Montpellier : les Estivales, bien plus que des dégustations

03/07/2018 à 18:59

À partir de cette semaine, la 14e édition des Estivales se déroule tous les vendredis sur l’esplanade Charles de Gaulle, à l’exception du 13 juillet. Un rendez-vous placé cette année sous le signe des femmes vigneronnes avec également la volonté de mettre en avant les produits du terroir.

Au delà de son aspect convivial indéniable et des animations proposées comme à l’habitude, les huit soirées de cette 14e édition sont également l’occasion de partager les histoires de ces amoureux de la terre, d’apprendre à savourer les crus, de pénétrer les secrets du vin… bref de découvrir notre terroir à travers les produits qui font notre art de vivre. Chaque année, plus de 200’000 visiteurs viennent ainsi déguster les vins et mets du Languedoc.

Toutes les appellations du Languedoc

Chaque vendredi soir, une trentaine de vignerons différents proposeront des dégustations de leurs meilleurs crus. Grès de Montpellier, Pic Saint-Loup, Terrasses du Larzac, Faugères… l’ensemble des appellations du Languedoc, soit une trentaine, seront ainsi représentées. « Les Estivales sont un outil de communication. Et même si elles se multiplient dans d’autres villes comme Sommières, Pézénas, Narbonne… c’est un tout. Quand les gens viennent le vendredi, on les retrouve le samedi dans les domaines », explique Jean-Phillipe Granier, directeur technique de l’AOC Languedoc.

La manifestation montpelliéraine est un rendez-vous important pour les vignerons qui va au-delà de l’enjeu local. « L’année dernière nous avons eu une petite récolte. Les vignerons ont besoin d’énergie. Je pense que Montpellier doit jouer un rôle, ce qu’elle fait déjà avec l’Occitanie, de capitale des vins de la Méditerranée ». Jean-Phillipe Granier vise « les 10’000 étudiants, venus de tout les pays avec une trentaine de nationalités, présents l’été. Notre communication est là. Il y a 30 ans on buvait beaucoup de pastis et de bière à Montpellier. Aujourd’hui, le vendredi soir, on y boit que du vin. C’est une image pour la ville »..

Les femmes vigneronnes mises à l’honneur

Cette 14e édition des Estivales est placée sous le signe des femmes vigneronnes qui représentent 30 % de la sélection. Et si elles ne sont pas directement à la tête des domaines, elles sont bien souvent aux côtés de leur époux. Comme Ophélie Fournel : « Je ne fais pas le vin. Je travaille sur tout ce qu’il y a derrière. Le Chai d’Émilien est une aventure qui s’est construite à deux. On est absolument complémentaire. La place des femmes dans le vin est aussi là, dans la complémentarité, dans ce qu’elle peut apporter, les nouvelles idées que l’on va avoir et le regard qu’elles vont poser qui sera forcément différent ».

La jeune femme, qui s’est lancée dans cette aventure il y a cinq ans avec son conjoint à Sussargues, explique l’importance d’une approche féminine sur le vin : « Quand vous sortez de la région et que vous présentez des vins du Languedoc, qui sont excellents là n’est pas la question, le critère qui revient le plus souvent c’est la puissance et la teneur en alcool. Je trouve que les femmes ont réussi, sans faire de sexisme de bas étage, par un palais constitué différemment et une approche de la dégustation différente aussi, durant l’élaboration des vins à présenter des choses plus fines, plus subtiles, plus soyeuses tout en gardant le caractère intrinsèque du Languedoc. Les femmes vont, par exemple, intégrer du Samso, un cépage très goûtu et gourmand qui va apporter beaucoup plus de légèreté, dans la vinification ».

Deux soutiens

La municipalité a décidé durant les Estivales d’apporter son soutien à l’huilerie de Clermont-l’Hérault. « C’est un moulin à huile qui représente 2250 petits producteurs, a 18 salariés, qui récolte 1 200 tonnes d’olives et 80 tonnes d’olives de bouche par an » présente Brigitte Roussel-Galiana. L’adjointe au maire de Montpellier, déléguée aux affaires commerciales, au commerce et à l’artisanat explique pourquoi cette mise en avant : « Ils ont été cambriolés et viennent de subir un vol inimaginable s’élevant à 35’500 hectolitres d’huile pour un montant de 600’000 €. Ils ont de grandes difficultés à se remettre de ce vol et nous ont demandé de pouvoir présenter la qualité de leur huile d’olives ».

Autre soutien, apporté durant le mois d’août, au raisin de table. D’une centaine de producteurs dans l’Hérault, il y a dix ans, ils ne sont aujourd’hui qu’une vingtaine. Marie-Therèse Barreda raconte : « C’est un métier très difficile qui demande un travail très minutieux pour avoir un beau produit. Sur le territoire, je pense que l’on fait partie des derniers à tenir encore le coup. Le raisin de table est reconnu pour ses bienfaits mais la concurrence avec des produits de moindre qualité, est de plus en plus difficile ».

Depuis quatre générations, sa famille cultive le raisin, également pour le vin, à côté de Gignac. Elle témoigne avec fierté d’un métier accompli avec passion qu’elle partagera les vendredis soirs : « On veille en permanence, du matin au soir, à la qualité. On essaie de faire le plus possible sans insecticide chimique. On cultive des variétés comme le Danlas, l’Alphonse-Lavalée, ou des raisins comme l’Isa que l’on ne trouve pas du tout dans le commerce mais on a quelques vignes que l’on amène aux Estivales ».

