Hérault / Sébastien Rome (LFI-NUPES) : « Nous ne craignons nullement de retourner devant le peuple »


Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l'Hérault.
Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l’Hérault. (©CN / Métropolitain)

Après une longue séquence au parlement, Sébastien Rome, député (LFI-NUPES) de la 4e circonscription de l’Hérault, était de passage dans le département la semaine dernière. L’occasion d’évoquer avec lui différents sujets de ces dernières semaines en se penchant sur les dossiers à venir comme notamment la défense de la course camarguaise.

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Vous étiez opposé aux législatives à une candidate du Rassemblement National. Avec la sortie du député Grégoire de Fournas, pas de surprise sur ce qu’est ce parti ?

Effectivement, il n’y aucune surprise. Ils ont beau mettre des costumes, faire des sourires, essayer de se lisser… on voit qu’en quelques mois le fond est ressorti. Ce qu’il s’est passé, ce sont des mots qui ont claqué dans l’Assemblée Nationale car nous avons entendu « retourne en Afrique ». C’est pour ça que l’émotion a été aussi forte que l’on soit sur les bancs des Républicains ou d’Horizons. Ce n’était pas une mise en scène. Qu’ils aient été adressés directement à mon collègue Carlos Martens Bilongo ou dans une autre interprétation aux personnes sur ce bateau, ce sont bien des propos racistes qui ont été tenus et qui ont vraiment heurté tout le monde.

Est-ce que cela doit poser la question des limites de ce qui peut être dit à l’Assemblée Nationale ?

On connaît les limites et elles sont dans le règlement de l’Assemblée Nationale. Ce député a été sanctionné pour le désordre que ces propos ont occasionné. C’est presque inédit qu’un député soit censuré c’est à dire qu’il n’a pas le droit de parole au sein de l’Assemblée et à l’extérieur. Il y a un principe fondamental, un député a sa liberté de parole par le mandat que lui confie le peuple donc seul le peuple peut lui reprendre. La liberté de parole est totale mais elle s’arrête là où on atteint la dignité de la personne. C’est la seule limite et c’est pour cela que la sanction est inédite mais que pour certains elle peut paraître encore faible.

Après la séquence enchaînant 49.3 et motions de censure, qu’elle est l’ambiance à l’Assemblée Nationale ?

Il n’y a pas de majorité absolue et cela se voit. Des majorités sans le groupe Renaissance se font comme par exemple sur la rénovation énergétique. Les Républicains ont voté avec nous car le constat que nous faisons sur ce sujet est que les moyens ne sont pas suffisants. L’année dernière, 2 500 logements ont été rénovés. À ce rythme, il faudra 2 000 ans pour rénover l’ensemble de notre parc alors qu’il s’agit d’une formidable opportunité de faire des économies d’énergie pour le porte-monnaie des français, de créer des emplois et de gagner en indépendance dans notre production. Un amendement dans ce sens a été porté par les écologistes, adopté à la majorité et modifié par le 49.3. La même chose s’est produite dans le ferroviaire avec un amendement devenu majoritaire où 3Md€ étaient donnés au ministère des Transports pour améliorer les trains du quotidien. Il y a quand même eu cette situation absurde où le ministre est venu nous expliquer qu’il ne savait quoi faire de cet argent. Il suffit de voir l’état de nos voies, de décider de réhabiliter certaines voies ferrées ou d’en recréer qui existaient déjà comme par exemple celle entre Montpellier et Lodève qui serait pertinente quand on voit les bouchons au Nord de Montpellier. On sait quoi faire de cet argent.

Quand le gouvernement disait chercher le compromis sur certaines mesures. Estimez-vous que c’est le cas dans toutes les circonstances ?

Très clairement non. Quand on est en commission, on défend un certain nombre d’amendements pour la plupart du temps rejetés en bloc. En commission des finances nous avons fait des propositions pour l’Office National des Forêts toutes écartées. Cela a été suivi par une déclaration du président de la République sur la création de postes avec nos précédents amendements copiés et repris par la majorité. Ils ont été votés mais malheureusement à minima c’est à dire que l’on évitera de supprimer des postes. Mais non, il n’y a pas de recherche de compromis. On le voit réellement avec la manière dont fonctionne la majorité et une volonté d’aller à l’affrontement. La mise en avant de la question des retraites est faite pour crisper les choses.

Au sein de la commission des finances, vous étiez avec Alma Dufour co-rapporteur d’une mission Écologie, développement et mobilités durables. Dans le contexte des 49.3, ce rapport peut-il avoir une influence ?

