Montpellier : tous unis contre l’antisémitisme… mais c’est compliqué


Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées devant la Préfecture, avant de rejoindre la Comédie, pour dire non à l’antisémitisme. Si la cause fédère, et bien au-delà le racisme dans sa globalité, reste que trois appels différents avaient été lancés.

Partis politiques et communauté juive

Réunis derrière le collectif national Ça Suffit, les partis politiques, de nombreux élus, les syndicats, les représentants des cultes religieux et des associations ont laissé la parole à Hussein Bourgi. La communauté juive et la société civile se tenaient à quelques mètres de là avant de les rejoindre. « C’est une symbolique forte car on soutient la manifestation mais pas les partis politiques et les syndicats qui se sont agrégés » explique Perla Danan, présidente régionale de la délégation Languedoc-Roussillon du Conseil représentatif des institutions juives de France, qui se tenait à côté du premier secrétaire fédéral du PS lors de son discours devant la Préfecture.

Un discours chahuté

Un discours malmené par une partie du troisième corps présent ce soir : les Gilets Jaunes. Si le rassemblement du soir, dont de nombreux se sont déroulés dans toute la France, est motivé par l’agression verbale à Paris samedi d’Alain Finkielkraut par des Gilets Jaunes, c’est un ras le bol général contre les actes antisémites qui était dénoncé. Certains membres ont pu se sentir visés par les accusations, portées à tort, à l’encontre du mouvement dans sa globalité, et étaient donc là pour montrer que les Gilets Jaunes n’étaient pas racistes. D’autres ont voulu montrer leur opposition à la classe politique qui avait organisé le mouvement. Le préfet de l’Hérault recevant également une salve de sifflets à son arrivée. Quand les plus engagés idéologiquement dans les combats sociaux et membres du collectif Antifasciste dénonçaient avec véhémence la politique du gouvernement israélien. Le tout donnant une impression de cacophonie en dehors de l’esprit du rassemblement du soir.

Des baffes et débats

Les esprits se sont un peu échauffés quelques minutes devant la place de la Préfecture. À ces invectives, de légères baffes ont jailli. Certains anciens de l’assistance n’appréciant pas des saillies verbales de jeunes militants antifascistes. Dire que toute cette assistance était réunie pour la même cause… Après quelques explications sous forme de dialogue impossible, la tension est retombée avant que le rassemblement descende sur la place de la Comédie. Les débats pouvaient reprendre de plus belle. Avec engagement et conviction, des personnes qui n’étaient pas d’accord se sont parlés. Ils ne se sont sans doute pas compris mais au moins les baffes se sont tues au profit des mots. C’est déjà un début…

« On a le droit d’être contre le gouvernement israélien (…) Quand on est contre un peuple entier, c’est du racisme pur ».

Perla Danan, présidente régionale du CRIF Languedoc-Roussillon

Depuis combien de temps constatez-vous cette recrudescence d’actes antisémites ?

Cela fait trois ans que l’on tire la sonnette d’alarme. Le problème, c’est qu’il y a du laxisme. Il y a des choses que l’on ne doit pas tolérer au niveau de l’État, de la force publique. Quelque chose qui est interdit, c’est interdit. C’est monté et cela a donné du courage. On a vu une certaine impunité, un espèce de lâcher. Là cela recommence avec beaucoup de culot. Quelqu’un a crié « Capitaliste » parce que c’est une manifestation contre l’antisémitisme. C’est extrêmement pesant. Des comportements qui étaient marginaux ne le sont plus. Tout le monde se lâche. À un moment, il faut arrêter. Il y a des tentatives pour faire sauter la loi Gayssot réprimant tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

La loi Gayssot a-t-elle vraiment changé les choses quand elle a été adoptée ?

Oui mais quand elle est appliquée. Un exemple, il y a quelques années, un cocktail molotov a été lancé sur la façade de Radio Aviva en pensant qu’il s’agissait d’une synagogue. Certes, ils se sont trompés de porte mais le tribunal a statué qu’il ne s’agissait pas d’un acte antisémite car ce n’était pas la synagogue. Ça, c’est un signal fort. Dans les partis politiques qui sont venus ce soir, il y en a qui contribuent largement à l’antisémitisme. C’est pour ça que je n’ai pas voulu prendre la banderole au début. Pour dédouaner des gens qui soufflent sur les braises toute l’année ? Non.

La mobilisation de la communauté juive est importante ce soir.

Les gens ont beaucoup bougé. C’est important, ils se sentent concernés. Il faut dire que cela crée un malaise. Comme si on était déçu par un fiancé, de se rendre compte qu’on en est là, l’impression tout d’un coup qu’il y a quelque chose de loupé. Moi avec la France j’en suis là. Beaucoup de choses se mélangent dans la tête de certaines personnes entre juifs, sionistes… On a le droit d’être contre le gouvernement israélien, ce n’est pas le sujet. On est plein à ne pas être d’accord avec ce qui est fait en Israël. Quand on est contre un peuple entier : la culture, la danse, les brevets… c’est du racisme pur. Si je dis «je suis contre les Italiens c’est du racisme». Si je dis je suis contre le gouvernement italien c’est une opinion. On en est là aujourd’hui. Tout le monde ferme les yeux. J’espère juste que les pouvoirs publics arriveront à faire respecter simplement la législation. C’est compliqué mais à un moment ce sont des prôneurs de haine et on va finir par en récolter les fruits.

Ce soir, vous êtes allée plusieurs fois au contact des personnes qui ont montré leur opposition, est-ce que le dialogue est possible ?

C’est impossible. Déjà, il y a marqué juif ici (ndlr : posant sa main sur le front). Cela veut dire que je ne suis pas fréquentable, il faut appeler un chat, un chat. Vous avez eu l’impression que ces personnes essayaient de comprendre quelque chose ? Celui qui a crié « Capitaliste », il aurait pu essayer d’engager un dialogue, me dire vous êtes trop riche, trop arrogant ou autre. Mais là ce n’est pas possible. On n’est pas dans une possibilité d’échange et d’explications. Le conflit israélo-palestinien est utilisé par certains car cela passe mieux d’être anti-israélien, qu’anti-juif. Il y en a d’autres qui mettent un panneau Association des Juifs pour la Paix mais ce sont des ultra extrémistes qui font ça pour se dédouaner. C’est une période un peu bizarre où tout s’est libéré. J’espère que les partis qui ont promis des plans d’actions vont s’y coller parce que là ils vont nous avoir dans les pattes. . La Rectrice m’a écrit avec un plan d’actions. Carole Delga (présidente de la région Occitanie) m’a écrit qu’elle voulait participer. On va se voir avec Kléber Mesquida (président du département de l’Hérault). Si on fait un plan d’actions à plusieurs niveaux chacun dans son domaine on arrivera à faire, qu’un jour, une personne lambda, qui verra une autre personne se faire insulter, prendra sa défense.

19/02/2019 à 21:38 par Cédric Nithard