Prix Joseph : « LE » prix littéraire 100 % made in Montpellier


C’est une grande première et c’est officiel : Montpellier a enfin son prix littéraire. Imaginé par une bande de  jeunes présidée par Thibault Loucheux, le Prix Joseph sera, selon ses créateurs, « LE » prix littéraire du Sud de la France. Créé pour  »célébrer la littérature du Sud et ses auteurs », il est aussi l’occasion d’exporter la rentrée littéraire parisienne vers le sud et de mettre les projecteurs sur les maisons d’édition d’ici.
Parrainé pour cette première édition par Nicolas Rey, l’événement se prépare à remettre son premier trophée, le samedi 24 novembre prochain au Café Joseph, place Jean Jaurèsà Montpellier. Retour sur un événement qui s’apprête à faire des livres et des mots son credo avec Thibault Loucheux, écrivain, fondateur et président du jury.
Vous venez de lancer, à Montpellier, le Prix littéraire : le prix Joseph; Pourquoi ce prix ?
Pour plusieurs raisons. La première est qu’il fallait trouver un événement pour réunir le milieu littéraire en Occitanie sans qu’il se transforme en caste. Un café, c’est ouvert, c’est convivial, on peut boire un coup. Ça réuni toutes les générations, c’est beau. Puis le statut d’auteur n’est pas du tout considéré par les politiques malgré le travail énorme de certaines associations pour faire bouger les choses. Si nous pouvons donner un petit coup de pouce à un écrivain, alors banco.
Pourquoi l’avoir appelé ‘’Le Joseph » ? 
Parce que le prix aura lieu au Café Joseph, le CJ, ou encore le Café Jo. Je suis habitué du CJ, pour moi c’était une évidence. L’histoire de la littérature et des cafés est liée, les auteurs des lumières se réunissaient dans les cafés, Verlaine et Rimbaud étaient des habitués des Deux Magots, pour la Beat generation c’était le Vesuvio Café, regardez le nombre de bars qui portent le nom d’Heminguay… Moi, j’écris beaucoup au Café Jo, où il m’arrive de voir des gens griffonner sur sa terrasse, et je veux qu’on se réunisse. Le Café Joseph, c’est branché, c’est un lieu magnifique. Quand j’en ai parlé à Jean-René Privat -NDLR : le patron du CJ-,  il a tout de suite dit oui. Il aime l’art, et en particulier les livres. Nos deux énergies se sont réunies, et nous nous sommes lancés dans le lancement du Prix. Nous avons la même vision, le même objectif, dépoussiérer le livre pour le rendre sexy. Un bouquin c’est beau, ça sent bon, et ça résout les problèmes, alors qu’un téléphone c’est moche, ça pue et c’est le début des ennuis.
Vous dites que la capitale a le monopole de la rentrée littéraire. À quoi est dû cet état de fait ?
Paris attire tout vers elle et la littérature ne fait pas exception. La plupart des maisons d’édition sont là-bas. Plein d’auteurs partent de la province pour la capitale pour être sur place. Même si Montpellier n’a pas l’envergure de Paris, elle grandit vite, très vite… D’ailleurs de nombreux parisiens s’installent à Montpellier. On a l’architecture Haussmannienne, une population jeune, des startups qui s’installent, une politique culturelle ambitieuse, mais aussi le soleil et la mer.
Vous annoncez également vouloir donner de la visibilité aux maisons d’édition du Sud. Pourquoi ? Seraient-elles moins valorisée que celles installées dans la capitale ? 
C’est une évidence. Les grandes maisons parisiennes sont des institutions. Pendant la rentrée littéraire, on entend parler de Flammarion, de Gallimard, de Grasset… C’est pas très ouvert tout ça. Pour avoir lu les livres en compétitions au Prix Joseph, il y a des vraies pépites publiées dans notre région. Certaines maisons d’édition de province ne sortent même pas de livre pour la rentrée, de peur de se faire écraser par les ogres parisiens. Le but du prix Joseph, c’est de leur apporter une visibilité, que les auteurs, les éditeurs et les lecteurs aient envie de jouer le jeu de la rentrée littéraire.
Un prix qui ne récompense que les auteurs publiés par une maison d’édition du Sud de la France, ou originaire de la région. C’est un peu sectaire, non ?
C’est marrant vous prenez le problème à l’envers. Je ne crois pas. Ce qui est sectaire, c’est le système actuel qui profite à Paris. Peut-être que nous faisons de la discrimination positive, mais elle est nécessaire à l’existence de certaines maisons d’édition. Si nous n’avions pas crée le prix, je n’aurai pas lu les livres proposés à la sélection. Ce sont des découvertes, des rencontres même.
Vous dites que les gens lisent moins à Montpellier qu’à Paris. Avez-vous une explication ?
C’est un constat, quand je vais à Paris, il y a au moins trois ou quatre personnes qui bouquinent. Dans le tram à Montpellier, tout le monde est sur son téléphone. À part la Comédie du Livre, je n’ai jamais entendu parler de la moindre manifestation littéraire à Montpellier. Comment voulez-vous lire si vous ne le partagez avec personne ? Il faut que les amoureux des livres et les curieux puissent se retrouver pour parler des auteurs et de leurs œuvres. C’est vital pour l’objet livre. Et puis c’est sain de parler de ses passions. Combien de fois des amis m’ont conseillé un roman, une série, une musique et je suis devenu fan. Le livre, c’est l’imaginaire et le partage. Les objets électroniques, c’est le virtuel et la solitude. Comme tout le monde, je suis accro à mon téléphone, à mon ordinateur, on ne peut pas faire sans aujourd’hui. Mais, ma drogue dure, c’est la lecture et l’écriture, et c’est bien mieux.
Vous êtes le créateur et le président de ce prix, mais vous êtes également écrivain, peut-on espérer retrouver vos ouvrages lors de ce prix ?
Oui, avec les trois autres auteurs du jury, Emilie Laget, Olivier Pince, et Ulysse Terrasson, nous signerons nos livres l’après-midi du 24 novembre. Mathéo Philbert, musicien juré proposera ses CD, aussi. J’en profite pour vous présenter les autres membres du Jury : Christophe Beaumard qui est dans l’édition, ainsi que Joséphine Cueille et Marine Chane-Law, deux étudiantes.
Le jury : Thibault LOUCHEUX (Président – auteur), Christophe BEAUMARD (Éditeur), Marine CHANE-LAW Étudiante en lettres), Joséphine CUEILLE (Étudiante sociologie), Émilie LAGET (Auteur), Mathéo PHILBERT (Musicien), Olivier PINCE (Auteur), Ulysse TERRASSON (Auteur)

