Fermeture d’un commerce à Montpellier : le Conseil d’État désavoue le tribunal


INFO MÉTROPOLITAIN. Le juge des référés du Conseil d’État vient d’annuler une ordonnance du tribunal administratif de Montpellier, prononcée en référé liberté, qui avait confirmé un arrêt du préfet de l’Hérault décidant de la fermeture administrative du commerce à l’enseigne Saveurs d’Ici et d’Ailleurs, 15 cours Gambetta, à Montpellier.

Les tenanciers de ce commerce -un couple de Montpelliérains- sont mis en examen depuis le 19 juin dernier par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Montpellier, laissés en liberté sous contrôle judiciaire pour leur participation présumée à une importation massive de cartouches de cigarettes d’Ukraine. Du tabac qui était destiné aux ventes à la sauvette à Plan Cabanes et au faubourg de Figuerolles. Le couple de commerçants n’était qu’un petit maillon du trafic. Les commanditaires présumés de cette filière, interpellés lors du coup de filet des policiers de la sûreté départementale de l’Hérault de la mi-juin, sont en détention provisoire.

Arrêté du préfet suspendu

Dans la foulée de l’annulation de l’ordonnance du juge des référés d’ici, le 1er octobre dernier, le juge de la juridiction administrative suprême a suspendu l’arrêté préfectoral, faisant ainsi droit à la requête des avocats du couple qui exploite ce commerce, le Montpelliérain Maxime Martinez et le Parisien, Arnaud Lyon-Caen. Me Martinez a plaidé lors d’une audience en septembre à Paris, la suspension de l’arrêté de fermeture administrative du préfet de l’Hérault devant le juge des référés du tribunal administratif en soulevant l’incompétence de l’auteur de l’acte, en l’occurence le directeur de cabinet du préfet de l’Hérault, alors qu’il revient au directeur interrégionnal des douanes et des droits indirects de prendre un tel arrêté, comme l’obligent les dispositions des articles 1810, 1817 et 1825 du Code général des impôts.

En effet, l’article 1825 du Code général des impôts -CGI- dispose que, « La fermeture de tout établissement dans lequel aura été constatée l’une des infractions mentionnées à l’article 1817 peut être ordonnée, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, par arrêté préfectoral pris sur proposition de l’autorité administrative désignée par décret. Cet arrêté est affiché sur la porte de l’établissement pendant la durée de la fermeture. L’article 406 L du CGI désigne l’autorité compétente qui peut proposer au préfet la fermeture administrative d’un établissement pour, notamment, la détention et la revente de tabac. Le directeur interrégional des douanes et droits indirects est compétent pour proposer la fermeture d’établissement dans le cadre de l’application de l’article 1825 du code général des impôts ».

Erreur de droit du juge des référés

Le juge du référé liberté d’ici a pourtant confirmé la validité de l’arrêté préfectoral, pris le 11 septembre dernier, entraînant la fermeture du commerce du cours Gambetta jusqu’à la mi-décembre. « Or, dans le cas de l’arrêté de fermeture administrative de trois mois visant Saveurs d’Ici et d’Ailleurs, le préfet de l’Hérault n’était saisi d’aucune proposition émanant du directeur interrégional des douanes et droits indirects de Montpellier. La fermeture administrative était prise sur proposition du directeur de cabinet de la préfecture de l’Hérault, contrairement à la loi. C’est ce que j’ai plaidé devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sans succès. J’ai donc interjeté appel devant le Conseil d’État qui s’est réuni en urgence », révèle Me Maxime Martinez.

Avec son confrère Arnaud Lyon-Caen, l’avocat montpelliérain a estimé, outre l’illégalité de l’arrêté du préfet, que « L’erreur manifeste d’appréciation existait bien. Il est entendu qu’une fermeture administrative ne peut revêtir la forme d’une sanction déguisée. Elle a pour but principal de préserver l’ordre public. Or, le trouble à l’ordre public s’était estompé entre l’arrestation du couple d’exploitants intervenue en juin et la décision de fermeture administrative prononcée trois mois plus tard, ce d’autant que dans le même laps de temps, le commerce Aux Saveurs d’ici et d’Ailleurs a cessé toute vente de tabac ».

« Une atteinte grave à la liberté du commerce »

Les avocats ont également plaidé, « Qu’une fermeture administrative de trois mois se traduira par de grandes difficultés financières de la société, la SARL Mer, qui exploite le commerce et de la famille que celle-ci nourri ». Dans son ordonnance de quatre pages rendue le 1er octobre et signifiée aux parties lundi, le juge des référés du Conseil d’État a donné raison aux exploitants de Saveurs d’Ici et d’Ailleurs, en estimant que le juge du référé liberté du tribunal administratif de Montpellier avait rendu une ordonnance avalisant à tort, l’arrêté de fermeture administrative du préfet de l’Hérault, pourtant entaché d’irrégularité et d’illégalité, puisqu’il ne contenait pas la proposition du directeur interrégional des douanes et droits indirects, « ce qui porte une atteinte grave à l’exercice par les requérants de la liberté du commerce et de l’industrie ».

Le juge de la juridiction administrative suprême n’a pas eu à statuer sur les autres moyens soulevés dans la requête des exploitants du commerce du cours Gambetta, à Montpellier pour annuler l’ordonnance de son collègue de Montpellier et pour suspendre l’arrêté du préfet de l’Hérault. Il a alloué 1 000€ aux commerçants pour réparer le préjudice subi par l’État.

Maître Maxime Martinez, avocat à Montpellier.

23/10/2018 à 08:00 par Jean-Marc Aubert