2ème WAT Festival : « Le voyage est toujours un prétexte pour faire des rencontres »

15/07/2018 à 12:01

Manuel Herrero a parcouru le globe à la découverte des cultures à travers la thématique du sport pour l’émission les Nouveaux Explorateurs de Canal+. Un prétexte propice à la rencontre pour parler des hommes et des liens complexes qui unissent les peuples de la planète. Attaché à la ville de Montpellier, il y a vécu une dizaine d’années et où ses deux enfants sont nés, Manuel Herrero a accepté avec plaisir de présider le jury de la deuxième édition du What A Trip ! Festival qui se déroulera du 28 au 30 septembre. Rencontre avec un passionné au regard rare avec qui le public aura la chance et le plaisir d’échanger.

Qu’est-ce que tu gardes de tes voyages effectués dans le cadre des Nouveaux Explorateurs avec ta série À quoi tu joues ? ?

On garde beaucoup de choses et, au final, on retient toujours l’essentiel. Pour moi, c’est d’avoir eu la chance et le privilège de rencontrer des gens que je n’aurais pas forcément rencontré sans ce métier et ces voyages. Cela rend assez modeste aussi de voyager. J’adore voyager parce que j’adore rentrer chez moi. Plus on voyage, plus on prend conscience aussi de qui on est en tant que personne, dans quel milieu on a eu la chance de grandir… Ce que je retiens c’est, évidemment, d’abord les rencontres et aussi un regard d’enfant que je n’ai jamais perdu sur la beauté du monde et la diversité des endroits dans lequel on a la chance de pouvoir aller aujourd’hui.

Surtout que tu n’hésitais pas à mouiller le maillot dans tes documentaires.

J’ai la chance de pouvoir voyager, qui est une passion sincère de découvrir le monde, d’aller voir l’ailleurs. Cela vient de ma famille. Mes parents étaient de grands voyageurs, un peu hippie. J’ai essayé de doubler ça avec une autre passion qui est le sport parce que c’est un langage universel. C’est un peu un poncif, mais le sport c’est un puits sans fond d’histoires humaines. Il n’y a pas un bled au monde où on ne joue pas à quelque chose. Où qu’on soit quand on arrive avec un frisbee ou un ballon, on a tendance à rencontrer les gens plus facilement. C’est un assez bon révélateur aussi de la culture et des enjeux sociaux, politiques et humains qu’il y a dans les différents pays.

Ces voyages, tu les faisais dans un cadre professionnel…

La moindre des choses c’est de le faire sincèrement car c’est quand même une chance. Je n’ai jamais eu l’impression d’aller bosser. Il ne faut pas oublier qu’il y en a qui poussent des charriots au fond des mines. Après, les boulots privilégiés tu n’es pas tout seul à vouloir les faire. Il faut rester modeste et ne pas oublier qu’il y a des contraintes économiques, humaines… Mais c’est quand même un privilège que je prend comme tel.

Comment voyages-tu maintenant en famille ?

Les passions partagées étant toujours mieux comprises, j’adore voyager avec mes enfants. Ils m’ont souvent vu partir pour l’émission quand ils étaient plus jeunes. J’ai toujours essayé de revenir avec eux dans des endroits que j’avais aimé et que je leur avais montré via mes films. Les vacances en famille, c’est souvent essayé de mettre les voiles le plus loin possible pour profiter avec eux dans des endroits lointains.

Tu as gardé des contacts de tes voyages ?

On ne fait que de la télé, il faut être modeste. On rencontre beaucoup de gens. Ce serait mentir de dire que je garde contact avec tout le monde. Mais c’est quand même aujourd’hui, un des grands avantages des réseaux sociaux, que de pouvoir garder un petit lien avec les gens que tu as croisé. Et dans le lot de toutes les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer, il y en quelques-unes avec qui je suis toujours en contact parce qu’on s’est permis de vivre des trucs assez forts dans des endroits incroyables. Mais plus que des endroits ou des sports, c’était des situations. Quand je fais du handisport au Rwanda avec des personnes mutilées pendant la guerre cela me touche beaucoup ou à Gaza avec des gamins qui font du surf, cela raconte, bien au-delà des terrains et du sport, quelque chose d’assez essentiel.

Quel regard vas-tu poser sur les films durant le festival ?

