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Tribunal correctionnel, audience des comparutions immédiates, mercredi 10 avril. Dans le box, Abdennacer, un agent d’entretien marocain âgé de 46 ans, nie avoir poignardé sa femme, qui a engagé une procédure de divorce. Il dénonce une machination.
Assise sur le banc de la partie civile, devant son avocate et la tête tournée vers les juges, l’épouse ne bronche pas, quand le prévenu répète : « Moi, j’ai rien fait, c’est elle qui s’est donné le coup de couteau, je le jure », en mimant le geste avec une main., à la Hitchcock.
Le 5 avril, en fin de matinée, la victime qui était au téléphone avec sa sœur, dans l’appartement du couple à Montpellier, où se trouvait également le beau-fils, est frôlé dans la salle de séjour par son mari avec lequel elle vient de se disputer violemment et ressent cinq minutes plus tard,, « une douleur piquante à une épaule ». Elle aperçoit alors du sang couler.
Le mari un couteau en main
« Vous hurlez, votre fils qui est mineur sort de sa chambre et aperçoit son beau-père avec un couteau dans une main. Vous appelez la police, qui une fois sur place fait venir les pompiers. Vous déposez plainte en sortant des urgences. Votre mari n’a pas encore été convoqué au commissariat pour ce coup de couteau, qu’il se présente le 8 avril pour vous accuser de lui bloquer son salaire mensuel versé sur votre compte bancaire, indiquant être votre esclave et en étant violent avec lui », lit, penchée sur la procédure, Carole Daux, la présidente du tribunal. Alors qu’il veut porter plainte, il est placé en garde à vue.
Divorce engagé
La femme se lève : « C’est normal qu’il se plaigne, depuis notre mariage en 2015, il est nourri et blanchi, je lui demandais de faire au moins la vaisselle. Il faut se partager les tâches dans un couple. Ah non, monsieur refusait. J’ai engagé le divorce en 2017 »…La présidente, étonnée : « Procédure que vous avez stoppée depuis, pourquoi ? ». la victime : « Il n’avait pas d’endroit où aller, j’avais mal au cœur de le savoir à la rue, je lui ai finalement dit de rester. Il est en situation irrégulière en France. La préfecture de l’Hérault a refusé de lui renouveler sa carte de séjour ».
« C’était un mariage bidon »
La juge enchaîne : « Le mobile de cette dispute suivie du coup de couteau serait justement ce refus de la préfecture, quand elle a été informé que vous vouliez divorcer, avant de revoir votre position, tardivement. Le 4 avril, il revient furieux de la préfecture, le lendemain, il vous blesse à l’arme blanche ».
La femme du prévenu explique : « Il m’a violemment fait des reproches, il était en crise, il m’a dit, c’est à cause de toi qu’on va m’expulser. J’ai eu peur, il était très menaçant. Je n’avais plus confiance en lui, depuis que j’ai découvert qu’il s’était marié avec moi pour obtenir sa carte de séjour. C’est un mariage bidon. J’étais au téléphone avec ma sœur en train de lui raconter la violente dispute, quand il est passé derrière moi ». Elle reconnaît que, « le salaire mensuel de 800€ de mon mari qui est homme de ménage est bien versé sur mon compte, mais, il ment quand il dit que je garde tout. Quand il a besoin d’argent ou de faire des achats, il prend ma carte bancaire ».
Un coup porté de haut en bas
Carole Daux interroge Abdennacer : « Alors, qu’est-ce que vous pensez de ça ? ». Le mari, agité dans le box, persiste et signe : « Quand on s’est disputés, elle m’a dit, je vais me poignarder, je t’accuserais, comme ça tu iras en prison. Et elle l’a fait ». L’avocate de l’épouse relève que, « matériellement, elle n’a pas pu se poignarder à l’épaule gauche, d’abord parce qu’elle a un handicap à la main droite, ensuite, parce que le médecin légiste a conclu que le coup de lame avait été porté de haut en bas. Et puis, son fils a vu son beau-père le couteau en main. S’il l’avait chargé en étant de mèche avec sa mère, il aurait dit avoir vu son beau-père porter le coup de couteau ».
« Quel manque de courage »
Le procureur Antoine Wolff ne croit pas une seconde à la version du mari : « Ce coup de couteau est le résultat de ce mariage bancal entre sentiments au début sûrement et d’intérêts, ensuite. Il n’a pas supporté le refus de renouvellement de son titre de séjour. Il a blessée sa femme par derrière, sournoisement. Quel manque de courage il montre ici, en accusant son épouse de s’être poignardée et en voulant nous faire croire qu’elle est machiavélique ». Il requiert trois ans de prison, dont six mois avec sursis, avec mandat de dépôt.
« Aucun témoin direct »
En défense, l’avocate d’Abdennacer plaide la relaxe : « Moi, à la lecture de cette procédure, où il n’y a vraiment pas eu d’enquête poussée, je pense que tout est possible du côté de cette femme. Elle a très bien pu faire du chantage et monter une machination pour faire condamner son mari. Il n’y a eu aucun témoin direct de la scène. Il y a un détail qui m’interpelle : elle raconte qu’elle n’a pas senti le coup de lame derrière l’épaule gauche et pourtant, elle a répété ici s’être mise à hurler, lorsqu’elle était au téléphone avec sa sœur »…
Pas de doute pour les juges. Le mari part en prison : quinze mois, dont six mois avec sursis. Et il est condamné à payer à sa femme 1 000€ de dommages-intérêts.