Montpellier / Michaël Delafosse : « Je serai jugé sur ma promesse de faire la gratuité des transports en commun »


Michaël Delafosse, attentif sur sa gauche.
Michaël Delafosse, attentif sur sa gauche. (©CN / Métropolitain)

Deux ans après avoir été élu maire de Montpellier, Michaël Delafosse présente un début de mandat marqué par le lancement de nombreux projets annoncés dans son programme de campagne. Des projets défendus par la transition écologique et sociale à mener qui changent de nombreuses habitudes dans la ville. Politiquement, les deux dernières échéances électorales ont pris la forme d’une traversée du désert à contre-sens du vent. Lui qui prône de longue date le rassemblement de la gauche l’ayant conduit à la victoire aux municipales, a vu comme une trahison à certaines valeurs le Parti Socialiste participer au nouvel espoir porté par la NUPES. Et si le président de la République l’aurait bien vu dans son gouvernement, Michaël Delafosse défend sa position à gauche et n’abandonne pas l’idée d’infuser dans le débat national par les projets développés à Montpellier avec en premier lieu la gratuité des transports en commun. Suffisant pour garder la confiance des Montpelliérains qui ont placé largement en tête Jean-Luc Mélenchon et ses candidats lors des dernières élections ?

Vous avez présenté le bilan des deux premières années du mandat. Quels sont les points que vous êtes impatient de lancer maintenant ?

Définitivement, la gratuité des transports en commun pour les habitants de la métropole car c’était ma principale promesse de campagne. Elle est déjà à l’œuvre aux deux-tiers et, fin 2023, nous serons ainsi la plus grande métropole d’Europe à appliquer la gratuité des transports. Je veux vraiment faire de cet engagement un message d’espérance pour la jeunesse inquiète aujourd’hui sur les enjeux écologiques car c’est un très puissant levier.

Évidemment de voir enfin les rails de la ligne 5 de tramway arriver fin 2023 et courant 2024. Comme le pont qui permettra de relier la gare Sud de France. De voir apparaître les lignes de bustram et les premières vélolignes de futur Réseau Express Vélo sur l’axe Flahault et Mondial 98 qui montre ainsi notre territoire pleinement en transformation écologique.

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De voir tomber la tour d’Assas où six mois après mon élection il y a eu une fusillade. Je suis rentré dans la chambre de ces enfants qui ont vu les balles. C’est un moment qui m’a profondément marqué comme maire et qui m’oblige à chaque instant de faire que les dossiers puissent avancer avec en tête la rénovation urbaine du quartier Mosson.

De voir les transformations d’espaces publics continuer à s’engager. Quand les écoles font leurs fêtes à l’extérieur, je me dis que ce que nous faisons est juste à travers les rues aux écoliers. Il faut s’occuper inlassablement du quotidien des Montpelliéraines et Montpelliérains. C’est beaucoup de travail. Je fais 80h par semaine, j’y consacre toute mon énergie. Jusqu’au dernier moment, je mettrai tout au service de notre ville sur tous les aspects qui sont sous ma responsabilité.

Vous annoncez 80% de votre programme engagé, cela veut donc dire que beaucoup de chantiers vont arriver…

Il reste d’abord des choses à mettre en œuvre. Je pense notamment à la Mutuelle communale en matière de santé et au tarif d’écoresponsabilité de l’eau. Des choses sont faites dans beaucoup de sujets et d’autres sont lancées. Ce sont des projets qui étaient tous dans notre programme. Aujourd’hui, ils passent en chantier donc il faut du temps pour les livrer mais je dois rappeler que cela fait douze ans que Montpellier n’avait pas livré une cinquième ligne de tramway. D’ailleurs, on ne s’était plus habitué à voir beaucoup de projets menés. On se souvient de l’expression du maire bâtisseur, aujourd’hui le nouveau souffle ce sont tout ces projets engagés autour des mobilités.