Le terroir

De bons vins se dégustant avec de bons produits, les Estivales ont la même exigence de qualité pour la trentaine de stands de restauration sélectionnés. Brigitte Roussel-Galiana détaille : « On pourra goûter l’ensemble des mets régionaux : de la tielle sétoise aux petits farçous aveyronnais en passant par les beignets d’oignons doux. Nous avons essayé de proposer une restauration de qualité et d’excellence ». La cuisine du monde est également représentée avec une dizaine de stands.

Nouveauté de cette 14e édition avec un buffet fermier. « Nous avons sélectionné des produits bios venant des fermes de nos producteurs locaux », explique Brigitte Roussel Galiana. « Il y a un gros travail qui a été fait ces dernières années avec la Chambre d’agriculture de l’Hérault », salue Jean-Philippe Granier. « Ce buffet fermier joue son rôle. Quand j’entends parler de l’huile d’olives de Clermont-l’Hérault ou du raisin de table, c’est nous. Tout ça c’est notre richesse » s’enthousiasme le directeur technique de l’AOC Languedoc.

Dernier élément local soutenu par les Estivales, l’artisanat local. Le marché nocturne est l’occasion pour les visiteurs de réaliser quelques emplettes et pour les touristes de repartir avec un souvenir. Bien au-delà de la babiole, Brigitte Roussel-Galiana rappelle que Montpellier a récemment obtenu le label Ville et Métiers d’Art. « Nous mettons en valeur nos artisans d’art dans les petites échoppes » appuie t-elle. Textile, bijoux et décorations seront présentés sur 27 stands.

Des vins et du savoir

La manifestation est l’occasion d’en apprendre beaucoup plus sur le vin. Déjà dans un premier temps à le déguster à travers des cours d’oenologie gratuits qui rencontrent chaque année un grand succès. « C’est très important car les gens apprennent à découvrir le sucré, le salé, l’acide, l’amer… et à se décomplexer par rapport à un vin, explique Jean-Philippe Granier, Ensuite, ils vont rencontrer les vignerons qui vont raconter leurs histoires du terroir. C’est très important car le vigneron partage sa région avec les consommateurs et les touristes ».

Pour compléter ce partage de savoirs, l’AOC Languedoc propose, à la maison des relations internationales, un programme de conférences sur le vin et la viticulture chaque vendredi de 19h à 20h. Différents thèmes seront abordés comme l’histoire du Languedoc viticole, l’agroécologie ou encore le vin et la spiritualité.

« Les Estivales, c’est mettre en lumière une production d’excellence mais ce n’est certainement pas un endroit où on doit atteindre un taux d’alcoolémie excessif », souligne à raison Brigitte Roussel-Galiana. Si les mesures de prévention, de sécurité et de contrôles effectuées avec le concours de la police municipale vont dans ce sens, la pédagogie et la culture sur le vin que la manifestation propose y contribuent également. Les cours, les conférences et les échanges avec les vignerons sont gratuits donc à consommer sans modération…

>> Pratique : tous les vendredis du 6 juillet au 31 août (sauf le 13 juillet) de 18h30 à 23h30. Deux dégustations + un verre gravé : 5€ (Clôture de la billetterie à 23h). Cours d’oenologie tous les vendredis (sauf les 13 et 20 juillet) de 18h30 à 19h30 et de 19h30 à 20h30 dans les jardins de la maison des relations internationales. Sur inscription à l’Office du tourisme ou au 04 67 60 60 60. Gratuit dans la limite des places disponibles.
Concerts, conférences, animations… retrouvez le programme complet des Estivales 2018.

>>> Jean-Philippe Granier détaille le programme des conférences :

– 6 juillet – L’histoire du Languedoc viticole par Jean-Philippe Granier : « Il faut la connaître elle est très riche. Il y a six mois à Lattes on trouvait un pressoir gaulois. Au VIe ou VIIe siècle, il y avait déjà du vin fait ici ».

– 27 juillet – L’Agroécologie en AOC LAnguedoc par Bruno Loquet : « Le syndicat de l’appellation Languedoc, avec l’Agence de l’Eau, a embauché Bruno Loquet pendant trois ans pour régler les problèmes liés à l’environnement. Même si je pense que nous sommes la région où nous avons le plus respecté l’environnement, aujourd’hui, il y a une éducation à avoir auprès de nos vignerons ».

– 3 août – Rôle de l’ethnologie sur la coopération par Marie-Ange Lasmènes : « Elle présentera l’évolution de la coopération, qui a joué un rôle capitale dans le Languedoc, en prenant comme exemple celle de Montpeyroux avec comme points de comparaison des coopératives du bordelais ».

– 10 août – Vin et spiritualité par Jérémy Cadière : « C’est un jeune sommelier également un pasteur. Il fait le lien entre des passages de la Bible et la qualité du vin. C’est vraiment remarquable ».

– 17 août – Comprendre les vins nature par Katrina Muller : « Généralement cela énerve beaucoup les vignerons car le vin, en général, est naturel. Sauf que l’on ne trouve pas de vin dans la nature, à part du vinaigre. S’il n’y a pas l’homme pour maîtriser la nature, il n’y a pas de vin ».

– 24 août – Livre sur Picpoul de Pinet par Marc Médevielle : « Ancien journaliste de Midi Libre et créateur du magazine Terre de Vin, Marc Médevielle a remonté l’histoire du Picpoul que l’on trouve dans d’autres endroits du Languedoc ».

– 31 août – Terroirs viticoles du Languedoc par Jean-Claude Bousquet : « Ce géologue viendra parler du lien entre le sol et le vin qui nous permet d’avoir une diversité dans notre terroir viticole languedocien ».


Cédric Nithard