On a réussi à faire passer un amendement et on voit bien que la majorité présidentielle peut se diviser. Cet amendement concernait Météo France et certains élus du Modem ont des centres sur leur territoire donc ils ont compris ce que l’on était en train de défendre. Après, on voit que la manière d’agir d’Emmanuel Macron qui brandit le spectre de la dissolution, n’est pas pour nous car nous ne craignons pas de retourner devant les Français. Il s’agit plutôt de contraindre sa propre majorité à suivre la ligne qui est une ligne claire sans compromis.

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Vous aviez dit que vous seriez attentif au soutien apporter par l’État aux collectivités, pensez-vous qu’elle sera suffisante ?

Quand on rencontre les maires, absolument pas. Le budget d’une mairie sert aux services publics de proximité. Ce sont les ATSEM, les pistes cyclables, l’agrandissement d’une école, le CCAS… Quand on restreint le budget des communes qui prennent de plein fouet la crise énergétique et la hausse des denrées alimentaires, elles se retrouvent contraintes et ne peuvent pas faire les investissements. Très clairement, le gouvernement n’a pas réellement pris en compte l’impact. Il pense qu’il y a toujours des marges de manœuvre dans les collectivités. Sauf que ces marges de manœuvre, quand on interroge les maires, ils ne les voient pas. À quoi cela sert-il d’avoir 2Md€ de fond vert pour l’investissement des collectivités si elles ne peuvent pas dégager de marge de manœuvre pour avancer le premier euro d’investissement.

Si on prend l’exemple de l’amendement porté par Caroline Fiat, la NUPES peut se faire entendre et compter quelques victoires au sein de l’Assemblée.

Il faut rester mesurer car en fait cet amendement est un rapport sur le ratio. Ce n’est pas un engagement fou de la part du gouvernement. Surtout que le gouvernement oublie de remettre les ¾ des rapports. Dernièrement, nous avons eu effectivement quelques petites victoires. Je pense aussi que ce qu’il s’est passé avec le Rassemblement National a permis de remettre quelques idées en place à certains qui faisaient un trait d’égalité entre le RN et la NUPES. On a gagné récemment trois amendements dont celui des oubliés du Ségur comme les centres médicaux sociaux qui sont de la responsabilité des collectivités. C’est un travail de fourmi que nous menons.

Plus léger, il y a eu un débat sur la tenue vestimentaire des députés. Est-ce un vrai sujet selon vous ?

Ce qui est important à l’Assemblée Nationale c’est ce qui y est dit et pas la manière dont on s’habille même s’il faut avoir une tenue correcte classique. Je porte la cravate et la veste. À La France Insoumise, plusieurs font de même et notamment les députés venant des quartiers populaires. Il n’y a pas de police du vêtement au sein de LFI, je ne vois pas pourquoi il y en aurait une au sein de l’Assemblée.

Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l'Hérault.
Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l’Hérault. (©CN / Métropolitain)

Le député du Rhône Gabriel Amard (LFI-NUPES) défend une proposition de loi visant à instaurer la gratuité de cinquante litres d’eau potable par jour et par personne. Pour cela, il est venu à Montpellier s’inspirer de ce qui est mis en place avec la Régie Publique de l’Eau.

Il faut revenir à la logique qui a prévalu avec le Conseil National de la Résistance avec l’émergence de droits universels. Sans eau, il n’y a pas de vie. Donc le premier mètre cube d’eau qui est nécessaire à la vie doit être gratuit. Nous devons réorganiser le paiement de l’usage de l’eau et de la surconsommation en prenant en compte ce premier litre cube avec ensuite une progressivité du tarif qui permet de limiter d’un point de vue écologique les surconsommations.

Par rapport à ce que nous disions avant sur le Parlement, est-ce que cela a une chance d’aboutir ?

Depuis le début qu’il existe une gauche et une droite, la gauche a toujours porté des idées d’avant-garde qui ont su faire consensus par la suite. Je crois que cela en fait partie. Et quand la gauche porte des projets de loi universelle au bénéfice de tous, c’est là où elle remplit sa mission historique.

Vous souhaitez également étendre le dispositif Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée que vous avez porté à Lodève et qui a montré toute son utilité.

C’est dans le même ordre d’idée. Il existe dans la Constitution un droit à l’emploi qu’il faut enfin rendre effectif. Cette idée d’avoir une garantie d’emploi pour toute personne qui demande à travailler est une utopie concrète qui existe déjà dans plusieurs territoire et qui marche. Contrairement à ce que l’on dit généralement, quand on donne l’opportunité à des gens de faire un travail qui a du sens pour eux et pour le territoire, ils sont prêts à s’y mettre. Je rencontre souvent des personnes à Lodève qui participent au dispositif et c’est la première chose qu’ils me disent. Le travail c’est ce par quoi on transforme le monde et on se transforme soi-même. Je crois plus au travail qu’au revenu universel qui individualise. Le travail permet d’avoir des droits collectifs et les droits universels doivent être des droits collectifs.

