Fausses réparations informatiques : Montpellier était la plaque tournante d’une vaste arnaque


Une arnaque bien huilée depuis Montpellier
Une arnaque bien huilée depuis Montpellier (©Pixabay)

Montpellier était la plaque tournante internationale depuis ces dernières années d’une organisation de cybercriminalité spécialisée dans une vaste fraude à la fausse réparation informatique, avec environ 5 000 victimes en France pour un préjudice estimé à 1,2 M€. Des centaines de victimes n’ont toutefois pas pu être identifiées pour qu’elles soient entendues par les enquêteurs. En effet, ce réseau tentaculaire vient d’être démantelé.

Six des sept escrocs présumés interpellés ces derniers jours ont été mis en examen pour « escroquerie, tentative d’escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs, infractions liées au système de traitement automatisé des données et blanchiment d’escroquerie en bande organisée ». Trois ont été placés en détention provisoire, les trois autres laissés en liberté sous contrôle judiciaire.

La juge d’instruction à Montpellier

La juge d’instruction Diane Scheepmans de la Juridiction interrégionale spécialisée -Jirs- du tribunal judiciaire de Paris s’est même déplacée à Montpellier mardi 22 novembre dernier pour lancer et superviser la deuxième phase de cette opération depuis les locaux de la Direction territoriale de police judiciaire -DTPJ-, saisie de l’enquête avec la DTPJ de Nancy. La première phase de cette procédure remonte à octobre 2020, avec la mise en examen d’un des escrocs montpelliérain.

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Centre d’appel en Tunisie

Les interpellations ont eu lieu simultanément à Perpignan -Pyrénées-Orientales-, au Puy-en-Velay -Haute-Loire-, à Istres et à Martigues -Bouches-du-Rhône- et en région parisienne. Un des suspects a échappé au coup de filet, car il a quitté Perpignan pour se rendre en Tunisie la veille. C’est dans ce pays du Maghreb qu’était installé le centre d’appel géré par deux sociétés (SASU au capital de 550€ !) implantées à Montpellier, dans une résidence du quartier de Celleneuve, à proximité de l’avenue des Moulins et à Saint-Dié-des-Vosges.

Signalements dès l’été 2020

Une fratrie installée à Montpellier, en Tunisie, à Perpignan et dans les Vosges était à la tête de ce réseau, avec le principal organisateur qui a été le premier à être arrêté en octobre 2020 à Montpellier et mis en examen par la juge d’instruction de la Jirs de Paris. Une information judiciaire était ouverte à la suite de plusieurs centaines de signalements et de plaintes de victimes mettant en cause la SASU installée à Celleneuve. En effet, à l’été 2020, la plateforme gouvernementale cybermalveillance.gouv.fr, un organisme public, avait été abreuvée de signalements de victimes de fraudes dites à la réparation informatique. 

L’enquête des policiers de la PJ via notamment l’analyse d’innombrables flux financiers a déterminé que la plateforme de la SASU implantée à Montpellier était utilisée pour collecter illégalement des fonds en France, mais aussi en Allemagne, en Suisse, au Portugal, en Lithuanie, en Estonie, en Australie et aux Émirats arabes unis. Les frères et soeurs d’une même famille à la tête de ce réseau frauduleux possédaient de très nombreuses sociétés en France et à l’étranger, des EURL, SAS, SARL, SASU, SCI, etc.

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Système bien huilé

Quel était le mécanisme ? Le système pour tomber dans le panneau était bien huilé : en naviguant sur Internet, une page à entête Microsoft s’ouvrait en premier lieu, informant les internautes que leur ordinateur avait été infecté par un malware et qu’il était bloqué par mesure de sécurité, la technique agressive du pop-up via des serveurs publicitaires rendant impossible la fermeture de la page…Cette page les renvoyait vers un numéro de téléphone d’une société dite partenaire pour procéder à la réparation du système soi-disant piraté. Les appelants tombaient sur un « technicien » partenaire de Microsoft qui prenait alors la main sur leur ordi à distance pour effectuer un pseudo-diagnostic et proposait un contrat de support technique moyennant finance. Les sommes étaient faibles, entre 130 et 230€ en moyenne, mais jusqu’à 1 800€ dans certains cas. Les victimes acceptaient de payer par cartes bancaires, chèques ou numéraire.

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Personnes âgées ciblées

Selon une source judiciaire à Paris, « ce sont des personnes âgées qui étaient ciblées par les escrocs, qui n’ont aucune connaissance du fonctionnement des ordinateurs en cas de panne et de blocage et méconnaissants le système informatique. Paniqués, ces seniors contactaient ce numéro de phone et un pseudo-technicien se livrait à des manipulations à distance permettant donc à ce « sauveur » les rassurant en indiquant avoir repéré des virus et opérer leurs destructions, en fait un complice des têtes de réseau, un technicien malveillant récupérant ainsi l’accès aux comptes et aux mots de passe…

Des victimes piégées deux fois

Sur les 5 000 internautes approchés, les policiers ont identifié 2 200 potentielles victimes et seules 884 ont répondu aux sollicitations et 534 ont finalement déposé plainte. Le parquet de Paris souligne que certaines victimes ont été piégées deux fois. Après la fausse réparation informatique, elles disent avoir reçu un message affirmant que la justice avait condamné la société et leur demandant d’envoyer un relevé d’identité bancaire -RIB- pour obtenir réparation. Elles se sont alors exécutées…

L’instruction se poursuit activement, avec en prévision des opérations de police en collaboration avec les autorités tunisiennes pour boucler cette arnaque tentaculaire.

30/11/2022 à 06:28 - Jean-Marc Aubert.