Montpellier : Dominique, un champion désormais bien en place dans la ville


Dominique Bréard et son chien Tacos heureux à Montpellier.
Dominique Bréard, et son chien Tacos, heureux à Montpellier. (©CN / Métropolitain)

Son visage ne vous est peut-être pas inconnu. Surtout si vous êtes des habitués de Questions pour un champion (QPUC) ou Tout le monde veut prendre sa place (TLMVPSP). Dominique Bréard y a marqué les esprits en figurant parmi les plus talentueux et emblématiques des candidats. Après une première participation à un jeu télé en 1999, 100% Questions sur France 5, l’Amiénois, grand supporter de Saint-Étienne, décroche trois victoires à QPUC en 2009 avant de privatiser le fauteuil rouge de TLMVPSP du 17 juin au 26 novembre 2010 comptant 150 victoires et un gain de 160 000€. Preuve de la performance, quatorze ans plus tard, seulement deux candidats ont fait mieux. Sans oublier en 2016 à l’occasion des dix ans du jeu, une victoire au trophée des champions de TLMVPSP remplie d’émotion. Outre ce palmarès, qui lui vaut un deuxième passage ce samedi 20 avril au Quiz des champions sur France 2, où il se mesurera à d’autres pointures de la culture générale, un autre élément a contribué à marquer les esprits : Dominique Bréard est aveugle. Habitant désormais à Montpellier et ayant quitté la profession d’avocat, ce nouveau défi télévisuelle, sans doute pas le dernier, était l’occasion d’échanger avec cette personnalité forte et attachante.

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Qu’est-ce qui vous a amené à Montpellier ?

J’ai tout simplement rencontré quelqu’un en 2022 et j’ai eu envie de la suivre. J’étais déjà venu à Montpellier en 1992 et j’avais trouvé cette ville extraordinaire, ce qui encore le cas aujourd’hui, mais je n’imaginais pas qu’un jour j’y vivrai.

D’où vous vient cette passion pour les jeux ?

C’est une passion plus globale pour la compétition. Dans les années 70, j’écoutais beaucoup les jeux à la radio où il y avait des questions de culture générale. Après, j’ai regardé Questions pour un champion (QPUC) quand cela a démarré. Je me suis dit que c’était un bon moyen d’allier à la fois la compétition, le plaisir du jeu et la culture.

Vous avez participé à trois jeux à la télévision. Qu’est ce qui vous a donné envie d’aller sur les plateaux ?

C’est bizarre car je ne suis pas sûr que ce soit la télévision qui m’ait attiré beaucoup moins que le jeu. Je me disais bien qu’il fallait aller à la télé pour participer aux jeux mais cela ne comptait pas plus. Ensuite, j’ai découvert la télévision. À un moment donné, j’ai eu envie d’être animateur à la radio avec forcément une petite envie pour la télévision. Mais, au départ, je voulais surtout faire les jeux et, pour la télé, l’appétit est venu en mangeant.

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C’est vous qui vous êtes inscrit aux jeux ou, comme on entend souvent, c’est un proche ?

Non c’est moi mais avec les fesses bottées par des proches. J’avais une grand-mère qui, à chaque fois qu’on regardait Questions pour un champion ensemble me disait : « Mais c’est pas vrai ! Tu vas y aller un jour ? » car elle m’entendait répondre aux questions.

Que ce soit à Questions pour un champion ou Tout le monde veut prendre sa place, quels étaient vos objectifs au départ ?

À chaque fois je me suis dit que je voulais gagner au moins une fois. Pour 100% Question, j’ai gagné trois fois et perdu à la quatrième. Pour QPUC, je me disais que déjà une fois c’était super et j’ai gagné trois fois. Pour Tout le monde veut prendre sa place (TLMVPSP), au moment où je me suis inscrit et passé le casting, il y avait Christophe Bourdon, recordman avant moi qui était indétrônable (130 victoires). J’étais dans une situation où je me suis dit qu’il allait me repérer et tout de suite vouloir m’éliminer. Finalement, quand je suis arrivé quelqu’un l’avait battu et je pensais donc que cette personne devait être encore plus forte. C’est souvent plus compliqué que ça dans les jeux télé puisque la personne qui avait battu Christophe avait elle-même été battue. Donc je me suis retrouvé face à un champion que je ne connaissais pas du tout et j’ai gagné. Je me suis juste dit d’aller le plus loin possible. Arrivé à la quatrième partie et une forme de superstition vaincue, tout s’est ensuite enchaîné et les objectifs se sont faits étape par étape.