J’ai toujours un regard candide et extrêmement respectueux car c’est toujours dur de faire un film. Dans un festival, ce ne sont pas forcément des films méga produits, qui ne sont pas déjà passés quinze fois à la télévision, qui n’ont pas bénéficié de gros moyens… Je trouve que c’est assez rafraichissant de voir des gens être allés au bout de leurs rêves, de leurs passions, qui ont mouillé le maillot justement pour rapporter une oeuvre, modeste ou pas, mais qui vont pouvoir la partager avec le plus grand nombre. Je vais privilégié la sincérité du propos. Là où il faut faire attention quand on est dans ce genre de festival, c’est que ce sont des films de voyage. On ne juge pas un voyage mais un film de voyage. Et un film c’est aussi une narration, c’est une façon de raconter, de se mettre en scène. J’essaierai d’apporter ma modeste expérience de ce qu’est un récit.

Quelque part c’est savoir si le public est entraîné dans le voyage ?

Tout à fait. Il faut que le public soit entraîné, c’est une alchimie complexe. Cela vient à la fois de la qualité du sujet, de la sincérité du réalisateur et des gens qui ont participé au projet, et un peu aussi les décors. Un festival de films de voyage c’est fait pour voyager dans sa tête, pour découvrir des beaux endroits. Quand on voit le teaser on voit bien qu’il y a des choses de qualité dans des endroits incroyables. J’aurai donc un regard d’enfant, doublé d’un regard professionnel.

Après l’arrêt des Nouveaux Explorateurs en 2015, tu as réalisé le documentaire Coach et tu t’es récemment rapproché de CAPA. Quelle est ton actualité ?

J’ai monté une filiale en m’associant au groupe CAPA, qui est une grosse agence de presse historique. Je leur apporte une petite expertise sur le sport. On a des ambitions autour de ce sujet qui permet de raconter plein de choses. On suit une équipe de rugby féminin pour France Télé (ndlr : Putain de nanas, un webdoc en dix épisodes sur l’équipe féminine de Lille Métropole Rugby Club Villeneuvois), on travaille beaucoup avec le CIO qui a implanté sa chaîne, Olympic Channel, diffusée à l’étranger via Eurosport, Discovery ou NBC. Actuellement je fais le portrait de grands champions olympiques inspirants à la fois pour le sportif mais aussi pour ce qu’ils ont pu devenir grâce au sport. On est allés dans les Alpes avec Edgar Grospiron, en Guadeloupe avec l’équipe de France de handball et on part bientôt au Maroc avec Hicham El Guerrouj. Au final, le voyage est toujours un prétexte pour faire des rencontres.

Est-ce que tu suis la coupe du Monde de football ?

Par principe, je suis les grands événements sportifs. J’avoue que j’ai une relation un peu complexe avec le foot. J’ai eu du mal à me passionner pour un Russie-Arabie Saoudite qui lance la grande fête mondiale du sport avec des chefs d’état corrompus, sanguinaires et sans moral fanfaronner sur ces valeurs du sport que j’aime tant. Je fais toujours un peu attention avec le foot. Mais on ne peut pas enlever l’incroyable pouvoir de ce sport sur les gens. Les scènes de liesse, certainement un peu irrationnelles, que cela crée et l’engouement que cela permet de générer, en ça cela reste quand même un événement incroyable que j’ai plaisir à suivre évidemment.

Il faudrait peut-être juste rappeler que c’est un jeu ?

Cela reste des mecs qui jouent au foot. Aussi bête que c’est. Après, on reste suffisamment complexe. Pourquoi on se passionne à ce point pour ce jeu si simple ? C’est aussi peut-être dans sa simplicité que réside sa beauté. Sans oublier son côté extrêmement universel. J’ai eu l’occasion de voyager dans des pays très reculés et Zidane est quand même beaucoup plus connu que le pape. C’est aussi un sport qui est assez mystérieux pour ça et que finalement on finit par aimer. Il y a toujours une dramaturgie, des petites équipes, de jolies histoires… Et même s’il y a beaucoup d’argent, avec un côté mercantile qui peut paraître un peu dégueulasse, je suis sûr que les émotions que vivent ces gars là, que l’on soit dans son quartier à faire un 3 contre 3 ou à la coupe du Monde, au final cela reste de mettre un ballon au fond des filets et de célébrer ça le soir avec ses potes.


Cédric Nithard