Interview. Kazy Lambist : le chanteur montpelliérain qui monte


Le plan de vol n’est pas encore connu, mais depuis ses premiers morceaux mis en ligne sur Soundcloud, Kazy Lambist offre de belles promesses de destination. Le jeune Montpelliérain avance avec les outils de son époque sans pour autant se brûler les ailes. Avec intelligence et modestie, Arthur Dubreucq est, de cette génération d’enfants de la French Touch, celui qui s’inscrit le plus dans la lignée des Versaillais d’Air ou de la veine atmosphérique de Daft Punk.

Avec son premier album 33 000 FT, il nous invite à prendre de l’altitude pour une escapade suave parfaitement réussie. Interview.

Arthur, ton actualité c’est cet album, 33 000 FT, grâce auquel le grand public peut te découvrir. Comment décris-tu ce disque ? Et comment veux-tu que les gens s’en emparent ?

Je trouve ça bien si les gens peuvent l’écouter dans l’ordre. Dans ce sens, on peut raconter une histoire, s’égarer un peu et voyager. C’est un peu le but de l’album. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’appelle 33 000 FT. C’est une altitude de croisière. J’ai toujours été passionné d’aviation et, avec cet album, je voulais la mêler à la musique. Je me vois comme le pilote de l’avion : je transforme le public en passager durant une heure et je survole avec lui différents paysages. Je pilote, mais je le laisse regarder ce qu’il veut. Je ne décris pas complètement le paysage, j’amène juste les gens à des endroits différents pour qu’ils puissent faire le voyage eux-mêmes. Il faut que cela reste ouvert. S’ils veulent dormir, ils dorment.

Découvrez le clip Annecy, extrait de l’album 33 000 FT

Est ce un disque qui, dans son ambiance, est montpelliérain ?

Il y a quand même un truc dans le chill à Montpellier. Quand j’étais au lycée, j’écoutais pas mal Set&Match, Joke… le rap de Montpellier qui a toujours ce côté nonchalant, un peu atmosphérique. Cela ne me dérange pas de me revendiquer un peu de cela. Le Sud, le soleil, la plage… Cela se ressent forcément. Quand je vais à Paris, tout va vite. Dès que je sors du train, ici, je ralentis.

Du coup, c’est un album pour être Montpelliérain à Paris…

C’est pas mal. C’est peut-être aussi pour ça que les Parisiens aiment ma musique. Cela leur permet de se projeter un peu ailleurs.

Il y a quand même un truc dans le chill à Montpellier

Quel est ton parcours musical ?

Petit, j’ai pratiqué le piano classique pendant sept ans avec une prof particulière. Je me suis ensuite mis à la guitare. J’avais envie de faire autre chose parce que ma prof était très stricte. Il n’y avait que le classique qui comptait. Elle ne voulait même pas entendre parler de jazz ! En troisième, j’ai voulu me mettre au rock avec des copains. Puis, je suis parti étudier un an au Canada. J’étais scolarisé dans un lycée très axé sur le jazz et le hip-hop. J’ai directement intégré un groupe de jazz dans lequel j’ai joué de la guitare. Après les cours, les mecs rappaient. Ne maîtrisant pas très bien l’anglais, cela aurait été un peu ridicule que je rappe moi aussi, alors je me suis vite mis à leur faire des instrumentaux pour les soirées. C’est comme ça que j’ai vraiment commencé à toucher les machines et, surtout, le logiciel de son.

BIO MUSICALE EXPRESS / Kazy Lambist se fait connaître avec des premiers morceaux diffusés sur Internet. Il sort son premier EP Doing Yoga en 2015. Le deuxième, The Coast, suivra en 2016. Aujourd’hui, à seulement 25 ans, le Montpelliérain signe un vinyle en collaboration avec le créateur Jean-Charles de Castelbajac à l’occasion du Disquaire day et présente son premier album 33 000 Ft. sorti en juin dernier sous le label indépendant Cinq7 (Aaron, Calvin Harris…).

Cette formation classique te sert maintenant ?

Je ne regrette pas du tout. Instinctivement, ce n’est pas forcément conscient, mais je pense que d’avoir eu un cadre carré, alors que je ne le suis pas du tout, cela me force à revenir à des structures. Le piano est un instrument idéal pour visualiser les notes, les harmonies, les arpèges… Cela peut se transposer sur plein d’instruments différents. C’est ma grille de lecture de base. Je pense, en fait, que c’est un instrument assez cool pour commencer.

Tu as composé tes premiers morceaux dans ta chambre. Quels souvenirs gardes-tu de cette période en termes de création ?

J’ai changé d’appartement plusieurs fois depuis que je suis parti de chez mes parents, mais j’ai toujours fini par remonter mon petit home studio. Pour l’album, je n’ai pas changé mes habitudes. J’ai envoyé les pistes à Paris pour après bosser de nouveau dessus. Je n’ai pas perdu ce côté “fait maison“. Cela me tient à coeur. Je ne vais jamais commencer un morceau dans un studio à Paris.

Pour l’album, je n’ai pas changé mes habitudes

À quel moment tu t’es dit qu’être musicien, ça allait être ta vie ? 

Pendant longtemps, j’ai douté. Quand on a gagné le tremplin Inrocks Lab, que l’on a eu des passages à la télé, je me disais que c’était n’importe quoi. Pour moi, les mecs se trompaient. Puis, j’ai commencé à signer des contrats et à percevoir de l’argent grâce à la musique. Je n’avais plus aucune raison de faire d’autres jobs. J’ai attendu que ce soit vraiment mon métier pour arrêter le reste.

