Interview de la semaine. Emmanuel Barras : « Des chiffres et des êtres »


A la Une cette semaine : Emmanuel Barras (CAL)
A la Une cette semaine : Emmanuel Barras (CAL) (©Mario Sinistaj)

Qu’on se le dise, le nouveau Directeur général adjoint « Corporate et risques » du Crédit Agricole du Languedoc est un homme singulier. Et si son parcours est relativement académique, son ouverture d’esprit et sa curiosité pour tout ce qui touche au monde qui nous entoure et à ceux qui l’habitent en font un homme aux centres d’intérêts multiples que la seule qualité de banquier ne suffirait pas à définir… Mais alors, quel est son moteur ? La réponse se trouve dans le titre de l’article et dans les pages à suivre.

Interview

Emmanuel Barras, qui êtes-vous ?
 J’ai 55 ans, je suis depuis le 27 mars dernier, Directeur général adjoint (DGA) « Corporate et Risques » au Crédit Agricole du Languedoc. J’occupais cette même fonction depuis 2019 au Crédit Agricole Nord de France et, précédemment, à la Caisse Sud Rhône Alpes, pendant 11 ans. J’ai donc de la « bouteille », comme on dit, même si ma formation de base ne me prédestinait pas forcément à ce métier.

Quelle est-elle ?
 Je suis ingénieur agronome de formation, diplômé de Paris-Grignon (AgroParisTech). J’ai démarré ma carrière à l’Inspection Générale du Groupe des Banques Populaires en 1990. Ce n’est qu’en 1994 que j’ai intégré le Groupe Crédit Agricole. Puis, j’ai évolué ensuite à des postes variés au sein du Groupe, dans les Caisses Régionales du Gard, de Charente Périgord jusqu’en 2007, date de ma première nomination comme DGA.

Vous avez répondu à « l’appel » de la banque.
 D’une certaine façon, on peut dire ça, effectivement. J’ai choisi de faire carrière dans la banque car je souhaitais donner à mes actions une dimension opérationnelle. Me sentir utile aux autres, être au carrefour des idées, valoriser les talents, c’est ce qui m’anime. Pour reprendre votre formule, et ainsi la replacer dans le contexte récent de ma nomination dans le Languedoc, je dirai que j’ai répondu à un double appel. L’appel de notre magnifique région, pour commencer, celui que m’a inspiré mon passage au Crédit Agricole du Gard où j’ai pu pendant près de 5 ans (au début des années 2000) apprécier les richesses de ce territoire, mais aussi sa culture, son patrimoine, ses traditions et son soleil. Mais aussi l’appel de Christian Rouchon, notre Directeur Général, avec lequel j’avais eu le plaisir de travailler au Crédit Agricole Sud Rhône Alpes.

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DGA « Corporate et Risques », ça veut dire quoi exactement ?
 Au-delà des fonctions « support » comme la gestion financière et la gestion des différents risques auxquels est confrontée une banque, ce périmètre recouvre les unités commerciales en charge du développement des relations avec les grandes clientèles, notamment sur le marché des entreprises.

Sacré challenge.
 C’est pour cela que j’ai sous ma responsabilité une équipe de quatre Directeurs, dont trois me font le plaisir de leur présence ce midi : Christophe Pouzol pour le Développement de l’Immobilier, Laurent Brieu pour la Banque de Financement et d’Investissement, Alexandre Bégu pour les Entreprises et la Banque Privée. Ce quatuor est complété par Jean-Noël Sappey pour les Finances, Crédits et Recouvrement.

En tant que DGA, on imagine que vous disposez d’une feuille de route ?
C’est évident. Elle s’articule autour de 3 axes : accompagner le développement de l’entrepreneuriat régional ; assurer la maîtrise des risques ; et enfin investir pour l’avenir et développer l’immobilier. En tant que banque mutualiste, nous nous sommes donné une mission vis à vis de l’entreprenariat régional : mettre à disposition des entreprises, en tout lieu du territoire, l’exhaustivité des expertises nécessaires à leur développement et par voie de conséquence à celui du Languedoc.

Concrètement comment faites-vous ?
Nous avons mis en place une organisation commerciale et animée par des équipes expertes et investies pour accompagner toutes les entreprises du territoire et leurs dirigeants sur tout type d’opérations. Notre ligne de conduite : proximité, agilité, réactivité ! L’éventail de nos solutions va du financement classique au capital investissement avec une compétence particulière pour des opérations à forte technicité sur les marchés Entreprises, mais également Immobilier, Agricole, Énergies Renouvelables et Banque Privée.

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La Caisse régionale ambitionne d’augmenter ses investissements en fonds propres de l’ordre de 400 millions d’euros ©Mario Sinistaj

A cet égard, votre Banque annonçait récemment l’augmentation de ses investissements en fonds propres.
La Caisse régionale ambitionne effectivement d’augmenter ses investissements en fonds propres de l’ordre de 400 millions d’euros à échéance de son plan moyen terme « Impulsion 2024 », dont 200 millions d’euros sur l’immobilier et 200 millions d’euros sur les autres secteurs Corporate. Merci de l’avoir souligné !