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Ces projets sont pour la transformation écologique et sociale de la ville d’une part et, d’autre part, ils apportent une dynamique d’emploi. À l’aune de ce contexte économique très incertain, après le covid et avec les difficultés que traversent le monde, si nous ne faisons rien, Pôle Emploi serait plein à craquer. Maintenant, mon obsession est cette question de l’emploi et de l’attractivité économique pour à la fois les jeunes, toutes les entreprises du territoire et surtout leurs employés. À l’époque, j’avais été marqué quand, à cause du report de la ligne 5, Egis, a dû supprimer cent emplois.

On sort de deux séquences électorales qui ne vous ont pas été favorables. Regrettez-vous de vous être impliqué et ne craignez-vous pas que cela vous nuise localement ?

Je serai jugé par les Montpelliéraines et les Montpelliérains sur ma promesse de faire la gratuité des transports en commun. On juge sur les promesses tenues. Je n’ai aucun regret. Je suis un homme de gauche, socialiste, donc je m’engage autour de mes valeurs et de mes idées. Toujours. Je suis très fier d’animer une majorité plurielle qui est riche de sa diversité, d’hommes et de femmes sincères, socialistes, communistes, radicaux, écologistes. Ce collectif fonctionne. Il y a beaucoup de points d’accord, quelques points de désaccords mais on se respecte. Les plus jeunes n’ont pas connu mais cela me rappelle ce que faisait Lionel Jospin avec la majorité plurielle (ndlr : lors de la dernière cohabitation de 1997 à 2002, Lionel Jospin fut premier Ministre de Jacques Chirac après la dissolution de l’Assemblée nationale et la victoire de la gauche plurielle réunie pour les législatives). C’est comme ça que l’on doit gouverner.

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Ensuite, je participe humblement à porter des idées nouvelles au débat national. La gratuité des transports doit être la grande transformation sur tous les territoires. La gauche doit transformer l’ordre des choses, socialement et écologiquement. Aujourd’hui, je vois que l’on s’inspire beaucoup de ce que nous faisons dans les cantines de Montpellier. Allez-y, c’est libre de droit ! Le bouclier social, ce terme devrait être d’avantage utilisé. La réaffirmation de la laïcité, comme je le fais, ne doit pas être un glaive les uns contre les autres mais doit être énoncée dans la clarté pour lutter contre les phénomènes de fondamentalisme religieux qu’ils soient islamique, chrétien, évangélique… C’est quand même à Montpellier qu’il y a eu des thérapies de conversion. C’est donc très important que le maire tape du poing sur la table et soit aux côtés des acteurs associatifs qui pointaient ce danger. Je contribue au débat national par les idées. Il y a aura d’autres moments politiques avec les élections européennes dans deux ans. Comptez aussi sur moi aussi pour être dans ce débat.

Vous avez été sollicité par Emmanuel Macron…

J’ai refusé d’entrer au gouvernement parce que je suis en désaccord avec la politique telle qu’elle est conduite et surtout parce que j’ai promis aux Montpelliérains d’être leur maire. Donc je ne me disperse pas et je refuse toute sollicitation. On m’a proposé plusieurs choses, j’ai refusé. Je n’aime pas les gens qui ne défendent pas leurs idées. Je hais une phrase du cardinal de Retz (ndlr : Jean-François Paul de Gondi, homme d’État, homme d’Église et écrivain français 1613-1679) : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépends ». Il faut défendre ses idées et c’est quand on est fidèle, sérieux, que l’on fait preuve d’un peu de courage dans le débat politique que l’on est reconnu. J’ai plutôt des Montpelliérains qui me disent que, même s’ils ne sont pas d’accord avec moi sur les idées nationales, j’ai au moins le mérite de défendre mes convictions. Dans l’Histoire, les gens qui ont fui leurs convictions, finissent mal. Les gens qui se vendent pour un plat de lentilles discréditent la politique. Je continue à défendre mes convictions, dans le respect, jamais dans l’outrage ou l’anathème.

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Votre principale opposante Alenka Doulain vous targue d’être pro-Macron. Comment réagissez-vous à cela ?