Le reste, c’était… ?

Des petits boulots. Je suis passé  par le collège Clémence Royer,j’ai eu un Bac ES au lycée Joffre. Ensuite, j’ai passé une demi-année à Paul-Valéry et une autre à la facde Droit en Sciences politiques. J’aifait ça un peu sans conviction. À chaque fois, je m’arrêtais pour faire des petits boulots jusqu’à ce que je commence à faire des concerts et que le projet démarre. Cela a pris un moment avant que ce soit rentable, donc je continuais à distribuer des tracts, à bosser comme agent d’accueil dans les maisons d’agglomération, à faire de l’interim la nuit dans les supermarchés, de la plonge dans un resto Thaï…

On imagine que pour vivre de ta musique, cela t’a demandé de te structurer.

J’ai rencontré Éric, mon manager, qui s’occupe de gérer. Il a l’expérience pour ça. Il est là pour m’aider à faire l’intermédiaire entre tous les acteurs du milieu… Quelque part aussi pour me protéger des gens qui voudraient profiter de certaines choses. Pour l’instant, je n’ai pas de problème. J’ai une relation qui est cool avec lui depuis le début.

Un mot sur tes deux partenaires de scène ?

Amaury Giraud, pour commencer. Un vrai Montpelliérain qui, en même temps que ce projet, fait sa thèse en Sciences politiques. Il est vraiment carré ! Il arrive tout le temps en avance, il vérifie que tous les câbles sont branchés, que tous les synthés sont bien réglés… Et il est toujours stressé (rires).Lara Pitaine, ensuite. Elle est hyper dynamique. Elle fait du théâtre à côté, au conservatoire de Lille maintenant. Elle apporte vraiment une plus-value scénographie. Elle bouge beaucoup, elle est super souriante quand elle est sur scène. Elle apporte une vraie fraîcheur car nous, et surtout au début, on a tendance à être assez raide. Elle débloque tout ça. Pour créer une interaction avec le public, Lara est indispensable.

Sur quelle scène ou festival aurais-tu envie de jouer ?

Coachella. Que l’on n’est pas prêt de faire… De faisable, il y a la Cigale et l’Olympia que j’aime beaucoup. La Paloma à Nîmes est très sympa aussi. Et pour voir un peu loin, les Arènes de Nîmes et le Théâtre de la Mer à Sète ? Ça serait top.

Tu racontes que ton nom vient d’un alcool canadien dont on ne trouve aucune trace !

C’est un alcool très artisanal. J’en ai à peine bu. Ils sont très stricts au Canada. L’âge légal c’est 21 ans et je n’en avais que 17… C’était juste une bouteille qui était très stylée. Mais il n’y en a pas de trace sur internet. Je ne sais pas trop d’où venait ce truc. Si quelqu’un en trouve…

Est-ce que tu crains que le regard des gens sur toi change avec la célébrité ?

Non. Même des mecs hyper connus à Montpellier arrivent à se balader tranquillement. Set&Match, tout le monde les connaît -en plus Diddy fait 4m10 de haut- et ils arrivent à vivre. Rémi Gaillard, c’est pareil. Par contre, quand j’ai commencéà faire pas mal de trucs à Paris,certains étaient un peu sceptiques et disaient que c’était de la musique de Parisiens. Pour moi, c’est devenu une musique de Parisien parce que c’étaient des Parisiens qui me contactaient. Je fais juste une musique de ville. Mais pour l’instant je n’ai aucun problème avec le regard des gens.

Pour l’instant, je n’ai aucun problème avec le regard des gens

Tu habites à Montpellier. Est-ce que tu ressens une obligation d’aller vivre à Paris ?

Pour l’instant, je suis content d’être à Montpellier. Pour le climat, je pense que j’aurais du mal à m’en passer.

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Quel Montpelliérain es-tu ?

Je suis un Montpelliérain de l’Écusson. J’y suis né et j’ai grandi dans la rue Jean-Jacques Rousseau, à côté de la place de la Canourgue. Pour le coup, je suis très citadin. Je n’ai même pas mon permis de conduire. Je fais tout en tram. Avec mes potes, on a plutôt passé du temps sur les places à boire des bières ou dans les apparts à faire des soirées. On se retrouvait au Rockstore, à l’Antirouille, au Baloard ou au Black Sheep. Maintenant, plutôt aux alentours de Saint-Roch.

Qu’est-ce que tu apprécies le plus à Montpellier ?

De pouvoir traîner à droite à gauche, passer d’un bar à l’autre. On est bien dehors alors on embarque une bière et on va chez quelqu’un. La vie du centre-ville est assez cool.Montpellier est un village.

Et ce qui te plaît le moins ?

C’est peut-être un peu la même chose. Comme c’est un village, comparé à Paris, il se passe un peu moins de trucs. Mais j’ai assez confiance en ce moment.

Pourquoi ?

J’ai l’impression que c’est assez dynamique. Cela commence à bouger avec Vincent Cavaroc et la Halle Tropisme, Nicolas Bourriaud à La Panacée et le MoCo qui va ouvrir ou encore le Marché du Lez… Il y a une nouvelle énergie qui est insufflée dont on a vraiment besoin.


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10/01/2019 à 10:35 par Cédric Nithard