Autre sujet : « assurer la maîtrise des risques ». C’est un peu moins glamour, ça, pour le coup… C’est pourtant essentiel. Notre vocation a toujours été d’accompagner le développement de l’économie dans la durée. Nous l’avons fait en bâtissant une banque solide et pérenne, une banque qui s’inscrit dans le long terme et se construit elle-même avec mesure et précaution. J’aime dire que les chiffres sont notre juge de paix. Ils permettent de mesurer l’efficacité. Mais attention, ils ne font pas tout ! Pour se développer, il faut aussi accepter de prendre des risques, d’investir sans être toujours certain d’obtenir quelque chose en retour. On pourrait dire que c’est un point commun avec les nombreuses startups que nous accompagnons : se remettre en question en permanence. Rien de tel, d’ailleurs, que de travailler à leur contact pour s’apercevoir que c’est une gymnastique très saine.

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« Notre palette de solutions est très large « ©Mario Sinistaj

« Les Hommes et les idées sont plus importants que les chiffres »

Vous évoquiez comme troisième pilier de votre feuille de route, l’investissement immobilier. Je répondrai ici sous l’écoute attentive de Christophe Pouzol, Directeur du développement de l’immobilier ! Sur ce segment aussi, notre palette de solutions est très large : pour les professionnels de l’immobilier au-delà du financement classique nous pouvons participer au capital de leurs opérations ; nous investissons dans des locaux avec notre foncière et nous proposons des investissements immobiliers neufs pour nos clients. Nous soutenons ainsi la principale « industrie » du territoire avec une attention particulière portée aux préoccupations environnementales de nos clients. Par ailleurs, nous investissons également pour la caisse régionale avec notre projet de déplacement de notre siège vers le nouveau quartier de Cambacérès .

–       Christophe Pouzol intervient :

Christophe Pouzol : ce projet de rejoindre le quartier Cambacéres porté par la Métropole est une illustration de cette volonté de nous inscrire dans l’avenir. Il nous permettra de nous positionner au centre de la vie économique de la région. Ce sera par ailleurs un choix architectural fort qui nous rendra visible et nous permettra aussi de contribuer au rayonnement (inter)national de la ville. Le compromis de vente devrait être signé dans quelques jours. Dans la foulée, nous lancerons le concours d’architectes pour nous inscrire dans la dynamique des Folies montpelliéraines. En tout état de cause, l’emménagement est prévu pour 2028, ce qui nous laissera le temps de réfléchir au devenir de notre siège actuel de Maurin.

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. »Nous lancerons un concours d’architectes pour nous inscrire dans la dynamique des Folies montpelliéraines » ©Mario Sinistaj

A quoi ressemblera votre futur siège ?

Christophe Pouzol : Visuellement, on n’en sait encore rien. Mais dans les grands principes, nous allons consacrer une enveloppe de 135 millions d’euros pour ériger un ensemble de 25 000m2, dont 12 000m2 dédiés à l’accueil de nos collaborateurs et 13 000 autres mètres carrés réservés à l’accueil d’entreprises sélectionnées pour leur capacité à façonner un écosystème vertueux, où l’innovation tient toute sa place. Le Village by CA , en proximité de la halle de l’innovation, sera l’un des piliers de cet écosystème.

Laurent Brieu, sans transition : sur le segment du financement et de l’investissement, vous venez de fêter les 40 ans de SOFILARO. Quelle est l’activité de cette structure ?

Laurent Brieu : SOFILARO est notre filiale historique de capital investissement.  40 ans, c’est un bel âge qui nous permet de bénéficier d’une courbe d’expérience dans nos activités d’investissement en fonds propres. Au fil du temps, nous avons ainsi accompagné des entreprises devenues très importantes pour le territoire. En clair, en renforçant le haut de bilan de nos partenaires, nous démultiplions l’accès au crédit et sécurisons les projets de développement ou de transmission.

SOFILARO a été créée en 1983 et a, depuis, donné naissance à des « petites sœurs ».

Laurent Brieu : Je pense en premier lieu à CALEN, lancée en 2010, qui accompagne en capital des projets de centrales photovoltaïques, éoliennes, hydroélectriques, méthanisation ou toutes formes d’énergies vertes. Comme vous le constatez, nous n’avons pas attendu la pression des contraintes réglementaires pour nous engager sur le plan environnemental. Depuis l’année dernière, nous avons déployé « SOFILARO DETTE PRIVEE », un fonds obligataire qui permet d’optimiser nos montages financiers, et SOFILARO INNOVATION qui a pour vocation d’accompagner la très forte dynamique des startups en Languedoc. Au global, ces structures disposent de 230 millions d’euros d’actifs sous gestion avec une stratégie de « capital patient », pour le maintien et le développement des entreprises sur notre territoire.