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Vous évoquez cette valeur travail or cela avait provoqué un débat au sein de la NUPES avec les déclarations de Sandrine Rousseau. On a l’impression que la NUPES est parcouru par deux courants, un sur les sujets sociétaux et un sur le travail de fond. N’avez-vous pas le sentiment que le premier nuit au second ?

Je ne sais pas. Je pense qu’il y a aussi une perte de culture de manière générale de ce qu’a porté la gauche de manière traditionnelle. Je ne vois pas cette division. Par exemple, dans la niche parlementaire du 24 novembre, je serai le chef de file pour porter le SMIC à 1 600€ et l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Il n’y a pas de contradiction entre les sujets. La société est un tout. Je pense que cette division vient d’une perception extérieure. Quand Sandrine Rousseau parle du droit à la paresse, elle évoque un livre écrit au XIXe siècle qui dit une chose : c’est que l’on a le droit à des congés, à la retraite… ce qui maintenant est quand même une évidence. Tout le monde a le droit d’avoir du repos pour des loisirs, ses enfants, du sport ou rien du tout… mais d’abord cela passe par le travail.

Vous soutenez le combat de la maternité de Ganges et avez menez avec les autres parlementaires de la France Insoumise une mission sur les hôpitaux en laissant jusqu’à novembre pour voir comment le gouvernement allait modifier ou pas son logiciel de gestion de la santé. Quel bilan faites-vous ?

Quand on regarde le projet de financement de la Sécurité sociale, qui n’a pas été débattu jusqu’au bout car il y a eu un 49.3, on constate qu’il n’y a pas de changement de logiciel. On attend toujours le changement de logique. On est toujours sur une logique comptable. La santé est tellement sur la brèche aujourd’hui que le moindre événement, et on va en connaître comme on le voit avec la pédiatrie et l’épidémie de bronchiolite, fait que toute la machine déraille, que tout le système est remis en cause. L’ensemble du personnel est complètement à bout, il y a un manque de médecins, d’infirmières, d’aides-soignants… Quand on va à la rencontre des personnes, c’était la démarche de Allo Ségur, on entend que les conditions de travail se sont tellement dégradées qu’elles ont l’impression de mal faire leur métier et de parfois mettre en danger les personnes. Il y a une vraie perte du sens de leur travail. On en revient à ce que nous disions, ce qui importe aujourd’hui c’est que le travail que l’on fait a du sens. Les métiers de la santé sont des métiers qui ont du sens mais les conditions d’exercice font que ce sens est en train de se perdre. Il faut également que les conditions de rémunération soient suffisantes pour que les personnes aient envie de rester et soient solidaires dans ces métiers qui sont des métiers de lien humain.

Quels sont les dossiers de votre circonscription que vous allez porter à Paris prochainement ?

Quand on regarde les choses dans le détail, il y a mille choses à porter. Il y a d’abord les urgences comme la maternité de Ganges. J’ai interpellé le ministre sur le sujet pour que lui aussi se mobilise. Il y a une mobilisation très large au-delà de tout clivage politique autour de ce que l’on l’appelle quand même la perle des Cévennes. Il y a une solution à trouver car il y a tout un écosystème autour de cette maternité qui fonctionne bien avec des labels de qualité que n’ont pas les autres maternités en France. Et surtout si le service ferme, certaines personnes seront à plus d’une heure d’une maternité. Ce n’est pas acceptable.

Sur le thème de la santé encore, à Lodève, il y a aussi le Centre d’accueil et de permanence des soins dont on demande depuis longtemps qu’il soit transformé en Antenne d’Urgence. Nous attendons les décrets d’application qui date de plusieurs mois, voire plusieurs années. J’ai aussi interpellé le ministre pour accélérer les choses et que Lodève soit la première Antenne d’Urgence en France ce qui permettrait de régler des situations avant qu’elles ne viennent engorger les urgences de Montpellier.

Il y a de nombreux autres sujets comme celui de la rénovation des centres des petites villes. Nous parlions de la rénovation énergétique, c’est essentiel pour reconquérir les centres des villages. Sur la question des déplacements, Montpellier est complètement engorgée tous les matins. Comment ne pas avoir lancé des réflexions sur la réouverture d’une ligne entre Montpellier et Lodève ? Si on prend un exemple concret avec l’expérimentation Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée à Lodève sur les 80 personnes embauchées, une seule avait une voiture. Cela permet aussi de comprendre les problématiques autour de la garantie à l’emploi que nous devons généraliser. Et je défendrai également prochainement un amendement sur la course camarguaise

Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l'Hérault.
Sébastien Rome, député de la 4e circonscription de l’Hérault. (©CN / Métropolitain)

C’est pour contre balancer la proposition de loi d’Aymeric Caron visant à interdire la corrida ?