Vous vous êtes dit qu’à un moment cela ne s’arrêterait jamais ?

J’ai pris les émissions les unes après les autres et j’ai bien pensé qu’un jour cela s’arrêterait mais je trouve que je n’en ai pas assez profité. J’ai tout confondu. J’avais l’ambition de profiter de ce jeu et de la notoriété qui en découle pour faire un peu de télé et de radio. Ce que j’ai fait d’ailleurs. Quand j’ai perdu pour la troisième fois, j’ai décidé de ne pas racheter ma place. Là est mon erreur, je me suis un peu grisé.

Quand on reste aussi longtemps à la télévision, cela marque forcément les gens. Quel impact cela a eu sur vous ?

J’ai senti parfois de l’admiration, parfois du bonheur que je donnais aux gens parce que cela les faisait rêver. Certains enfants, ados et jeunes cela les a inspirés. Et, mais c’était epsilon par rapport à tout le reste, un peu de colère parce que certains n’aiment pas les gens qui gagnent. Je pense qu’il y avait beaucoup d’admiration eu égard à la cécité car les gens ne la connaissent pas. Beaucoup de personnes n’ont jamais rencontré d’aveugle dans leur vie donc ils se disent que c’est impossible mais s’ils connaissaient plus, ils seraient moins admiratifs. Ensuite, sur moi, cet impact est très difficile à mesurer. C’était une période à traverser et cela a été super de voir que je pouvais donner du bonheur aux gens mais cela a été aussi compliqué quand cela s’est arrêté. C’est donc forcément des sentiments très mélangés. C’était beau, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance de connaître ça mais c’est forcément difficile aussi.

Que voulez-vous dire par « si les gens connaissaient mieux la cécité, ils seraient moins admiratifs » ?

Il y a beaucoup de gens qui pensent qu’être handicapé c’est être incapable de faire quoi que ce soit. Certains peuvent quand même se demander comment ont fait pour étudier, pour aller à l’école… Lors de mon passage à TLMVPSP, le public apprend que j’étais alors avocat, que j’ai de la culture générale… c’est peut-être beaucoup d’informations d’un seul coup d’où cette admiration. En plus, par certains aspects, j’étais peut-être un peu choquant car je prenais beaucoup de questionnaires sur le cinéma par exemple. Pas pour tout le monde heureusement, mais chez certains, j’ai quelque part créé un choc des cultures. Mon passage étaient en 2010 donc j’espère que les choses ont un peu avancé. Mais si on avait la capacité de banaliser tout ça, un droit à la normalité en fait, ce serait plus simple.

Une normalisation qui passait aussi par une forme d’humour sur votre cécité avec Nagui.

Tant qu’on est entre gens de bonne compagnie, on peut faire de l’humour. C’est ce que disait Desproges : « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde ». Des gens vont faire de l’humour sur le handicap qui ne va pas me faire rire du tout car je n’y serai pas associé ou que j’aurai le sentiment que c’est un humour juste pour dire que l’on est quand même pote. Ça, non. Mais avec Nagui, on avait cette capacité à faire du ping-pong. Mais pas que sur ma cécité, sur tout.

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Vos passages sur les plateaux télé ont-ils nécessité une adaptation de la part des producteurs ?

C’est plus à eux qu’il faut le demander. Quand j’ai fait mon premier jeu 100% Questions en 1999, on m’avait demandé de mettre des lunettes de soleil. J’ai ce que l’on appelle un nystagmus qui fait que mes yeux bougent. À l’époque, j’avais accepté et on me l’a redemandé pour TLMVPSP mais là j’ai refusé en disant qu’on me prenait ou pas et ils m’ont accepté ainsi. Après, est-ce qu’ils adaptaient quelque chose, sincèrement je ne crois pas. La seule chose sur TLMVPSP, c’est que le champion devait descendre un escalier pour s’asseoir dans le fauteuil, ce qu’ils ont toujours refusé que je fasse car il n’y avait pas rampe et ils ne voulaient pas que je me casse la gueule.

Dominique Bréard est le troisième plus grand champion de TLMVPSP.
Dominique Bréard est le troisième plus grand champion de TLMVPSP. (©CN / Métropolitain)

Malgré votre notoriété, vous avez pour autant refusé d’être un porte-parole de la cause des aveugles, pourquoi ?

