Hérault : pourquoi des vandales continuent t-ils de gaspiller l’eau des bouches incendie ?

12/08/2022 à 09:41

Des gens du voiyage occupent souvent le terrain de sports du lycée Pierre Mendes France
Des gens du voyage occupent souvent le terrain de sports du lycée Pierre Mendes France (©JMA / Métropolitain)

A l’heure où la sécheresse impose des restrictions drastiques pour économiser ce précieux liquide, des vandales détournent des millions de m3 d’eau potable des bouches d’incendie, comme c’est le cas depuis ces derniers jours au lycée Pierre Mendes France, à Montpellier. Aucune poursuite n’est engagée, alors qu’il s’agit d’un délit.

Alimenter les camions des pompiers

Le poteau d’incendie ou la bouche d’incendie est une prise d’eau en forme de petite colonne de fonte rouge, branchée sur une canalisation d’eau potable. Il s’agit de prises d’eau au sein d’un réseau aérien ou souterrain d’eau sous pression, permettant d’alimenter les fourgons pompe tonne des sapeurs-pompiers. Ces bouches d’incendie sont disposées partout où sont implantés des équipements publics et privés de collectivités, des établissements scolaires, des zones commerciales, des quartiers résidentiels, des lotissements, des immeubles, etc.

Poteaux forcés

Comme chaque année et encore plus en cet été caniculaire, les sapeurs-pompiers de l’Hérault constatent que des bouches à incendies sont forcées dans le but de se rafraîchir ou de s’amuser avec de l’eau potable. On appelle ce phénomène récurrent le « street pooling ». « Or, ce geste comporte de nombreux risques. Tout d’abord celui de provoquer une pénurie d’eau pour les pompiers et les habitants. Pour les riverains, il existe un risque d’électrocution, avec les lignes aériennes et les infrastructures enterrées, mais aussi d’aquaplanning, de chute de matériaux et d’accidents de la circulation. Par ailleurs, les pompiers sont directement impactés, le premier risque est de manquer d’eau en cas d’incendie, et que le débit et la pression chutent. Plus grave, tous les appels que l’on reçoit au 18 et au 112 à cause de l’ouverture des bouches à incendie engendrent un embouteillage au niveau des appels plus urgents », déplore l’état-major du Sdis 34. Qui prévient que ces actes constituent un délit qui est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 euros, si le ou les auteurs sont pris en flagrant délit ou identifiés par une enquête.

Gens du voyage

Plus grave et les faits ne sont pas nouveaux, des poteaux d’incendie sont vandalisés, notamment sur des sites où s’installent illégalement des convois de gens du voyage, comme c’est actuellement le cas sur le terrain de sports du lycée professionnel Pierre Mendes France à la Mogère, en limite de Montpellier et de Lattes. Un tuyau serpente sur plusieurs dizaines de mètres entre un poteau d’incendie et les caravanes. « Ce n’est pas la première fois que les gens du voyage squattent cet espace de la Région Occitanie, la dernière fois, ils ont occupé les lieux pendant près de deux mois. Et comme lors de chaque occupation, ils installent un branchement sauvage depuis une bouche d’incendie pour ravitailler les caravanes en eau », peste un Lattois qui passe tous les jours devant pour rejoindre son travail. Et de s’interroger : « Comment se fait-il qu’on ne leur interdit pas ces pratiques, constatées pourtant par les services de police, la nationale et la municipale ? Ils détournent chaque été des tonnes d’eau potable. Que se passera t-il en cas de violent incendie sur zone ? ».

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Une bouche d'incendie utilisée lors d'une intervention des pompiers de l'Hérault
Une bouche d’incendie utilisée lors d’une intervention des pompiers de l’Hérault (©Sdis 34)

Des broussailles hautes et des arbustes calcinés ces dernières semaines par un incendie sur environ 200 mètres linéaires sont visibles le long du terrain de sport du lycée Pierre Mendes France, les flammes ont même provoqué de grands trous dans les grillages. C’était quelques jours avant l’arrivée de ce convoi de gens du voyage. Si un incendie se déclenche dans un bâtiment du lycée professionnel, le poteau vandalisé sera inutilisable…

Vannes pas refermées 

Le « street pooling » inquiète de plus en plus les élus et les sapeurs-pompiers : c’est le nom anglais de l’ouverture sauvage en cas de fortes chaleur des bouches d’incendie. Cette pratique illégale qui constitue un acte de vandalisme consiste à ouvrir une bouche d’incendie sur la voie publique pour créer un geyser d’eau rafraîchissante ou par des gens du voyage. Conséquence : la réserve d’eau destinée aux pompiers en cas d’incendie s’échappe, sans que, généralement les auteurs de ces actes ne viennent refermer la vanne. Pompiers et policiers sont informés par des riverains ou des automobilistes, signalant une importante inondation. Le Sdis 34 informe que, « contrairement à ce que l’on peut penser, ce ne sont pas les pompiers, ni la police nationale qu’il faut prévenir en cas de vandalisme sur des bouches à incendie, mais bien les mairies ».

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Les conseils des sapeurs-pompiers de l'Hérault
Les conseils des sapeurs-pompiers de l’Hérault (©Sdis 34)

60 000 litres d’eau par heure

Les chiffres sont édifiants à l’heure où la préfecture de l’Hérault déclenche le plan sécheresse et demande à la population d’économiser l’eau : une bouche ouverte déverse 60 000 litres d’eau par heure, soit l’équivalent de 60 piscines olympiques, selon Veolia. Le coût pour les collectivités est très élevé, puisque 1 m3 d’eau revient en moyenne à 3 euros, financés par les impôts locaux. Veolia a lancé une campagne d’information avec une chanson du rappeur Youssoupha: «La bouche, c’est la vie». Des entreprises proposent également de poser des cônes de sécurité sur les bouches à incendie. A leur tour, les sapeurs-pompiers du Sdis 34 sensibilisent les vandales par un message fort avec deux illustrations évocatrices : « Ceci est une douche » et « Ceci n’est pas une douche ». Cela suffira t-il à réveiller les élus pour lancer des procédures ? Et de « doucher » les vandales ? L’eau potable coule toujours à flots à la Mogère, le montant du gaspillage donne le vertige…

Jean-Marc Aubert