Pas du tout. Mais il ne faut pas que la course camarguaise soit l’alibi qui serve à ne pas parler du vrai sujet qui est celui de la cruauté vis à vis d’un animal. Il y a tout un décorum autour de la corrida qui aujourd’hui n’est plus acceptable. La loi qui est proposée par Aymeric Caron ne concerne que la corrida. La France Insoumise, et particulièrement moi avec le député du Gard (LFI/NUPES) Michel Sala, nous sommes très soucieux des traditions locales et respectueuses de l’animal. La bouvine est bien une tradition qui met en avant l’animal. Le nom des taureaux sont sur les affiches, des statues leur sont dédiées et il n’y a ni torture ni mise à mort. Nous portons donc un amendement qui clarifie, même si la loi ne la vise pas, et permet de dire que ces traditions populaires sont conservées. Ce qui s’exprime bien doit clairement être affiché et on le fait avec cet amendement. Certains essayent de faire croire que la course camarguaise est attaquée or ce n’est pas le cas. Par contre, puisqu’il y a besoin de clarifier cette question, nous le faisons par un amendement venant de députés de la France Insoumise. Il y a ceux qui agitent des spectres et ceux qui agissent. Je fais parti de ceux qui agissent et qui posent clairement le fait que notre tradition de la bouvine n’est pas remise en cause par cette loi.

De manière générale, vous êtes sur les sujets de la France périphérique ?

Je n’aime pas l’expression de France périphérique car je crois qu’elle ne permet pas de comprendre la réalité de cette France là qui est la France des sous-préfectures, de ces petites villes qui jouent un rôle essentiel dans le pays. Nous parlions des personnes sans emploi et sans voiture. Ces petites villes permettent justement d’avoir accès à du logement accessible mais malheureusement de mauvaise qualité. Cet hiver, ces personnes seront extrêmement impactées par le coup de l’énergie dans des bâtiments qui sont des passoires énergétiques. Mais cela permet d’avoir un logement peu cher avec des services de proximité toutefois sans emploi. Il faut donc réunir sur ces territoires les conditions nécessaires pour créer des emplois.

En début de mandat, vous aviez un accueil un peu froid de la part du président du département Kléber Mesquida, les relations se sont-elles améliorées ?

Il faudra lui demander. Ce qui est certain, c’est que j’œuvre vraiment pour le territoire et je travaillerai avec tout ceux qui veulent travailler avec moi. J’étais encore récemment avec le maire de Montarnaud Jean-Pierre Poujens qui n’a pas appelé à voter pour moi au second tour, ce que je trouve dommageable quand on voit ce qu’est le Rassemblement National, mais cela ne m’empêche pas d’aller le voir, d’écouter les projets qu’il porte sur sa commune, ses problématiques et de venir l’épauler. Comme je l’ai dit, je travaillerai avec tout le monde.

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Qu’attendez-vous désormais de la NUPES ?

Qu’elle grandisse. Les députés apprennent à travailler les uns avec les autres. Il y a quand même une bonne entente qui commence à se faire notamment au sein des commissions. Ce travail peut s’approfondir dans les mois qui viennent. Bien évidemment, les partis ont leur congrès. Une fois que l’on aura passé cette étape, la NUPES se consolidera car tout le monde a intérêt à travailler ensemble. Nous voyons que c’est ensemble que nous arrivons à obtenir des victoires.

Vous souhaiteriez que la NUPES devienne un jour un parti unique ?

Je ne sais pas si c’est réellement le but et si c’est réellement souhaitable. Il y a des sensibilités différentes qui doivent pouvoir s’exprimer. Cela permet du débat en interne et de faire avancer des idées en se rendant compte que nous avons plus en commun qu’en différence.

Pour terminer mais vous y avez déjà un peu répondu, craignez-vous une dissolution ?

Non. De notre côté nous ne craignons nullement de retourner devant le peuple. Je pense que le spectre de la dissolution est surtout agité par Emmanuel Macron pour resserrer les rangs dans sa minorité. On a vu des amendements portés par certains députés comme celui sur les super dividendes par le Modem. Nous avons démontré que nous ne souhaitions pas mener la même politique que le gouvernement et surtout que ce que nous portons est cohérent avec le pays mais aussi d’un point de vue budgétaire. Comment peut-on accepter que des super profits existent quand on voit dans quelle galère vont se retrouver les Français cet hiver ? Ce déséquilibre n’est pas supportable.

Le 17/11/2022 à 07:38, par Cédric Nithard.