Interview : Coralie Balmy, sauveteuse de mer


Après des années d’efforts , elle aurait pu se la couler douce, hors de l’eau. Mais c’est bien mal connaître Coralie Balmy, l’une des grandes figures féminines de la natation française des années 2000. Sous son naturel calme, l’ancienne nageuse du MUC Natation cache une âme de battante et une énergie sans borne qu’elle met désormais au profit d’un nouveau défi : défendre la cause des océans.

Interview Coralie Balmy dans Métropolitain L’Officiel

Cette semaine, dans le magazine Métropolitain l’officiel, l’ancienne championne de natation Coralie Balmy nous présente son nouveau défi : @Be Green Ocean – Be Go

Publiée par Métropolitain sur Mardi 18 juin 2019

Après une carrière bardée de performances et de médailles (30 titres de championne de France, 4 fois championne d’Europe, médaillée en bronze aux JO de Londres et aux championnats du monde, sans oublier un record du monde inscrit sur les tablettes), la native de Sainte-Marie (Martinique) a décidé de changer de bassin pour celui du centre d’étude et de sauvegarde des tortues marines (Cestmed), installé entre La Grande Motte et le Grau du Roi. `

Assistante vétérinaire auprès des équipes de Jean-Baptiste Sénégas, directeur du Cestmed, elle s’est découvert un métier et s’est construit une nouvelle vie.

Aujourd’hui c’est avec Be Green Ocean, son association lancée l’an dernier, qu’elle entend faire des vagues. Le but : éveiller les consciences face à l’urgence écologique des océans. Une goutte d’eau ? Pas si sûr…

Tu as grandi sur une île, tu t’es entrainée durant des années 6 heures par jour dans les bassins… quel est ton rapport avec l’élément eau ?

Coralie Balmy : Je suis née là-dedans ! C’est vrai que dès que j’ai eu mes premiers vaccins, ma mère m’amenait avec mon frère à la mer. Elle nous avait acheté des masques et des tubas et toutes les semaines, on se baignait avec elle, l’un accroché à l’épaule droite, l’autre à l’épaule gauche, et on regardait les poissons et les fonds marins. C’est ce qui a déclenché mes deux passions : la natation et les animaux marins.
Enfant, à La Martinique, j’étais toujours dans l’eau. Donc c’est un rapport très très particulier… je me suis toujours sentie bien, et c’est ce qui me manque le plus aujourd’hui, de ne pas être dans l’eau. Je suis trop frileuse alors la mer, ici, je n’y vais que l’été, et quant à aller à la piscine pour nager, je n’y vois pas d’intérêt pour le moment, maintenant qu’il n’y a plus de performance en jeu.

Justement, pour certains sportifs de haut niveau, l’arrêt de la carrière sportive est synonyme de petite dépression, ou alors au contraire elle peut être vécue comme une libération, après des années de contraintes et de privations. Pour toi, ça s’est passé comment ?

C’est une période pas évidente pour un athlète. Pour moi, j’ai ressenti ce côté libératoire dans le sens où de nouvelles portes s’ouvraient à moi. Il y a un caractère excitant à découvrir de nouvelles choses et en même temps, une peur, car on perd tous nos anciens repères. J’avais quand même anticipé mon projet professionnel en suivant des études d’assistante vétérinaire, et comme je voulais m’orienter vers la protection des océans et des animaux marins, j’ai écrit à plusieurs associations engagées dans ces thèmes et le Cestmed m’a gentiment répondu en octobre 2016. J’ai eu de la chance car j’ai essuyé plein de refus du fait que je n’avais aucune expérience professionnelle.

Vraiment ? On pourrait penser qu’un parcours d’athlète de haut niveau et une médaille olympique ça aurait aider à ouvrir des portes ?

Coralie Balmy : Non, et d’ailleurs c’est ce que je cherchais, je voulais faire mes preuves. J’en avais marre d’être Coralie, la championne de natation…

Jean-Baptiste Sénégas : Moi, je ne savais pas qui elle était, je suis très mauvais en sport (rires). On a été intéressé parce qu’elle pouvait s’investir sur une longue durée et qu’elle amenait tout un réseau qui pouvait créer une nouvelle dynamique et nous amener vers d’autres projets.

Coralie Balmy et Jean-Baptiste Sénégas, directeur du Cestmed, à l'Arbre Blanc.

Coralie Balmy et Jean-Baptiste Sénégas, directeur du Cestmed, au restaurant L’Arbre. (©Métropolitain)

Quel a été l’élément déclencheur de ton engament ? Quand as-tu pris conscience de l’urgence écologique ?

Coralie Balmy : J’ai toujours pratiqué la plongée et en revenant sur les mêmes sites, année après année, on se rend compte qu’il y a quelque chose qui change dans les océans. Puis au Cestmed, en assistant aux autopsies, on découvre ce fléau du plastique qui touche tous les animaux marins. On le constate sous nos yeux alors c’est difficile de rester-là sans rien faire. Ça vient peut-être de mon tempérament de sportive, mais je n’aime pas rester sur un constat d’échec, on peut toujours améliorer les choses. Avec le sport, j’ai été programmée pour mener des combats, si on peut dire.