Il faut bien s’entendre. Ce que j’ai voulu dire, c’est que je ne voulais pas être un Gilbert Montagné bis. Il n’y a rien de péjoratif dans mon propos mais Gilbert Montagné, en étant un peu porte-parole, et cela ne lui a pas vallu que des amitiés chez les aveugles, j’ai surtout eu souvent l’impression que c’était bien de l’avoir dans les émissions. En clair, que c’était bien qu’il soit sur la photo. Je ne voulais pas cela mais à l’époque je ne savais pas ce que je voulais et maintenant je l’ai trouvé. Je travaille pour la Fédération des Aveugles de France Languedoc-Roussillon, dans lequel je suis devenu tout récemment administrateur, et, surtout, je fais de la sensibilisation aux handicaps auprès des enfants et des adultes. Je travaille également au CLCPH, Comité de Liaison et de Coordination des Associations des Personnes Handicapées et malades chroniques, pour assurer l’accessibilité des lieux publics et des transports de Montpellier, la métropole et du département. J’y suis un maillon parmi tant d’autres. Ce qui est chouette, c’est que je suis un ouvrier, c’est ça que je veux être. Je sentais bien à l’époque que ma notoriété serait plus utilisée qu’elle ne servirait à la cause.

En matière d’accessibilité, comment se situe Montpellier ?

Montpellier ne m’a pas semblé en retard sur le sujet d’autant plus qu’il y a en ce moment un excellent dialogue. On a actuellement une municipalité et des interlocuteurs très sensibles à cela. Je crois surtout qu’il faut faire attention à chaque innovation. Quand il y a des travaux, on demande à faire attention aux chemins d’accès… Dans la préparation du bustram, on demande par exemple que les haut-parleurs soient bien installés pour entendre correctement les annonces… Sur les lignes de tramway, on demande à ce qu’il y ait des bornes de vigilance sur tous les quais, ce qui n’est pas le cas actuellement… Ce sont pleins de petites choses à prendre en compte.

Vous n’êtes plus avocat, que faites-vous maintenant ?

Je suis bénévole dans ces deux actions. Je lis énormément et je me suis relancé dans la philosophie. En fait, je suis dans des objectifs que j’ignore moi-même. D’autres choses viendront après. Je continue à me cultiver et tout ça remplit déjà bien mes journées. Par ailleurs, je vais deux-trois fois par semaine au club Questions pour un champion de Montpellier.

Vous avez participé à votre deuxième Quiz des champions, comment vous y êtes-vous préparé ?

Il y a des gens qui s’y préparent en bachotant énormément. Il faut savoir que le jeu télévisé s’est énormément professionnalisé. Il y a des personnes qui font des fiches, s’entraînent beaucoup en participant à des quiz sur internet… et sont devenus quasiment des professionnels. Personnellement, je n’ai jamais fait ça. Par contre, on va être clair, si je n’ai jamais fait ça, c’est par pure fainéantise. Je me suis toujours cultivé par désir. La culture a toujours été un chemin et pas un but. Parfois, j’ai été déçu de perdre mais je me suis toujours dit, qu’à un moment donné, j’avais fait le choix de me cultiver selon mes désirs en lisant telles livres, en écoutant telles musiques, en m’intéressant à certains aspects de l’art ou du sport… mais sans vouloir faire de fiches ou travailler. À N’Oubliez pas les paroles, plus vous apprenez de chansons, plus vous avez de chance de gagner. Moi, je n’ai pas l’énergie, le goût et l’envie d’être un bachoteur.

Cela veut dire que vous acceptez d’avoir des lacunes dans certains domaines.

Oui… mais vous savez, c’est long de devenir adulte. Bien souvent, je peste quand je perds. Mais là, on est tranquillement assis dans un café, et je vous dis très calmement que c’est normal que je perde. Parfois on fait des conneries, mais c’est rare, et souvent on a des lacunes car, tout simplement, on ne s’en est pas donné les moyens.

Les confrontations avec d’autres champions, comme lors du Quiz des champions ou au club de QPUC où il y en a quelques-uns, c’est quelque chose qui vous excite ?

