Hérault / Sébastien Rome : « Il faut partir des besoins réels pour refinancer l’hôpital public »


Sébastien Rome a profité de la visite de François Braun à Béziers pour interpeller le ministre de la Santé.
Sébastien Rome a profité de la visite de François Braun à Béziers pour interpeller le ministre de la Santé. (©DR)

À l’occasion du déplacement du ministre de la Santé François Braun dans l’Hérault mardi, le député (LFI/NUPES) de la 4e circonscription Sébastien Rome a tenu à être présent lors de son passage à l’hôpital de Béziers. Un établissement qu’il avait lui-même visité récemment dans le cadre de la commission d’enquête populaire menée par les députés LFI partout en France dans l’objectif de recueillir la parole des soignants et des patients en espérant alimenter le gouvernement en propositions pour éviter que la situation n’empire dans les hôpitaux français. Interview.

Métropolitain : François Braun, ministre de la Santé, était en déplacement à Béziers, vous avez tenu à être présent. Pourquoi ?

Sébastien Rome : Le sujet de la santé est central aujourd’hui. L’hôpital est au bord de la rupture. Je voulais le rencontrer pour discuter avec lui de ce que j’avais déjà pu voir quand je suis allé en déplacement à Béziers et Lodève afin de porter la parole des soignants de ces hôpitaux.

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Justement quel bilan avez-vous tiré de votre visite à l’hôpital de Béziers ?

J’ai eu une vision assez différente de celle qu’a eu le ministre à la fin de sa visite. Il trouve que l’hôpital fonctionne extrêmement bien et que c’est un hôpital où on pouvait être heureux. Effectivement, il y a des choses qui fonctionnent bien mais j’ai remarqué qu’il n’avait pas eu de longs échanges avec le personnel. Ces longs échanges, j’ai pu les avoir quand je suis allé les rencontrer fin juillet. J’y ai vu du personnel sous tension, en sous effectif et qui n’arrive pas à répondre aux besoins de la population. C’est vraiment de cette thématique que nous devons partir.

Et en ce qui concerne les besoins matériels, le nombre de lits…?

Sur Béziers, il y a eu des investissements réalisés par la direction au moment où il fallait les faire. Effectivement, il y a un équipement de qualité avec un personnel très investi. Mais comme partout en France, le sous-effectif crée des situations intolérables pour les patients. J’ai vu un patient attendre 24h avec le bras cassé aux urgences en zone de transit sans être pris en charge ou une personne de plus de 95 ans attendre 24h sur un brancard. C’est réellement un vrai problème que l’on rencontre partout en France. L’hôpital de Béziers a beau être bien équipé en matériel, il reste la question du personnel dont on tire sur la corde. On a continué à donner des heures supplémentaires à faire aux soignants, qui sont bien payés sur ces heures supplémentaires, mais ils ne les saisissent plus car ils sont au bord de la rupture. On a passé une période covid très difficile, l’hôpital était déjà en tension avant, aujourd’hui on est au bord du gouffre.

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Les problématiques sont-elles les mêmes à l’hôpital de Lodève ?

Elle sont totalement différentes, car il s’agit d’un hôpital local. Il y a eu par exemple un investissement matériel important sur une aile entière avec 27 lits pour un usage de type Ehpad mais le service est fermé car il n’y a pas de médecin. La problématique principale sur Lodève, sur laquelle j’ai interpellé monsieur le ministre, c’est la menace sur la permanence de soins. Elle a fermé à plusieurs reprises durant l’été par manque de médecin. En sachant que si elle ferme, la médecine de ville n’est pas en mesure de répondre aux besoins de la population. Cet été, l’hôpital a été obligé d’appeler le 15 pour avoir un médecin afin de traiter un patient un week-end. Il y a une nécessité, et c’est une demande que je fais notamment avec un collectif du Lodévois, pour transformer cette permanence de soins en véritable antenne d’urgences à Lodève. J’ai interpellé le ministre et il semble avoir entendu cette demande qu’il a trouvé légitime. On verra si c’est suivi des faits.

En même temps, la carte des déserts médicaux est implacable.

Effectivement. Même avec ses services, Lodève reste un désert médical. La médecine de ville est vraiment sinistrée. D’un point de vue général, j’ai interpellé le ministre sur la pertinence de continuer à garder la question des médecins traitants pour la médecine de ville. Cela a été mis en place car il y aurait eu du nomadisme médical. Maintenant, vu le nombre de médecins de ville qui existent, le nomadisme n’existe plus. La question désormais est juste de savoir si on peut être soigné. Je ne pense pas que ce soit pertinent de conserver cette question du médecin traitant ou au moins la suspendre le temps que l’on retrouve une médecine de ville qui réponde aux besoins.

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Qu’espérez-vous de la commission d’enquête populaire conduite par les députés LFI ?

Déjà de faire correspondre le diagnostic que l’on connait de l’hôpital en le faisant correspondre au témoignage et à la réalité de la pratique dans le milieu hospitalier. Nous voulons porter la voix des patients et du personnel à l’Assemblée nationale notamment durant la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale. J’ai interpellé le ministre a plusieurs reprises sur ce sujet. Il nous a dit qu’il voulait sortir de la logique des chiffres pour aller vers une logique des besoins de la population. C’est ce que nous portons depuis très longtemps et c’est la première fois que nous entendons cela de la bouche d’une majorité. Il va falloir que maintenant cela se traduise financièrement, cela ne peut pas rester des paroles en l’air. Sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), il a fallu cinq ans pour convaincre le gouvernement qu’il fallait le faire. J’espère que là, vu l’urgence de la situation des hôpitaux, on mettra moins de temps pour les convaincre qu’il faut partir des besoins réels pour refinancer l’hôpital public.

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Votre position à la commission des finances vous permettra de suivre cela de près.

J’interviendrai forcément quand on étudiera cette ligne budgétaire et j’y serai attentif. À la commission des finances, je suis en responsabilité de la ligne budgétaire sur la prévention des risques naturels et industriels. Ces risques naturels on les a vécu pendant cet été. Ce que l’on a pu constater, c’est une baisse des crédits pour tout ce qui concerne la prévention. On verra avec les annonces du président de la République si l’ONF retrouvera des moyens pour fonctionner, si les budgets liés à la prévention seront augmentés, tout comme ceux de la Protection Civile… L’ensemble du service public est concernée par la même problématique. On a un discours qui se veut volontariste et positif mais, ces cinq dernières années, cela ne s’est jamais traduit d’un point de vue budgétaire. Je veux bien faire crédit jusqu’en novembre au ministre de la Santé. Il y a une volonté de changer de logique, on verra par exemple si la tarification de l’activité est supprimée ou très largement revu.

Le 25/08/2022 à 07:23, par Cédric Nithard.