Au Cestmed, justement, vous vous battez pour la protection des tortues caouannes, une espèce menacée, apparue il y a plus de 100 millions d’années. Combien d’individus avez-vous sauvés depuis la création du centre ?

Jean-Baptiste Sénégas : On accueille tous les ans en moyenne 60 tortues qui ont été blessées le long des côtes françaises, soit par une capture accidentelle, soit par une collision avec un bateau, soit à cause d’une ingestion de plastique. Certaines sont malheureusement mortes alors on pratique des autopsies pour connaître les causes du décès. Celles qui nous sont amenées vivantes sont soignées avant de rester quelques semaines en bassin de réhabilitation et d’être enfin relâchées au large, une fois complètement guéries. En tout, depuis sa création, le Cestmed a sauvé près de 500 tortues.

Mais aujourd’hui, nos actions ne se limitent pas qu’aux soins, on réalise des suivis, on sert de base à des programmes scientifiques nationaux ou européens. La tortue est une espèce bioindicatrice, c’est à dire qu’à travers son étude, on peut évaluer l’état de pollution de la mer. Par exemple, quant il y a quelques années, il y a eu un soucis technique dans une station d’épuration à Naples qui a laissé échapper des dizaines de milliers de médias filtrants, nous avons retrouvé la semaine après l’incident, au Cestmed, ces petites pastilles en plastique dans le ventre de tortues. On peut mesurer ainsi, à travers les tortues, l’évolution des volumes de résidus plastiques présents en Méditerranée.

Coralie Balmy, la mer pour mission.

Coralie Balmy, la mer pour mission. (©Métropolitain)

Coralie, avec ton association, Be Green Ocean, la protection des océans passent davantage par des actions auprès d’un large public ?

Coralie Balmy : Oui, on propose des activités sportives comme des stages de nage en eau libre, mais également des missions scientifiques sur un bateau, ou des opérations de nettoyage, notamment à destination des entreprises. On organise également une exposition photographique sous-marine itinérante cet été. La plupart des animations sont gratuites et destinées au grand public.

À travers toutes ces activités, on souhaite amener à une prise de conscience du public sur les menaces qui pèsent sur nos océans. Je suis persuadée que l’on protège ce que l’on aime, donc je m’efforce de transmettre ma passion pour la mer et les animaux marins.
Accabler les gens avec des constats négatifs ce n’est pas toujours efficace. D’autant qu’il y a de quoi aller de l’avant, car des solutions il en existent plein. À l’échelle individuelle, il y a plein de bons gestes à adopter. On sensibilise le grand public sur ses pratiques et on accompagne également des entreprises qui veulent s’engager dans un processus de réduction des déchets. On en est encore au début, mais on aimerait bien travailler avec des grandes sociétés basées à Montpellier, notamment le groupe Nicollin qui travaille sur la problématique des déchets, et dont les dirigeants partagent également des valeurs sportives.

D’ailleurs, les valeurs sportives font partie intégrante de ce projet associatif ?

Oui car la mer c’est un écosystème vivant. Il y a un parallèle à faire avec le corps humain dans la manière d’en prendre soin. Il y a des équilibres qui doivent être préservés si l’on veut que nos océans restent en bonne santé. De nombreux sportifs de haut niveau nous ont d’ailleurs rejoint, des rugbymen, des footballeuses comme Clarisse Le Bihan, le handballeur Melvyn Richardson, ou encore Antoinette Nana Djimou, la championne d’heptathlon.

Durant 1 an, le photographe Antoine Repessé a stocké les déchets plastiques issus de sa consommation domestique.

Durant un an, le photographe Antoine Repessé a stocké les déchets plastiques issus de sa consommation domestique. (©Antoine Repessé)

Photo sous l’eau. De juin à septembre, l’association Be Green Ocean organise une exposition photographique itinérante dédiée au travail d’Antoine Repessé, un artiste rendu célèbre par sa série #365 Unpacked. Durant un an cet artiste a accumulé les déchets générés par sa consommation quotidienne avant de les mettre en scène devant son appareil. Les dates : 22, 23, 24 juillet 2019 à Carnon-Mauguio ; 25, 26, 27, 28 juillet 2019 à Frontignan ; 02, 03, 04 août 2019 à Villeneuve les Maguelones ; 08, 09, 10, 11 Août 2019 à Banyuls ; du 05 au 15 septembre à Villefranche sur Mer.

Une interview extraite du numéro 1958 du magazine Métropolitain L'Officiel

Une interview extraite du numéro 1958 du magazine Métropolitain L’Officiel (©Métropolitain)

19/06/2019 à 13:06 par Arnaud Boularand