. La Ville a était présente et ici nous faisons quelque chose d’important. Depuis toujours je me pose la question de ce que je peux faire car nous sommes loin de cette violence mais elle nous apparaît proche. Alors ici nous faisons dialoguer les gens, nous sommes un endroit sur la terre où des gens qui sont de culture israélienne ou palestinienne se parlent. Nous avons accueilli au MO.CO le musée national de la Palestine avec Elias Sanbar et par la culture nous nous parlons. Je me souviendrai toujours quand nous avons fait la COPEAM, le réseau des radios de la Méditerranée, d’avoir discuté avec des journalistes gazaouis qui ont parlé avec leurs confrères israéliens en étant dans la même salle, avec toujours une forme de défiance, mais l’envie de savoir ce qu’est une information libre. Ils se parlaient où ? À Montpellier. En ouverture du Cinemed, c’était bouleversant, à l’écran un cinéaste israélien blessé dans l’attaque du 7 octobre et un cinéaste palestinien se parlaient. Nous sommes jumelés avec Bethléem et avec Tibériade. Dans mes vœux, je me suis adressé au maire de Bethléem en rappelant combien nous étions à leur côté au moment où cette ville n’a pas pu fêter Noël comme toute l’humanité la fête de la nativité. Je suis très laïc mais c’est dramatique. Comme celui avec Tibériade, ces jumelages sont tournés vers la jeunesse et l’on essaye modestement faire dialoguer les gens. Je le dis tout net si on me demande mon avis. Le gouvernement d’Israël doit tomber et j’espère qu’une voi(e)x de la paix sera trouvée. Mais par contre je ne suis pas d’accord avec tout ceux qui considèrent qu’Israël n’a pas sa légitimité. Il faut deux états, israélien et palestinien. Et tout ceux qui se servent de ce conflit pour activer un antisémitisme ou mal-nommer les choses et donc ajouter au malheur du monde doivent nous trouver en face. J’ai tenu à afficher le visage des otages devant la mairie et je me souviens encore de l’émotion des parents de Valentin, un jeune montpelliérain mort durant l’attaque du Hamas, lors de l’hommage à la fac de droit ».

* Associations : AFPS, APLR, ATTAC Montpellier, BDS, CCD3M, CCIPPP34, CCMM, CDTM, Collectif Éveil, La Carmagnole, La Cimade, LP, MDP, MRAP, Pas Sans Nous 34, RM, JJFP, Coalition Montpellier contre l’Apartheid, RUSF 34…. Organisations politiques : Ensemble ! 34, EELV, GES, LFI, NPA, PCF, PG, POI, RP, UCL…. Syndicats : UDR-FO34, Solidaires Étudiant.e.s, UD Solidaires, CNT…
20/04/2024 à 09:29 par Cédric Nithard