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« L’accompagnement de l’innovation ne se résume pas à des sujets de capital risque ». ©Mario Sinistaj

A propos de SOFILARO INNOVATION, avez-vous prévu d’adresser le segment de l’amorçage des startups qui est relativement mal couvert ?

Laurent Brieu :   Nous avons bien prévu deux thèses d’investissement sur SOFILARO INNOVATION, l’une permettant d’accompagner la phase d’amorçage, et l’autre plus classiquement destinée à l’accompagnement dit « de croissance » des start-ups. Ce sont sensiblement les mêmes montants qui seront investis sur chacun des deux usages.  Mais l’accompagnement de l’innovation ne se résume bien évidemment pas à des sujets de capital risque.

Montpellier est en effet une ville connue pour son fort dynamisme en matière d’Innovation : comment le Crédit Agricole du Languedoc s’est-il organisé pour répondre à la demande ?

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« L’accompagnement de l’innovation sur nos territoires est un enjeu fort » ©Mario Sinistaj

Alexandre Bégu (marché des entreprises et banque de l’innovation) : L’accompagnement de l’innovation sur nos territoires est effectivement un enjeu fort, et nous avons construit une organisation dédiée et adaptée aux spécificités de ce domaine, autour de 2 dispositifs complémentaires :

> Le Village by CA Languedoc : 19 Start Up y sont hébergées et bénéficient d’un accompagnement personnalisé et collectif ainsi que de mises en relations qualifiées (via le réseau international des 44 Villages by CA qui comptent plus de 600 entreprises partenaires, et via notre réseau de Clients Crédit Agricole).

> Une Banque de l’Innovation a également été créée en 2022 avec deux chargées d’affaires spécifiquement formés à l’accompagnement bancaire des entreprises Innovantes avec des financements dédiés.

« Nous créons une chaîne de valeur au service d’un territoire à haut potentiel »

Vous mettiez récemment en avant votre Banque d’Affaires, ce métier n’est-il pas l’apanage des grandes maisons parisiennes ?

Emmanuel Barras : Nous pensons justement l’inverse et c’est bien la raison d’être de notre Banque de Financement & d’Investissement : apporter ces expertises sur notre territoire, au plus près de nos clients et leurs dirigeants.

Laurent Brieu : Nous travaillons, depuis plus de 5 ans désormais, à la structuration de financements sur notre territoire afin de répondre à des besoins et des problématiques de plus en plus complexes. Nous sommes actifs sur des financements de réorganisation capitalistique, de liquidité, de financements d’acquisitions, de projets d’énergies renouvelables et immobiliers. Le but étant de fournir à nos clients un accompagnement sur mesure. Une fois structurés, ces financements sont syndiqués auprès d’autres banques. Nous proposons ainsi un véritable effet de levier en fédérant des ressources au service de l’économie régionale. A titre illustratif, nous avons arrangé en 2022 plus d’un milliard d’euros de financements sur une vingtaine d’opérations menées par la Banque d’Affaires.

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« Nos clients recherchent des tiers de confiance, de proximité » ©Mario Sinistaj)

Emmanuel Barras : Nous venons de démarrer une activité complémentaire d’intermédiation en transmission d’entreprises, et sur ce thème aussi nous constatons une forte dynamique locale. La crise COVID a accéléré le rythme des transmissions et nos clients recherchent des tiers de confiance, de proximité pour mener ces opérations. Notre idée conductrice est d’être au plus près de tous nos clients. C’est la raison pour laquelle nous avons le choix de déployer ces expertises dès 2023 auprès d’entreprises de plus petites tailles, sur les marchés des professionnels et de l’agriculture.

Le monde des entreprises subit de fortes turbulences liées à la succession des crises que nous connaissons depuis 2020. Comment continuer à accompagner les entreprises dans ce contexte ?

Emmanuel Barras : Notre rôle de Banquier mutualiste est d’accompagner l’économie de notre territoire et nos clients dans les bons comme dans les mauvais moments. Nous avons su, en 2020, prouver que nous étions à la hauteur de cet enjeu : le Crédit Agricole du Languedoc a financé plus d’1 milliard d’€ de PGE, plus que notre part de marché naturelle.  Nous avons également accompagné les Entreprises dans leur relance, avec, en 2021 et en 2022, plus d’1 milliard d’euros de financements réalisés sur l’année, soit les plus hauts niveaux que nous ayons connus sur le marché des Entreprises à la Caisse Régionale.  L’année 2023 est marquée par un contexte de poursuite des hausses de taux et de l’inflation, initiée en 2022, auxquelles les Entreprises de notre territoire doivent faire face. Nous continuerons à les accompagner dans ce contexte, que ce soit en matière d’investissements ou en matière de gestion/rémunération de leur trésorerie. Comme je le dis souvent, pour exercer notre métier, il faut aimer la vie, les gens et les territoires. Et c’est notre dénominateur commun à tous ici présents.

Le 07/06/2023 à 11:28, par Xavier Paccagnella.