Je laisse les caricatures aux caricaturistes. Montpellier a accueilli à deux reprises le président de la République et je l’ai accueilli avec les honneurs que commandent la fonction de maire et celle de chef de l’État pour le nouveau sommet Afrique-France et obtenir 50 postes de policiers supplémentaires. J’ai accueilli avec tous les égards le premier Ministre Jean Castex quand il est venu annoncer 260M€ pour le CHU de Montpellier et la réalisation du Contournement Ouest tant nécessaire pour tous les automobilistes mais aussi pour continuer à sortir le trafic de transit de la ville. Je devrais faire quoi ? Leur sortir des tracts ou leur adresser des noms d’oiseau ? Je le fais de façon républicaine et respectueuse. Comme je le fais en considérant tous les partenaires du territoire de la Ville de Montpellier.

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Tout comme je m’efforce d’être respectueux au sein du conseil municipal. Pendant six ans j’ai siégé dans l’opposition et souvent l’irrespect a prédominé nos débats. Une fois, j’ai eu un mot qui a été peut-être mal interprété par Madame Doulain, je m’en suis excusé publiquement. Mon intention n’est jamais de froisser. Nous avons des désaccords mais j’ai une cohérence et je revendique cette cohérence.

La fonction d’un maire n’est pas d’être dans l’invective avec l’ensemble des personnes qui ont des fonctions de représentation. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec Nathalie Oziol et Sylvain Carrière (ndlr : députés NUPES de la 2e et 7e circonscription de l’Hérault), et ils en ont parfaitement convenu. J’ai apprécié la qualité du dialogue. Ils ont leurs convictions et je compte sur eux pour défendre beaucoup de sujets avec talent et sincérité. On m’a souvent affublé d’étiquettes : le maire socialiste, le maire macroniste… il ne faut pas s’attacher à cela mais à l’avenir. Je suis un homme de gauche qui croit au rassemblement de la gauche et de l’écologie. Inlassablement, c’est ce que j’ai toujours porté dans ma vie publique depuis longtemps et c’est ce que je continuerai à faire jusqu’au dernier souffle qui me sera donné.

Deux montpelliérains Patricia Mirallès (Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire) et Jean-François Carenco (Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer chargé des Outre-mer), nommés au gouvernement. Qu’est ce que cela peut apporter à Montpellier ?

D’abord, je leur adresse toutes mes félicitations républicaines et chaleureuses. Je connais bien Jean-François Carenco qui est un grand serviteur de l’État, engagé à Montpellier comme président de l’Orchestre mais qui nous aussi aidé sur le dossier du village de transition en tant que président de Coallia. J’aurai des dossiers à lui soumettre car je pense que l’on doit faire beaucoup d’efforts sur l’accueil et la santé des étudiants ultra-marins. J’espère pouvoir l’accueillir prochainement pour pouvoir lui faire visiter l’association Solidarité Dom-Tom.

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Quant à Patricia Mirallès, elle a été réélue députée de La République en Marche, elle accède au gouvernement, c’est un parcours cohérent. Elle siègera sans doute encore au conseil municipal, et elle sera traité avec les égards comme je le faisais auparavant. Je ne doute pas qu’elle contribuera positivement aux dossiers de la Ville. Elle aussi a joué un rôle très important pour le village de transition et je veux l’en remercier. Elle est sur des sujets passionnants sur lesquels elle est très engagée, tout comme moi en tant que professeur d’histoire et comme maire. Je sais que nous travaillerons ensemble notamment sur le musée de la France et de l’Algérie, ce projet que Georges Frêche avait initié et qui fut injustement interrompu et que nous avons repris avec le président. Je suis à sa disposition et je sais qu’elle aura beaucoup d’exigences à accompagner Montpellier et son territoire. Mais, comme Jean-François Carenco, elle agira avec l’impartialité que l’on attend de tout membre du gouvernement pour gérer les dossiers.

Avec ce nouveau gouvernement, comptez sur moi pour aller défendre certains dossiers à Paris auprès du nouveau ministre des transports Clément Beaune auquel j’ai beaucoup de sujets à présenter, le nouveau ministre de la santé François Braun sur les sujets de l’hôpital pour lequel j’ai beaucoup d’inquiétude ou encore le ministre de l’économie Bruno Lemaire sur nos sujets de développement économique. Nouveau gouvernement donc nouveau travail pour le maire aussi car Montpellier ne doit pas être isolée.

Le 07/07/2022 à 07:08, par Cédric Nithard.