Les prix littéraires de notre pays sont généralement gérés et suivis par des personnes d’un certain âge, voire d’un âge certain. Votre jeunesse est-elle un atout pour le prix Joseph ?
Oui c’est un vrai atout pour une raison simple : nous avons des choses à dire et à écrire. Nous voulons sauver le livre, si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Nous avons une vision commune de la littérature. Yann Moix dit : « ce que je préfère, c’est admirer« . Nous aussi, et nous aimons Fitzgerald, Sagan, Beigbeder. Une écriture fluide, belle, agréable, des chapitres courts. D’ailleurs, Nicolas Rey sera le parrain de cette première édition du Prix Joseph. C’est une grande fierté tant c’est une influence pour nous tous.
Nicolas Rey, et son livre paru aux éditions Au Diable Vauvert.
Comment donner envie aux jeunes de lire davantage ?
D’abord, il faudrait aborder totalement différemment les livres au lycée. Sur toute ma scolarité, je pense avoir eu un, maximum deux, bons profs de français. Si on demande à un élève de lire Les Fleurs du mal, ça ne va pas l’enthousiasmer. Il faut savoir qu’un adolescent aime l’extrême, il cherche ses limites. La littérature et les excès sont liés. Baudelaire a eu une vie de débauche, il était dans une relation amoureuse toxique, il buvait, se droguais, dilapidait sont argent. Un élève qui cherche ses limites va les trouver dans ses excès ou ceux des autres. La littérature, ce n’est pas étudier chaque mot pour se retrouver avec une interprétation bancale d’un professeur, mais trouver la réponse à ses problèmes à travers des phrases sublimes. J’ai longtemps espéré voir Fabrice Luchini débarqué dans ma salle de cours. À notre niveau, on espère donner envie de lire aux jeunes en leur disant que la littérature c’est pas  »chiant », au contraire ! Un lecteur n’est pas un misanthrope en pyjama enfermé dans sa chambre ! Dans le jury nous sommes tous jeunes, et on adore parler de bouquin autour d’un verre. Venez le 24 novembre, on va vous le prouver.
Avez-vous eu des retours de la part des institutionnels ? Que pensent-ils de cette initiative née dans l’esprit de jeunes amoureux des mots ?
La mairie a une grande ambition culturelle, et bien sûr nous sommes en contact. J’espère que Philippe Saurel viendra. C’est capital que les politiques s’intéressent et soutiennent ce genre de projet.
Comment voyez-vous l’avenir de ce nouveau prix qui remettra son premier trophée le 24 novembre prochain au Café Joseph ? 
Je le vois comme une grande fête du livre. Les auteurs, éditeurs, passionnés, curieux autours d’un verre pour célébrer la survie de la littérature. Nous sommes des résistants joyeux. Il faut être optimiste, lire, sortir et faire la fête. On entend tellement de problèmes en allumant la télé, venez au prix, on s’amusera autours du lauréat 2018.
À quand une cérémonie digne de la capitale ? 
J’espère dès cette année. C’est énormément de travail, mais ça paye. Quand je parle du Prix Joseph, les gens sont enthousiastes et curieux. En quelques semaines, le prix a su créer l’intérêt des politiques, des journalistes et du milieu du livre. Ça fait plaisir de voir que beaucoup de monde y porte une attention particulière. J’espère que vous viendrez nombreux pour faire la fête avec nous. Je vous attend pour parler de bouquins !

>> Prix Joseph : les livres en compétition

  • Un tournant de la vie (Flammarion) de Christine Angot
  • Oublier mon père (Éditions Denoël) de Manu Causse
  • Le corps est une chimère (Au diable vauvert) de Wendy Delorme
  • La mère en face (Éditions du Rocher) de Vladimir de Gmeline
  • Ma dévotion (Éditions du Rouergue) de Julia Kerninon
  • L’art de se prendre les murs (Pygmalion) de Guilhem Méric
  • Louisiana (Les Presses Littéraires) de Gérard Muller
  • Vodka Mafia (Les éditions Black-out) de Richard Palachak
  • La Mélancolie du Pivert (5 Sens Editions) de Pauline Perrier
  • Les Bracassées (Éditions du Rouergue) de Marie-Sabine Roger
23/10/2018 à 09:00 par Nadira Belkacem