Bien sûr, évidemment ! Cela m’excite et cela me fait peur aussi. C’est tout l’intérêt et cela forge le caractère. Quand je suis arrivé au club de Montpellier en septembre 2022, je n’avais pas connaissance du pédigrée des personnes qui s’y trouvaient. Au fur et à mesure, j’ai vu que les parties n’étaient pas aussi simples que cela. Sauf erreur de ma part, il n’y a aucune personne dans ce club que je n’ai jamais battu mais il a fallu que cela se fasse petit à petit et c’est toujours compliqué. Mais c’est ça aussi qui rend les choses passionnantes. Quand on ne gagne pas facilement, cela rend les victoires super belles.

Êtes-vous du genre mauvais perdant ?

Oui… Je suis un peu caractériel mais cela ne dure pas. Pendant dix minutes, un quart d’heure, je vais râler et après… j’attends la partie suivante pour me venger (rires). Mais je ne peste pas tout le temps sinon au club de Questions pour un champion il ne me supporterait pas.

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Votre entourage accepte encore de jouer au Trivial Pursuit avec vous ?

Encore une fois je ne suis pas imbattable. On n’a peut-être pas envie de jouer avec certains candidats de jeu télé car, comme je disais, c’est presque leur métier même s’ils s’en défendraient peut-être. Moi, du jour au lendemain, je n’ai pas envie d’aller parler maçonnerie avec un maçon. Donc on peut jouer avec moi et je suis très battable.

Vous avez envie de participer à d’autres jeux télé ?

Oui, bien sûr. Mais cela nous ramène un peu à ce que l’on disait sur la notoriété et les causes. Je voudrais y revenir mais comme un anonyme. Des jeux comme le Quiz des champions ou, même si je n’y ai jamais participé, le Club des invincibles, d’une certaine façon on est attendu, on est sur le même piédestal et, au final, on ne remet pas vraiment son titre en jeu. Il n’y a rien qui me plait plus que l’arène. C’est tout l’intérêt, et j’espère bien le refaire il n’y a pas de raison, de Questions pour un champion. J’ai tenté le casting des Douze coups de midi mais je n’ai pas été pris et je le regrette car j’y serai anonyme. Je repartirai de zéro en étant capable de me faire virer au premier tour. C’est ce genre de challenge qui m’intéresse. Et je vous garantis qu’il n’y a pas marqué Romain Gary, ce n’est pas pour me refaire une deuxième fois la cerise (ndlr : Romain Gary a obtenu le Goncourt en 1956 sous son nom pour Les racines du ciel et en 1976 sous celui d’Émil Ajar pour La vie devant soi). Si cela arrive, je ne vais pas le refuser, mais l’idée c’est de rejouer, tout simplement.

Pour terminer, avez-vous un message à faire passer ?

Le message, c’est que je suis très content de ma nouvelle vie à Montpellier. J’y ai enfin trouvé un équilibre où je peux être moi à 100%. Cela fait du bien.

Qui sera le champion des champions ?

Samedi 20 avril, à l’occasion du Quiz des Champions, dix des plus illustres gagnants de jeux TV, toutes chaînes confondues (Les 12 coups de midi, Tout le monde veut prendre sa place, Slam, Questions pour un champion et Tout le monde a son mot à dire), vont s’affronter au cours d’une bataille épique. Cumulant un total vertigineux de 3,2M€ de gains en étant restés plus de 3 ans à l’antenne, certains vont tenter leur chance pour la première fois, d’autres sont de retour et voudront de prendre leur revanche. Le gagnant de la soirée remportera 20 000€ à reverser à l’association de son choix. Qui succédera à Enzo de Slam, dernier grand vainqueur de cette compétition hors-norme?

Les candidats :
Aude (Plus grande championne de QPUC en nombre de victoires avec 14 victoires), Bruno (Plus grand champion des 12 Coups de Midi et recordman mondial du nombre de participations à un jeu TV avec 251 victoires), Cécile (Gagnante du Trophée des Champions de Slam), Christophe (Plus grand champion de QPUC), Dominique (3e plus grand champion de TLMVPSP), Grégory (Plus grand champion de TLMASMAD avec 83 victoires), Isabelle (3e plus grande championne de TLMVPSP), Jarno (Gagnant du Trophée des Champions de Slam), Sébastien (9e plus grand champion de TLMVPSP avec 113 victoires) et Xavier (Un des plus grands champions des 12 Coups de midi et vainqueur du Quiz des Champions numéro 4).

Le Quiz des champions, samedi 20 avril à 21h10 sur France 2.
18/04/2024 à 12:32 par Cédric Nithard