Hérault / Éoliennes d’Aumelas : EDF condamnée pour destruction d’oiseaux

02/12/2022 à 06:04

EDF et le parc d'éoliennes du causse d'Aumelas condamnées par la Cour de Cassation pour destruction d'espèces protégées
EDF et le parc d’éoliennes du causse d’Aumelas condamnées par la Cour de Cassation pour destruction d’espèces protégées (©Simon Popy/FNE-LR)

Ce 30 novembre 2022, l’association environnementaliste France Nature Environnement Languedoc-Roussillon (FNE-LR) a remporté une belle victoire contre EDF au nom de la protection de la biodiversité. La Cour de cassation vient de valider la décision de la Cour d’appel de Versailles laquelle, le 7 mars 2021, avait condamné EDF à verser 500 € à la FNE-LR.

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Condamnation alourdie pour EDF

La Cour de cassation a même alourdi le dédommagement qui passe de 500 à 3000€ mais surtout, les deux tribunaux reconnaissent les dégâts sur la biodiversité provoqués depuis 10 ans par le gigantesque parc éolien situé en cœur d’Hérault sur les collines du causse d’Aumelas, Poussan, Montbazin et Villeveyrac où EDF et sept filiales exploitent 31 éoliennes.

« Une soixantaine de spécimens de faucons crécerellettes ont déjà été retrouvés morts au pied des éoliennes de ce parc »

Simon Popyprésident FNE-LR

Principales victimes de ces éoliennes qui ont curieusement été autorisées sur une zone classée Natura 2000 : les faucons crécerellettes, une espèce protégée : « Les collines d’Aumelas abritent la principale colonie française de faucons crécerellettes », rappelle Simon Popy, président de la FNR-LR : « C’est d’ailleurs à cause de cette particularité que le site est classé Natura 2000 ».

Le bilan serait bien plus lourd…

Malheureusement, depuis une décennie maintenant, les associations confirment que les « destructions » massives sur la faune s’accumulent. « Parmi les 30 espèces protégées et impactées sur ce site, une soixantaine de spécimens de faucons crécerellettes ont déjà été retrouvés morts au pied des éoliennes de ce parc », rappelle la FNE qui affirme que ces 60 spécimens ne constitueraient que la part visible de la mortalité « estimée au triple ».

Le faucon crécerellette, rapace protégé, mis à mal par les éoliennes du causse d'Aumelas
Le faucon crécerellette, rapace protégé, mis à mal par les éoliennes du causse d’Aumelas (©Patrick Peralta/LPO)

Le rapport accablant de la DREAL

Face au carnage, la FNE insiste sur sa principale demande : faire cesser l’exploitation du parc. Au moins pendant la période de présence des Faucons qui reviennent au printemps chasser dans les collines et se reproduire. Cette perspective n’a rien d’hallucinant : dans un « rapport en manquement » produit en janvier 2020, les services de l’Etat eux-mêmes, la DREAL, constatent l’hécatombe et concluent à la nécessité de suspendre l’exploitation des éoliennes pendant la période de présence des rapaces.

« L’indulgence persistante de l’État à l’égard de ce parc éolien exceptionnel tant par son environnement que par ses impacts est surprenante »

Simon Popy

« Mais ce rapport n’a pas été suivi d’effet », déplore la FNE-LR qui salue toutefois une décision de justice historique : « Après 10 ans de combat juridique, la Cour de cassation confirme que les destructions d’espèces protégées sont illégales… A travers cette importante jurisprudence, c’est toute la doctrine construite par la filière éolienne et le ministère de l’environnement concernant les destructions d’espèces protégées par les éoliennes qui est remise en cause ».

EDF au-dessus des lois ? 

La FNE-LR va plus loin dans son analyse de la situation, pointant ce qui s’apparente à une véritable connivence Etat-EDF qui permet à l’énergéticien de s’affranchir de la loi. « La Cour de Cassation, en confirmant la condamnation d’EDF, remet également en question la doctrine du ministère de l’environnement, élaborée main dans la main avec l’industrie éolienne, et qui consiste à contourner les lois de protection de la biodiversité au prétexte dévoyé de la transition énergétique alors que l’on ne doit pas opposer les deux ».

Une réaction attendue du préfet de l’Hérault 

L’association pointe également le rôle du préfet de l’Hérault : « L’indulgence persistante de l’État à l’égard de ce parc éolien exceptionnel tant par son environnement que par ses impacts est surprenante ». Dans ce contexte, la décision de la Cour de cassation amènera-t-elle le préfet de l’Hérault à prendre en compte le rapport de la DREAL ?

Aumelas : la FNE-LER dénonce « une exploitation illégale » 

La FNE-LR pointe une possibilité étonnante prévue par la loi concernant l’exploitation des éoliennes : « Sous certaines conditions strictes, la loi autorise le préfet à délivrer aux sociétés des dérogations permettant de détruire des espèces protégées », explique Simon Popy. Autrement dit, EDF et ses filiales auraient déjà dû demander cette dérogation : « Mais depuis 2010 et les premières découvertes de mortalités d’oiseaux protégés, les sociétés filiales d’EDF se refusent avec constance à présenter une telle demande », constate la FNE qui dénonce une « exploitation illégale » des éoliennes d’Aumelas. « Cette situation perdure donc depuis des années avec la complicité de la préfecture de l’Hérault et du ministère de l’environnement qui, malgré le constat de mortalités d’oiseaux importantes, répétées et prévisibles, refusent toujours de faire respecter le droit des espèces protégées ».

Extrait de la décision de la Cour de cassation
Plus d’infos : www.courdecassation.fr/decision/63870194bf732905d49c4ff7

30 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.404

PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n’y avoir lieu à question préjudicielle ;
REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Parc éolien [Localité 4], Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Parc éolien de la Conque, Plein vent [Localité 2], Parc éolien [Localité 6], Parc éolien [Localité 9], Parc éolien [Localité 5], Parc éolien [Localité 8], Parc éolien [Localité 7] et EDF renouvelables France et les condamne à payer à l’association France Nature Environnement la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

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Gil Martin